Entretien avec l’association des Amis du Grand Parc de Versailles
Connaissez-vous l’association des Amis du Grand Parc de Versailles ? Un fort acteur associatif à l’ouest parisien, qui milite sur de nombreux théâtres : circuit de l’eau, grand parc de Versailles, les différentes plaines agricoles de cette région…
Tout d’abord, revenons sur le projet de l’association, centré sur le Grand Parc de Versailles. Créé en 1683 par Louis XIV, le Grand Parc de Versailles est un territoire de 8600 ha ceint par un mur (pour délimiter le domaine et conserver le gibier) de trois mètres de haut, percé de 23 portes identiques dont une monumentale. Il mesurait 43 kilomètres de long ! Huit communes se trouvaient dans ce Grand Parc : Noisy-le-Roi, Bailly, Rennemoulin, Fontenay-le-Fleuri, Saint-Cyr, Bois d’Arcy, Guyancourt et Buc. Les murs et les portes ont été détruits à la Révolution, puis le XXème siècle est arrivé avec une très forte extension urbaine et démographique : plus de 2000 hectares de terres agricoles ont été perdus.
La mission principale que s’est donnée l’association est donc de contribuer à la sauvegarde et à la mise en valeur des territoires centrés sur l’ancien Grand Parc de chasse de Versailles, en leur redonnant leur identité et leur profondeur historique. Le domaine d’action de l’association est donc double : il porte à la fois sur la valorisation du cadre de vie et sur la sauvegarde du patrimoine.
Entretien avec Mr Jacques de Givry, Président de l’association des Amis du Grand Parc de Versailles (AGPV)
Patrimoine-Environnement : Notre première question portera sur le circuit de l’eau. Entre la machine de Marly, les étangs de la plaine de Saclay et les fontaines de Versailles, l’ouest parisien possède un fort patrimoine hydraulique. Quelle est la position de l’association à ce sujet ? Militez-vous pour la reconnaissance et la protection de ce patrimoine comme un ensemble, ou avez-vous eu vent d’initiatives similaires ?
Jacques de Givry : Il se trouve que je suis co-fondateur d’une autre association, l’ADER (association des étangs et rigoles du plateau de Saclay), avec Gérard Delattre, son actuel président. Je suis donc très averti de ce qu’il advient de la restauration de ce réseau hydraulique des « Etangs inférieurs » par le SYB (Syndicat de l’Yvette et de la Bièvre). Par ailleurs j’ai publié un livre « Versailles – les Grandes Eaux » qui relate l’histoire de la « bataille de l’eau » de Louis XIV, et notamment celle de la Machine de Marly. Monsieur Siaux, membre de l’AGPV, a pour sa part fortement contribué à faire connaître le réseau hydraulique entre Bougival et Versailles. Enfin, je suis en relation avec le professeur Richard Sabatier, de l’Ecole d’Architecture de Versailles qui a dirigé des groupes d’élèves sur la problématique d’une mise en valeur des cheminements le long de ce réseau nord de Versailles (dont le Réservoir de Marly).
L’ADER et l’AGPV militent constamment pour la reconnexion du réseau du Plateau avec les fontaines de Versailles, avec l’objectif de le faire intégrer dans le classement au patrimoine mondial du Château de Versailles. Ce réseau historique exceptionnel de 6 étangs et 62 km de rigoles (pente de 0,4 mm/m, un tour de force des arpenteurs de 1685 !) a aussi le mérite de rendre fertiles les 2300 ha de la zone « sanctuarisée » (ZPNAF) de Paris-Saclay grâce au drainage, et de structurer tout ce territoire (biodiversité, circulations douces accolées, prévention des inondations). Nous avons publié livres, brochures, cartes grande échelle, guides de promenade, etc pour faire connaître ce patrimoine et ces paysages. De nombreuses associations locales nous soutiennent dans ce sens, mais à notre connaissance il n’existe pas d’autre initiative similaire. La Communauté d’agglomération Versailles Grand Parc ne place malheureusement pas cette action dans ses priorités. Et un des deux étangs Gobert de collecte intermédiaire des eaux (près gare de Chantiers) a été transformé en jardin public.
Patrimoine-Environnement : Notre deuxième question concerne le plateau de Saclay. Avec l’arrivée du Grand Paris et l’éclosion du réseau de transports concomitant, exercez-vous une vigilance particulière sur ce territoire ? Pourriez-vous mentionner un projet qui menacerait l’environnement ou le cadre de vie du plateau de Saclay ? Ou bien au contraire, une initiative bienvenue dans la sauvegarde du plateau.
Jacques de Givry : Oui, nous suivons de très près depuis dix ans tous les projets d’organisation des déplacements sur le plateau et ses vallées environnantes, y compris sur la partie Essonne du territoire. Nous militons pour un ensemble en harmonie avec les besoins réels et avec la sauvegarde des paysages. Le projet de métro lourd (ligne 18) traversant tout le sud du plateau, doublé d’une voie de maintenance, des deux voies d’un site propre, des 4 voies de la RD 36 et d’une piste cyclable, soit 72 m de large, est pharaonique ; avec une prévision de seulement 2000 passagers en heure de pointe entre St-Quentin en Yvelines et le CEA Saclay (où une gare ne peut être installée, pour cause de danger radioactivité !).
Pour éviter d’impacter l’agriculture et le paysage avec les 13 km de viaduc prévus pour 2030, nous participons, au sein d’un collectif, à un recours contre la Société du Grand Paris, tout en proposant des alternatives plus acceptables, tout aussi performantes (automates légers Carlina, téléphérique entre Orsay et le plateau, TCSP nord-sud) sans oublier la modernisation urgente des RER B et C dans les vallées, et la nécessaire liaison entre Versailles-Chantiers et le futur pôle de Satory. L’initiative qui serait bienvenue, ce serait de réaliser rapidement (en moins de 2 ans) le site propre entre CEA-Saclay et Voisins-le-Bretonneux, chaînon manquant entre Massy et St-Quentin-gare. Des bus à haut niveau de service (BHNS) électriques et automatiques, rapides et caboteurs) seraient nécessaires et suffisants pour les dix années à venir ! Sachez enfin que, en tant qu’administrateurs de l’association Terre & Cité, nous sommes impliqués dans les projets qu’elle porte, sur le financement de l’Europe (dispositifs FEADER/LEADER), pour la mise en valeur agricole, environnementale et patrimoniale du plateau.
Patrimoine-Environnement : Enfin, dernière question : la plaine de Versailles. C’est aussi un terrain qui intéresse votre association : les questions seront donc les mêmes que pour le plateau de Saclay. Pourriez-vous détailler un des combats de votre association dans cette zone, ou une initiative positive en faveur de la protection de cette plaine ?
Jacques de Givry : La plaine de Versailles a été le territoire prioritaire des projets de l’AGPV lors de sa création en 2000. Notamment avec l’objectif de restitution de la Grande Perspective, ou Allée Royale de Villepreux (sur 8 km, dans l’axe du Grand Canal). Outre que la Communauté d’agglomération Versailles Grand Parc s’est inspirée de notre nom, en 2004, elle a heureusement repris à son compte ce projet de restauration de l’axe royal (qui était resté en état de chemin d’exploitation quasi impraticable, bien qu’inscrit au patrimoine mondial !).
Une partie est maintenant restaurée, et le tronçon d’un kilomètre entre la Grille Royale et l’autoroute A12 doit retrouver d’ici 2020 son aspect du temps de Le Nôtre : 97 m de large, quadruple rangée d’arbres. Notre association a aussi coordonné, et parfois contribué au financement, diverses opérations de sauvetage patrimonial (ex : pont de l’Oisemont, sur la Grande Perspective) ou de pose d’une signalétique (identitaire et interprétation) mettant en valeur la notion de plaine de Versailles sur les 27 communes de la plaine. Ceci dans le cadre de l’association patrimoniale de la plaine de Versailles (APPVPA), cousine de Terre & Cité et qui avait aussi bénéficié de fonds européens LEADER. Notre objectif maintenant est d’aider l’ONF à trouver les financements pour restituer la Grande Perspective à l’est du Château de Versailles, dans la colline de Viroflay au delà de l’avenue de Paris, et de créer un belvédère dominant Versailles. Le site classé de la Plaine de Versailles est peu menacé, si ce n’est qu’il faut être vigilant sur l’urbanisation des lisières et sur le respect des espaces agricoles, où les urbains font encore trop d’incivilités.
De nombreux ouvrages ont été publiés par Jacques de Givry, au titre des associations auxquelles il contribue ou à titre personnel (www.jdgpublications.com) : livres, cartes, guides pour faire mieux connaître, respecter et valoriser ces territoires de la Plaine et du Plateau, mais aussi de la Vallée de la Bièvre, du PNR de la haute vallée de Chevreuse, et du Parc de Versailles. Le sud-ouest parisien le mérite bien.
Pour plus d’informations, retrouvez le site internet de l’association des Amis du Grand Parc de Versailles.