Victoire pour l’aqueduc de Louveciennes !
Nous avons l’habitude d’écrire dans ces pages que lorsque l’exécutif est faible et que le législateur ne produit pas la norme adéquate, c’est le juge qui tranche.
L’affaire de Beynac dont nous nous sommes fait un large écho en est un exemple éminent. Une nouvelle illustration vient d’en être donnée ce 17 mai dernier : un projet d’envergure qui se situe dans un écrin de verdure à moins de 80 mètres de l’aqueduc de Louveciennes en co-visibilité du domaine national de Versailles. Classé au titre des monuments historiques, ce pont aqueduc a été construit au XVIIe siècle sous le règne de Louis XIV afin d’acheminer l’eau de la Seine jusqu’aux jardins et bassins des châteaux de Marly et de Versailles. Jusqu’à son déclassement, réalisé spécialement en vue de la vente, par une délibération du 26 septembre 2016, le terrain faisait partie du domaine public communal en étant fréquenté par les habitants.
Dans un état de droit paisible, il n’eût du venir à l’esprit de personne : préfet, maire, ministre d’imaginer que l’on puisse construire auprès d’un monument aussi emblématique.
Et pourtant, il a fallu que ce soit le tribunal administratif de Versailles qui annule, le 17 mai 2019, le permis de construire initial et le permis de construire modificatif de l’ESH Domnis ayant pour objet la construction d’un ensemble immobilier de 64 logements sociaux se situant sur le chemin de l’Aqueduc de Louveciennes.
L’association Réaliser l’accord cité-nature-espace (RACINE), l’association Yvelines environnement, la fédération Patrimoine-Environnement, la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France (SPPEF), ainsi que plusieurs particuliers dont Mr. Jean-Pierre Pernaut ont demandé au tribunal l’annulation des arrêtés portant permis de construire initial (22 décembre 2016) et modificatif (6 mars 2018) ainsi que des décisions de rejet de leurs recours gracieux.
Le tribunal a jugé que les vices des permis étaient de nature à entraîner l’illégalité de l’acte dans son ensemble. C’est la raison pour laquelle celui-ci, constatant des irrégularités non régularisables et a annulé les permis en question.
L’intérêt pour agir de Patrimoine Environnement a été également été confirmé par le tribunal qui a cité l’article L. 142-1 du code de l’environnement :
« Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 […] justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ».
Le jugement est susceptible de faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat puisque, chers lecteurs attentifs, vous le savez la ville de Louveciennes est située en « zone tendue ». C’est la commune qui, pour une fois,, est donc privée du double degré de juridiction.
Alain de la Bretesche,
Président de Patrimoine-Environnement