Vive le Public
Édito du 14 février 2014
Patrimoine-Environnement s’interdit la démarche politique une fois pour toute. Aujourd’hui comme hier. Cela n’interdit pas les interpellations des pouvoirs. D’autant plus que, dans le domaine du paysage et du cadre de vie, nous considérons comme un devoir, car nous organisons le « public », car nous sommes une partie du « public », de participer à l’élaboration de la décision des élus ainsi que l’article 7 de la Charte de l’environnement – qui figure dans le préambule de la Constitution – nous en fait ardente obligation.
Cette semaine à Paris, on débat de toutes sortes de projets… même les plus farfelus comme la construction d’une véritable ville sur l’Avenue Foch. Il appartient aux associations qui s’invitent (sans y avoir été conviées) dans ce débat de rappeler que la prestigieuse avenue est un site classé et surtout que son assiette est, dans le PLU de Paris, décidée inconstructible. Cela signifie que pour construire ou démolir à cet endroit, il faut, d’une part, une enquête publique pour changer le PLU sans en changer l’économie générale -s’il s’agit d’une révision partielle – et d’autre part, une décision ministérielle qui serait soumise inéluctablement à un juge. Cela devrait calmer les promoteurs de projets enfiévrés dès qu’un terrain parait libre pour bâtir !
Il y a quelques semaines, le préfet de la région Ile-de-France et tous les préfets qui dépendent de lui ont signé un arrêté qui interdit à partir de 2015 les « âtres ouverts », autrement dit les bonnes vieilles cheminées inventées il y a plusieurs milliers d’années par les bâtisseurs de la première maison. Cet oukase sera appliqué à Paris ainsi que dans une zone définie, dite « sensible pour la qualité de l’air » de la région Ile-de-France : quasiment l’intégralité de la région est concernée. Bien entendu, personne (du public) n’a été consulté sur cette disposition emblématique touchant une image gravée dans l’imaginaire de tous.
« Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrais-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province et beaucoup davantage? »
Nous savons bien que Joachim du Bellay est devenu un illustre inconnu à l’école, mais lorsque dans quelques années, les préfets signataires, du lieu où ils auront migré (puisque la moyenne de séjour officielle d’un préfet dans son fauteuil est de dix-huit mois), jetteront un regard blasé sur les décisions des juridictions saisies par le « public » de cette incroyable décision, peut-être se diront-ils que pour beaucoup d’entre nous, nos modestes maisons sont des provinces… et que nous n’aimons pas qu’on y touche.
Ces paraboles pour rappeler aux candidats maires que nous existons, que, sans faire de politique politicienne mais pour exprimer positivement des idées à la hauteur des préoccupations du « public », notre envie de participer au débat public local, départemental et régional est suffisamment vivante pour que cela vaille le coup de nous inviter à la table du débat.
Alain de la Bretesche
Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’Europa Nostra