Un édito pour l’après !
Et voilà ! Toutes les fumées blanches sont sorties : nous avons un président de la République, un Premier Ministre, un gouvernement et une Assemblée nationale.
Dans le gouvernement, nous avons bien sûr scruté les antécédents de la nouvelle ministre de la Culture, ceux du ministre d’État en charge de la Transition écologique, de son ministre délégué, de ses deux secrétaires d’État et ceux du ministre en charge de la Cohésion des territoires et de l’urbanisme. Ce ne sont pas de mauvaises gens. Ils proviennent tous, sauf monsieur Mezard, ministre de la Cohésion des Territoires, de la sacro-sainte « société civile » qu’ils ont quittée pour entrer en politique.
Clairement ils savent lire, ce qui n’est pas déplaisant, surtout pour une ministre de la Culture !
Nous avons du mal à donner un nom et un visage à un très grand nombre de députés et encore plus de difficultés à mesurer leur appétence pour le patrimoine et les paysages, mais nous ne désespérons pas, avec votre aide, de trouver des interlocuteurs/trices.
Nous avons écouté les grandes déclarations : discours d’investiture, allocution devant le congrès réuni à Versailles, déclaration de politique générale du Premier Ministre et nous les avons, vous vous en doutez bien : « épluchés, croisés et recroisés ».
Ce fut notre première déception ! Pas un mot des grandes idées de notre « Lettre aux Français et à leurs Élus sur le Patrimoine » et en particulier pas de changement dans la gouvernance : la ministre de la Culture a perdu la « communication » dans son titre, mais son périmètre est le même que celui de la précédente. L’écologie et l’urbanisme sont confiés à deux ministres distincts. De sorte que les solutions aux éternelles disputes entre la rue de Valois, l’hôtel de Roquelaure et tutti quanti ne sont toujours pas sur la table. Le tourisme est toujours pour partie au quai d’Orsay et ses liens avec la culture ne sont pas précisés dans les décrets.
Cette situation, qui n’a pas été envahie comme ailleurs par le changement, devrait malheureusement produire les mêmes effets. Il faudrait que « tout change pour que rien ne change » disait le prince de Lampedusa. Mais je crains que la formule ne soit pas inversable. Ce n’est évidemment pas de la faute des ministres si leur périmètre n’a pas fait l’objet de vraies réflexions avant leurs nominations et les choses peuvent s’améliorer si le système des arbitrages de Matignon est « inspiré » par quelques principes nouveaux et surtout, si « Jupiter » se sert de la foudre quand il faut. Je ne suis pas un « perdreau de l’année », mais j’accepte d’attendre et de voir… Cependant un peu de lucidité ne nuit pas. Mon système d’évaluation et de contrôle obéira à quelques points de vigilance.
Les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) sauront-elles dépenser, à partir d’aujourd’hui, les 40% de crédits votés par le Parlement dans la mission culture de la loi de Finances, au profit du Patrimoine, qui dépendent de chacune d’entre elles ? Avant que monsieur Darmanin ne les rapatrient à Bercy pour les annuler comme c’est le devoir du ministre des comptes publiques en fin d’année budgétaire.
Le ministre en charge des autorisations d’urbanisme, sous le regard du ministre d’État Nicolas Hulot, reprendra-t-il le travail (tellement mal fait qu’il a partout été annulé par la juridiction administrative consistant) en concertation avec les associations, afin de décider où il faut implanter des éoliennes pour qu’elles ne dérangent pas les paysages ? Il suffit d’utiliser l’excellente méthode préconisée par l’Unesco de « l’aire d’influence paysagère ». Faudra-t-il encore faire admettre à tous qu’il restera, après avoir respecté toutes les mesures de protection, un morceau substantiel du territoire pour ce faire ?
Puisqu’il faut parler de corruption, de prévarication et de moralisation de la vie publique, ne peut-on pas souffler à la Garde des Sceaux comme l’a fait un de nos délégués départementaux, que dans les tiroirs de la Chancellerie, il existe depuis 2014 un rapport sur la corruption des collectivités décentralisées dans leurs relations avec les promoteurs ?
Dans la loi Biodiversité a été voté, avec notre soutien, un article qui sauvegarde les « allées d’arbres ». La question qui fâche est la suivante : faut-il un décret pour appliquer cette loi ? Pendant que les hauts fonctionnaires réfléchissent, on coupe les arbres, et même, on se hâte de les couper ! Il suffirait sans doute d’un simple communiqué du ministre d’État pour que ce vandalisme s’arrête. Comme le président Pompidou l’avait obtenu par une simple lettre à son Premier Ministre Chaban-Delmas. « O tempora o mores ! »
Madame Royal, en déménageant pour partir en Alaska, nous a laissé un cadeau en acceptant, au tout dernier moment de mettre fin à l’obligation de la fameuse « isolation par l’extérieur ». Elle a toutefois maintenu que cette isolation demeurait obligatoire pour les bâtiments construits en «terre cuite ». Ainsi, tous les immeubles construits en brique seront soumis à l’isolation par l’extérieur : « Oh…Toulouse ! ». Claude Nougaro, de là-haut, aide-nous !
Juste avant de rendre son tablier, le Premier Ministre Cazeneuve a reçu un rapport commandé à l’ancien sénateur Yves Dauge intitulé : « Plan National en Faveur des nouveaux espaces protégés ». Cet excellent rapport dont la plupart des mesures proposées peuvent être opérationnelles, foisonne d’idées et de mesures pour transformer la politique sociale et économique dans les nouveaux « sites patrimoniaux remarquables ».
Dans une interview accordée à la revue numérique « Business IMMO », Emmanuel Macron a déclaré : « le diagnostic qu’a réalisé le sénateur Yves Dauge sur la dévitalisation des centres historiques des villes petites et moyennes est sans concession…Il faut agir et je le ferai en m’appuyant sur l’excellent rapport d’Yves Dauge. Cette adaptation aux territoires constituera le fil conducteur de ma politique du logement… » Il reste à encourager publiquement le Commissariat à l’égalité des territoires en charge de l’application des préconisations du rapport afin qu’il aille de l’avant.
Ainsi le gouvernement d’Edouard Philippe pourrait, au moyen de mots et de quelques textes, nous tirer de quelques périls imminents. Cela, n’en doutons pas, nous plongerait dans un bain de confiance.
« Hé, mon ami, tire moi du danger
« Tu feras après ta harangue »
Jean de la Fontaine, L’enfant et le maître d’école
Alain de La Bretesche,
Président de Patrimoine-Environnement