Tours et son projet d’entrée de ville créent la polémique
L’annonce a créé la polémique : face à la Loire, la chaine Hilton « premier groupe hôtelier mondial » installera, d’ici 2018, deux hôtels 3 et 4 étoiles, dans deux tours marquant l’entrée de ville, de part et d’autre de la rue Nationale. Intégré dans le projet global de requalification de l’entrée de ville nord, cet aménagement fait l’objet de certaines critiques de la part des habitants et des associations de défense du patrimoine.
Une faible insertion du projet dans le paysage architectural
Hautes de 27 mètres, utilisant le verre et l’acier et coiffées de toits-terrasses, les deux tours Hilton s’inscrivent en rupture totale avec le paysage architectural de la ville et a fortiori de la région. Dans une lettre adressée au maire – Serge Babary – Eric Duthoo délégué à Patrimoine-Environnement, alerte ainsi la municipalité du manque d’adéquation du projet avec « l’esprit ligérien de l’habitat des bords de Loire et de celui des villes classées au Patrimoine Mondial de l’UNESCO ». Plusieurs arguments sont avancés :
Par leur hauteur, les deux tours cachent en grande partie -depuis l’entrée Nord- la très belle vue sur l’Eglise Saint-Julien, classée aux monuments Historiques par Prosper Mérimée lui-même. Les toits terrasses rompent ensuite avec l’esthétique de la ville et l’habitat vernaculaire. Eric Duthoo, en accord avec d’autres associations, préconise plutôt une « toiture à quatre pentes, faite d’ardoises » afin d’assurer une meilleure intégration esthétique du projet dans le paysage urbain. Cette volonté était d’ailleurs celle de Jean Royer -maire de Tours de 1959 à 1995 qui « tenait particulièrement à ce que toutes les nouvelles constructions dans la ville de Tours, utilisent l’ardoise dans leurs toitures ».
Enfin, la nature des matériaux est également au cœur de la discorde. Si le verre et l’acier se distinguent par leur clarté et leur modernité, ils s’inscrivent, eux-aussi, en rupture avec la cohérence architecturale de la ville. De très belles pierres existent pourtant dans le Val de Loire. C’est le cas de la pierre de Chauvigny à la teinte chaude et agréable qui pourrait apporter douceur et caractère aux deux bâtiments. C’est cette pierre qui est utilisée en prévision du futur et très voisin bâtiment abritant le Centre de Création Contemporaine (CCC), Olivier Debré.
Cette détérioration possible du paysage urbain a poussé « l’Aquavit » à saisir la commission du classement de l’UNESCO. Défendant la qualité de vie dans l’agglomération tourangelle, cette association déplore l’absence de diagnostic paysager préalable –pourtant prévu dans le plan de gestion- et la densification excessive d’un secteur sauvegardé et classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Les tours Hilton, incarnation des logiques métropolitaines
Du côté des concepteurs du projet, on vante les mérites de cet aménagement urbain qui « fait écho au territoire du Val de Loire » et qui instaure « un rapport renouvelé et désiré avec le fleuve » (Andrew Hobson, l’architecte des tours). La municipalité évoque « une porte urbaine du 21ème siècle » ou encore « la porte d’entrée du Val de Loire ». « Seuls Paris, Strasbourg, Evian et Versailles ont des Hilton en France. C’est clairement un atout pour attirer des touristes du monde entier », affirme, quant à lui, Serge Babary, maire Les Républicains de Tours.
Cet aménagement d’entrées de ville illustre les logiques actuelles de la métropolisation. Dans un contexte de concurrence accrue entre métropoles, certaines villes mettent en œuvre une politique de marketing urbain visant à améliorer l’attractivité économique de la ville à l’échelle régionale voire nationale. De telles logiques conduisent à l’essor de villes en mosaïques, constituées d’enclaves et d’îlots urbains.
L’échelle métropolitaine est ainsi privilégiée au détriment des enjeux locaux : cohérence architecturale, intégration spatiale, respect de l’habitat vernaculaire, mise en valeur du patrimoine local sont autant d’éléments parfois négligés au profit de « l’attractivité commerciale ». Quant à Tours, en décembre 2015[1] M. Serge Babary saluait l’action de « Nespresso, Hema, Hilton, Orange, toutes ces enseignes internationales [qui] misent sur le développement de notre ville » . . . développement économique oui, mais sans pour autant porter atteinte à l’image d’une ville réputée pour son équilibre entre tradition et modernité. C’est en tout cas le souhait des associations et d’une grande partie de la population.
[1] Magazine officiel Tours&Moi de novembre-décembre 2015