Le Président Emmanuel Macron s’engage à restituer le patrimoine africain
C’est une annonce historique : lors de son discours à Ouagadougou le 28 novembre 2017, le Président Emmanuel Macron s’est exprimé sur son souhait à restituer, d’ici la fin de son quinquennat, toutes les œuvres qui reviennent de droit au continent africain.
Une première en matière de politique de restitution
Cette annonce fait grand bruit car elle va à l’encontre de celles de ses prédécesseurs qui jusque ici se rangeaient derrière le caractère inaliénable, imprescriptible et insaisissable des collections des musées publics français afin de justifier leur refus de rendre les trésors africains aux pays d’origine, bien que ceux-ci aient été pillés pendant la colonisation. Pour autant, c’est en ces termes que le Président Emmanuel Macron s’est exprimé :
Le patrimoine africain ne peut pas être uniquement dans des collections privées et des musées européens. Il doit être mis en valeur à Paris, mais aussi à Dakar, Lagos, Cotonou […]. Ce sera l’une de mes priorités. D’ici cinq ans, je veux que les conditions soient réunies pour un retour du patrimoine africain à l’Afrique.
Par ces mots, le chef de l’État a rompu avec un principe juridique français établi en 1566 par « l’édit de Moulins ». Depuis cette époque, le domaine royal devenu domaine public est inaliénable. Ce principe se voit renforcé par les règles d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité. Ainsi, il est interdit, sauf exceptions rares, au « Prince », qu’il soit roi ou Président de la République, de disposer de ce domaine par vente, donation ou cession sous quelque forme que ce soit. Suivant le Code du patrimoine français : « les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables ».
La promesse du retour de nombreux objets d’art sur le sol africain
Sur le continent africain, cette annonce est synonyme d’espoir, notamment au Bénin qui, en juillet 2016, avait demandé le retour de trônes, statues, sceptres et bijoux pillés en 1892 et actuellement exposés au musée du Quai Branly à Paris. Ce à quoi la France avait répondu par un refus catégorique, en recourant au même motif : « Les biens que vous évoquez ont été intégrés de longue date, parfois depuis plus d’un siècle, au domaine public mobilier de l’État français. Conformément à la législation en vigueur, ils sont soumis aux principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité. En conséquence, leur restitution n’est pas possible ».
Le problème de la conservation des objets en Afrique est l’autre argument régulièrement avancé pour justifier le refus de restitutions. Certains affirment que les pays africains ne posséderaient pas les capacités logistiques pour exposer et conserver de telles œuvres. Un argument erroné pour les partisans de la restitution. Sur ce point, le Président a précisé que les pays concernés devront mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer la conservation des biens, la valorisation du patrimoine et la formation des personnels et des publics :
Mais le meilleur hommage que je peux rendre non seulement à ces artistes, mais à ces Africains ou ces Européens qui se sont battus pour sauvegarder ces œuvres, c’est de tout faire pour qu’elles reviennent. C’est de tout faire, aussi, pour qu’il y ait la sécurité, le soin qui soit mis en Afrique pour protéger ces œuvres. Donc ces partenariats prendront aussi toutes les précautions pour qu’il y ait des conservateurs bien formés, pour qu’il y ait des engagements académiques et pour qu’il y ait des engagements d’État à État pour protéger ces œuvres d’art.
De la nécessité de modifier la loi française
Si Emmanuel Macron vient de s’engager officiellement à restituer le patrimoine africain d’ici cinq ans, le problème n’est pas pour autant réglé. En effet, le retour effectif des objets sur le continent s’avère plus compliqué qu’il n’y parait dans ce dossier épineux et particulièrement sensible. Pour que les pièces puissent quitter le territoire, il faudrait changer la loi française. Marie-Cécile Zinsou, directrice de la Fondation Zinsou au Bénin, qui sauvegarde et promeut le patrimoine culturel africain, est néanmoins confiante car, selon elle, le Président peut proposer de légiférer sur la question : « Objectivement, Emmanuel Macron a une majorité politique. On peut donc tout à fait envisager d’avoir une loi d’exception sur les questions de patrimoine et de colonisation ». Et de rappeler qu’une telle loi d’exception est tout à fait possible, comme ce fut le cas par exemple, en 2010, pour la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande.
Retrouvez l’intégralité du discours du Président Emmanuel Macron à Ouagadougou, le 28 novembre 2017, ici