Tours et son projet « Porte de Loire » connaissent de nouveaux revirements

Ce projet polémique depuis plusieurs années [1], qui a soulevé les critiques citoyennes et associatives quant aux choix urbanistiques et architecturaux retenus par les deux hôtels Hilton envisagés à l’entrée du secteur sauvegardé, inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, connaît de nouveaux rebondissements depuis ce début d’année.

De nouveaux revirements début 2018

Ce projet du Haut de la rue Nationale de Tours avec ses deux bâtiments jumeaux, logements et commerces, pensés comme une nouvelle entrée de cœur de ville, devait être le chantier phare symbolisant un certain renouveau du dynamisme tourangeau. Lancé en 2013 sous la mandature de Jean Germain, il peine à sortir de terre et devient mois après mois, un sujet de plus en plus gênant pour la municipalité en place.

Tours chantier (2)

©NR

De retard en retard, le projet peine à se concrétiser et un nouveau problème est dorénavant pointé, provenant de l’absence pour le moment de la vente des terrains de la SET [2] (l’aménageur choisi en 2012 pour le compte de la ville) au groupe Eiffage (le promoteur retenu).

En effet, la SET n’a toujours pas vendu les terrains à Eiffage, malgré une promesse de vente faite il y a deux ans. Celle-ci aurait dû se faire en février 2017 mais elle a été prorogée plusieurs fois. Face à un projet enlisé, Christophe Bouchet, nouveau maire depuis 2017, a donc décidé d’y couper court en octobre dernier, suite à son investiture et de revoir le projet entièrement. Une chose rendue possible par l’absence de contrat signé avec Eiffage. Par conséquent, le projet pourrait être revu avec de nouveaux interlocuteurs.

La mairie de Tours évoque trois opérateurs à venir, un pour chaque opération spécifique (logements / commerces / hôtels). Des changements profonds qui ne doivent pas faire perdre plus de temps, l’objectif d’une livraison de l’ensemble est annoncé pour 2020.

La reprise d’une réflexion sur le projet : la conférence de presse du 29 mars

Depuis un an, le haut de la Rue Nationale n’a pas bougé. Des palissades ferment l’espace du chantier à venir, en suspend. Christophe Bouchet et Philippe Briand (Président de la Métropole de Tours) ont tenu une conférence de presse le 29 mars dernier, au sujet du projet. Malheureusement, aucune annonce concrète n’y a été faite et aucun calendrier n’est avancé pour le moment. En résumé, la municipalité annonce :

– Vouloir s’appuyer sur le plan architectural établi en 1947 par Pierre Patout (architecte de l’actuelle bibliothèque centrale),
– Elargir le périmètre du projet en intégrant la Tranchée, les bords de Loire (quais Malraux et Tanneurs) en lien avec le projet Envie de Loire,
– Conserver un hôtel dans le projet, mais « plutôt un 5 étoiles ».

L’équipe du projet :

La SET a confié le projet à l’agence parisienne SEURA à la suite d’un processus de dialogue avec plusieurs équipes de concepteurs. En plus de l’élaboration du plan urbain, SEURA assure la conception et la maîtrise d’œuvre des espaces publics. L’agence a également un rôle d’avis et de conseil sur l’aspect des futurs bâtiments, confiés à différents architectes. À ce stade du projet, trois équipes de concepteurs sont connues : Aires Mateus, qui a imaginé le nouveau CCC OD [3] ; Arte Charpentier (Andrew Hobson), qui a dessiné les deux ensembles réunissant hôtels, commerces et logements côté Loire, SEURA (Florence Bougnoux) qui a conçu l’immeuble à l’angle sud-ouest de la rue du Commerce.

« De Porte de Loire à Envie de Loire »

La municipalité actuelle semble s’engager dans un remaniement du projet en conformité avec l’esprit de la reconstruction pensé par l’architecte Pierre Patou au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Celui-ci avait imaginé la création d’une « entrée de ville-jardin » ouverte sur la Loire, donnant plus de place au végétal. Privilégiant des formes géométriques et simples, la symétrie dans la continuité des héritages architecturaux classiques du lieu, mais aussi avec la volonté de dilater l’espace, d’élargir la perspective à l’approche de la Loire.

Entrée de ville monumentale - Projet d'entrée nord en perspective, P. Patout arch., 1948. (archives municipales de Tours, 149 W 22, S 770).

Entrée de ville monumentale – Projet d’entrée nord en perspective, P. Patout arch., 1948. (archives municipales de Tours, 149 W 22, S 770).

 

En quoi consiste donc ce nouveau projet ?

Pour Christophe Bouchet, il s’agit notamment de mieux prendre en compte le plan conçu par Pierre Patout qui prévoyait la reconstruction de cette même entrée de ville, en projetant un aménagement global et pensé en séquences indissociables [4].

La mairie ne semble pas fermée à la présence d’hôtels et l’on évoque même un hôtel 5 étoiles qui orienterait l’évolution touristique vers l’attractivité commerciale.

Le projet ne se limiterait plus aux bâtiments de part et d’autre de la rue Nationale, il intégrerait à une réflexion urbaine plus globale tout le périmètre du secteur sauvegardé autour de la Loire, de l’île Simon en passant par le pont Wilson mais aussi les bords du fleuve. Une intégration de cette nouvelle entrée de ville dans son environnement plus large que ce qui avait été pensé au départ. On comprend dès lors que le nouveau projet devrait s’appuyer sur le concours d’idées « Envies de Loire » lancé l’an dernier et qui avait été remporté par le cabinet italien de Francisco Nigro [5]. Un projet qui prévoyait notamment une transformation paysagère des bords de Loire dans le cœur historique avec la mise en place de terrasses en escaliers et l’installation d’une passerelle menant à l’île Simon. La nouvelle ambition du projet entre donc dans une logique globale, celle d’améliorer l’image de la ville et la rendre attractive grâce à son atout central et naturel qu’est la Loire.

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Image du projet Envies de Loire au niveau du quai des Tanneurs. © Francesco Nigro

Reste à voir comment  le tout sera repensé. Le projet Porte de Loire avait été validé dans son périmètre par les différentes commissions, était passé par une enquête publique [6], etc. Un processus lourd par lequel il faudra certainement repasser en cas de modifications majeures et notamment du périmètre. Christophe Bouchet est resté évasif à ce sujet lors de la conférence de presse, annonçant que les hôtels (et les permis de construire liés) pourraient rester ou non dans le futur projet.

Loin d’être réglé, ce projet-saga continue à créer la polémique autour de la municipalité Tourangelle. Ces incessants revirements qui exaspèrent certainement les habitants et commerçants concernés, sont néanmoins le reflet de l’évolution d’une pensée urbaine et de ses enjeux et composantes économiques.

L’aménagement urbain, même le plus archaïque (fontaine, bâtiment collectif, muraille…), demeure un enjeu politique et économique de taille. Le développement de l’attractivité commerciale des villes tend à s’accélérer et la compétition y est impitoyable. Elles s’élèvent au rang de biens qu’il convient de rendre désirables par une certaine publicité et la multiplication des aménagements de prestige afin d’en optimiser l’utilisation et faire fructifier les revenus.

Nous suivrons donc l’évolution et la très attendue concrétisation de ce projet devenu global, repensé au sein de la Métropole de Tours, et qui souligne bien l’importance de la communication des villes autour de leur image et de leur développement économique.


[1] Cf. notre article du 23/06/2016, Tours et son projet d’entrée de ville créent la polémique.

[2] Société d’Equipement de la Touraine

[3] Centre de Création Contemporaine Olivier Debré

[4] https://zonefranche.media/pour-la-ville-de-tours-pierre-patout-invente-la-ville-jardin-721

[5] https://enviesdeloire.com/fr/pro/

[6] Les comptes rendus des enquêtes publiques sont disponibles à la mairie, et sur le site internet de la préfecture.