Le Patrimoine, un palimpseste qui réconcilie
Jeudi 31 mai, dans les décors somptueux de la salle des fêtes de l’Élysée, le sympathique Stéphane Bern ouvre le feu avec l’enthousiasme qu’on lui connait. Il commente la liste des 250 monuments en péril qu’il a collecté et cite les 18 d’entre eux qui auront la chance de bénéficier du nouveau Loto du Patrimoine cette année. Et puis le président de la République s’empare du micro.
Défilent alors des mots magnifiques tel le « palimpseste », employé pour expliquer comment l’on peut réconcilier l’ancien et le nouveau, des références à la littérature, à Voltaire dont le château de Ferney avait accueilli le président et son épouse le matin même, l’invocation de la création à la condition, a-t-il été dit, qu’elle ne soit pas « hors sol »…
Sans être le moins du monde agiographe, je dois reconnaître que les deux idées développées par le chef de l’État font à mes yeux accéder son discours au rang des textes qui feront référence.
Comme diraient les jeunes gens d’aujourd’hui : c’est du lourd ! Tout d’abord : « quand on parle de notre Patrimoine on parle de l’identité de notre pays » dit-il, et même « le Patrimoine fait parti du cœur politique de la nation » et encore « quand on parle de Patrimoine, on ne parle pas que de pierres, on parle de littérature, de musique, de création… ». Ce thème identitaire, c’est évidemment ce que ressentent les douze millions de visiteurs des Journées européennes du Patrimoine, le système racinaire du pays et de l’Europe d’où nous venons et dont la connaissance est nécessaire pour savoir où nous allons.
Mais, de plus fort « le Patrimoine réconcilie ». Ce mot prononcé plusieurs fois dans le discours ne l’a certes pas été par hasard. La réconciliation des membres de la nation, la réconciliation de l’ancien et du nouveau, et même la réconciliation politique autour de l’idée que la « culture patrimoniale n’est pas plus de droite que la création serait uniquement de gauche ».
La conclusion d’Emmanuel Macron c’est que ce qui réconcilie c’est le « beau ». Ce pourquoi nous ne pourrions pas nous passer d’architectes car ils sont les comptables de cette valeur aussi bien dans le passé que dans l’avenir !
Après les petits fours de la présidence, l’invité rentre chez lui en se rappelant la phrase de Teilhard de Chardin : « Tout ce qui monte converge » en gambergeant sur la manière dont, à sa place et dans sa responsabilité il va pouvoir participer à l’ascension. Las, à peine la cérémonie terminée, le même invité se trouve à nouveau confronté aux médiocrités habituelles. Un nombre non négligeable de sénateurs, pas tous fort heureusement, signent une proposition de loi sans la lire, qui reprend une minable bagarre contre les architectes urbanistes de l’État. Les députés de la majorité suivent pas à pas le ministre Mézard qui ne fait pas mystère de son aversion pour les lois de protection et explique à la tribune que celles-ci doivent s’incliner devant les réalités économiques ou prétendues telles, ce qui est exactement le contraire du sens profond du discours présidentiel qui a vanté le fait que le patrimoine était lui-même une réalité économique importante. Sans se soucier du travail accomplit par la loi LCAP qui est à peine en application. On attise les vieilles rancœurs de certains élus contre les ABF.
Il ne s’agit plus de monter mais de descendre. Notre association, au cours de sa dernière assemblée générale, avait pris le chemin de propositions de réformes. Force est de constater que tant que ce conflit latent des élus contre l’administration de la culture, relayé par des parlementaires qui n’ont pas la compétence du sujet, se poursuivra, rien ne sera possible. Cette querelle est épuisante. C’est en particulier le signataire de ces lignes qui vous le dit.
Alors « tout est perdu, fors l’honneur ! ». Non ! Il y a le discours du président, il y a des parlementaires qui font honneur à la chambre dans laquelle ils siègent, il y a Stéphane Bern, il y a tous les maires des villes ayant un « Site patrimonial remarquable », tous ceux qui président aux destinées des « Petites cités de caractère » et tous ceux qui veulent sauver leur église et non pas se renseigner sur les « arrêtés de péril ». Il y a tous les porteurs de projets comme les deux cent cinquante présentés à l’Elysée et tous les autres (plusieurs milliers nous a-t-on dit). Il y a tous les architectes qui rêvent de beaux bâtiments et pas seulement de faire entrer des tours dans Paris. Il y a vous tous sur lesquels je sais que nous pouvons compter.
Nous allons donc continuer à faire le job.
Alain de La Bretesche,
Président de Patrimoine-Environnement
Retrouvez l’intégralité du discours du président de la République.