Un début d’année avec le prince Fabrizio Corbera de Salina
Ma famille connait mon appétence pour les dictionnaires. J’ai donc découvert dans mon soulier le 25 décembre, l’un des derniers sortis : « Le Dictionnaire des… termes rares et littéraires » de Jean-Christophe Tomasi * !
À la page des « G » j’y ai trouvé le mot « gattopardisme », fabriqué à partir de l’italien « il guattopardo » : « le guépard ».
Après cette année calamiteuse, il est à la fois vivifiant et désespérant de se retrouver baigné dans l’univers du prince Tomaso de Lampedusa, de Luchino Visconti, de Burt Lancaster et d’Alain Delon, et de savourer au cours du grand bal dans un vieux palais de Palerme, la valse du prince Salina et de la jeune Angelica. Au troisième temps de cette valse on se sent inexorablement repris par un mélange de décadence tournoyante et d’espérance de nouveauté.
Et c’est alors que nous revient en mémoire le célèbre dialogue entre le jeune Tancrède engagé au service du roi de Piémont et l’auguste prince Salina « Mon petit oncle… Pour que tout reste comme avant il faut que tout change ».
Voilà baptisé le « gattopardisme » : un mélange de pessimisme à la Cioran et de conceptualisation d’une forte envie de survivre. On maintient les principes et les bases de ce que les adeptes des sports collectifs, nomment les fondamentaux ; en changeant complètement la technique de jeu.
Encore faut-il être capable d’avoir le ressort et le cynisme de Tancrède… Mais si l’on veut pousser plus loin et faire de tout cela une théorie, il faut réunir plusieurs ingrédients :
– la lucidité et la capacité à voir loin de l’astronome que fut le prince de Lampedusa, ancêtre de l’auteur du livre
– le mélange, de la fin de la civilisation de l’avant-guerre et de l’espoir du monde nouveau des trente glorieuses (le film fut réalisé en 1963)
– le brassage très viscontien de cultures très differentes, mais très présentes dans chacun des groupes protagonistes.
Comment faire, à l’aube de 2016 un peu de « gattopardisme » ? Bien sûr, si nous-mêmes, nos amis et ceux que « nous pourrions connaitre », nous regardons dans le miroir du temps, nous verrions, soyons honnêtes, au fond de notre âme, l’envie que les choses « restent toujours les mêmes ». Et nous y serions aidés par l’arrière-plan proche ou lointain de ce que nous voyons : un paysage, une église, un manoir, un alignement, un vieux cloitre, une ruelle ancienne …
Mais comment faire pour que « tout change » ?
En cette année 2016, les jeunes qui nous entourent se prendront, j’en suis sûr, à espérer quelque chose. Je ne vois guère d’autre solution que de faire confiance à ceux d’entre eux qui ont une vraie espérance dans la tête et dans le cœur. A vrai dire, cette occurrence ne me déplait pas : et vous ?
Alain de La Bretesche
Président de Patrimoine-Environnement
Administrateur du Mouvement associatif (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’’Europa Nostra
*Jean-Christophe Tomasi, Dictionnaire des termes rares et littéraires, Editions Chifflet & Cie, 2015, 318 pages