TOUJOURS EN DANGER : LA SYNAGOGUE RUE COPERNIC

La situation concernant la synagogue historique de la rue Copernic (située au 24 de la rue Copernic à Paris-16e) reste alarmante.

OTTAWA, ONT.: NOV 2 /2010 – For Chris Cobb feature of RUE COPERNIC PARIS -(Bruno Schlumberger / Postmedia News) assgt# 102181-

Qui passe devant cet édifice imposant du XIXe siècle, ne se doute guère qu’il abrite une des deux seules salles de culte juif de style Art Déco en France. Bien que la communauté de l’Union Libérale Israélite de France (ULIF) ait déjà restauré à deux reprises cet édifice gravement atteint lors de deux attentats (du 3 octobrel 941 et en 1980), ce lieu hautement culturel et identitaire entre l’Étoile et le Trocadéro risque actuellement de disparaître. Pourquoi ? Conseillé par les architectes Valode et Pistre, son conseil d’administration a voulu profiter de l’obligation d’une mise aux normes européennes de 2015 (normes sanitaires, sécuritaires et d’accessibilité pour des personnes à mobilité réduite) pour faire table rase de sa maison mère centenaire au profit d’un centre communautaire à l’américaine. 

C’est à la date de Yom Kippour 2016 que les membres de la communauté ont pu découvrir – avec stupéfaction – quatre photographies de synthèse du « Nouveau Copernic ». Ils ignoraient que la “rénovation” de leur maison passerait obligatoirement par la démolition intégrale de l’édifice historique conçu par l’architecte Marcel Lemarié (2). 

Selon les  propositions qui ont été faites, l’actuelle synagogue avec sa façade semi-haussmannienne, s’inscrivant discrètement dans son environnement urbain, devrait être remplacée par une construction ostentatoire se voulant volontairement « disruptive » par rapport à l’esprit « classique » de la rue Copernic.

Ceux qui, dans le temps, ont pu pénétrer à l’intérieur de cette synagogue à l’occasion d’un office, d’une conférence ou d’un concert, y découvraient une salle aérée et lumineuse culminant à plus de sept mètres de hauteur sous une petite coupole posée sur un plafond plat, dont le lanterneau éclaire les bancs de l’assistance. Ce fut une prouesse architecturale pour l’époque qui commençait seulement à connaître le béton armé ! 

« Les proportions harmonieuses de cet espace nous accueillaient comme dans un berceau, tant les dimensions sont éminemment humaines » écrit le poète Th.Schwartzmann en 2007 à un ami italien. « On est surpris par une immense verrière zénithale de P.-Jules Tranchant (3) en verres blanc, jaune, ocre, bleu représentant une étoile de David rayonnante et éclairant la bimah (l’estrade où se lit la torah) et l’encadrement de l’armoire murale dans laquelle sont logés les rouleaux de la Torah (l’Arche Sainte), traité ici en porte factice –  mystérieuse ! »

Les murs clairs de la salle sont ponctués par des éléments dorés, textes en hébreu, rosaces à la Jeanne Lanvin et motifs empruntés à l’iconographie judaïque traditionnelle : la harpe de David, la Ménorah (le chandelier à sept branches), le Temple de Jérusalem, un calice de Kiddouch etc., tous stylisés dans l’esprit Art Déco… 

Devant la destruction annoncée de cette synagogue, et le refus de tout dialogue de la part des administrateurs – qui avaient déjà honoré l’agence d’architecture de 500.000 euros, et donné leur aval pour son projet évalué à 25 millions d’euros sans consultation communautaire préalable –, un groupe de fidèles créa, en mars 2017, l’« Association pour la Protection du Patrimoine de Copernic » (APPC), dans le but de préserver l’édifice historique, a minima sa salle de culte. 

Cette association compte aujourd’hui cent-vingt-trois membres et d’innombrables sympathisants. Elle ne cesse de recevoir des témoignages de soutien de partout dans le monde, dont on trouve quelques-uns sur son site (www.sauvegardecopernic.org), et sa pétition sur Change.org « Contre la démolition de la synagogue rue Copernic » a recueilli jusqu’à présent plus de 10 500 signatures. Des experts de renom international comme Dominique Jarrassé, François Loyer, Hervé Doucet, Agnès Cailliau et Pierre Woznica, se sont exprimés de façon approfondie au sujet de cet héritage architectural et mémoriel exceptionnel, et des associations d’envergure nationale comme la Fédération Patrimoine-Environnement, Sites et Monuments (SPPEF), France Nature Environnement-Paris et Île-de-France, SOS-Paris et la plateforme de Benoît de Sagazan (Le Pèlerin) ont relayé l’alerte – tout comme les medias locaux et les riverains. 

Lorsque, en mars 2018, le conseil d’administration de l’ULIF fit voter « le Nouveau Copernic », sans rappeler à ses membres que cette solution impliquait au préalable la démolition pure et simple de l’édifice emblématique, l’APPC choisit la voie de la « justice objective » (selon les termes de Béate Klarsfeld) pour stigmatiser les conditions délétères ayant présidé à l’assemblée générale décisive. Cette procédure devant le Tribunal Judiciaire de Paris est toujours en cours. 

D’autre part, l’APPC formula un recours devant le Tribunal administratif en réponse au refus de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC)  de prendre en considération l’inscription du bâtiment au titre des monuments historiques de Paris. 

Actuellement, l’APPC se prépare à former un nouveau recours en appel contre l’avis défavorable réitéré de la DRAC, malgré le fait que le rapporteur public ait donné raison aux démarches juridiques de l’association

Soulignons ici que l’APPC s’est engagée depuis toujours pour la conservation et la réhabilitation du bâtiment historique, tout en entendant, bien évidemment, la nécessité d’une rénovation générale avec l’installation de deux ascenseurs, plutôt que d’un seul (la Ville de Paris a consenti à céder un terrain voisin à cet effet) et avec un éventuel remplacement des deux derniers étages par une coiffe plus adaptée au style homogène de la rue Copernic…

En ce sens, elle se réjouit du fait qu’après quatre années de combat sans dialogue, le conseil d’administration de l’ULIF-Copernic semble désormais prendre conscience de la nécessité d’associer la voix de l’APPC aux discussions autour d’un projet alternatif pour la synagogue. 

« Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ? », demande Luc Ferry. Et Jean-Marie Rouart de l’Académie Française de poursuivre : « La synagogue de la rue Copernic mérite d’être respectée et conservée telle quelle. Elle constitue un lieu de mémoire en plus d’une œuvre architecturale – deux raisons qui justifient mon soutien absolu ! ».

Malheureusement, dans l’attente de sa démolition prochaine (l’instruction du permis de démolir/construire est en route), l’édifice est aujourd’hui dans un état déplorable…

Espérons que la DRAC, la Mairie du 16e et la Mairie de Paris finiront par se rendre compte qu’elles sont en train de cautionner la perte irréversible d’un des éléments particulièrement précieux de leur patrimoine culturel et identitaire.

                                                                                 Chr. Pétri et I.Brown-Tsitovitch

Pour plus d’informations : https://www.sauvegardecopernic.org

1. La synagogue de la rue Copernic est un des deux seuls exemples de l’œuvre de Marcel Lemarié qui existent encore à Paris. Ce diplômé de l’École des Beaux-Arts, très remarqué à l’époque comme architecte du Palais de la Danse à l’Exposition Universelle de 1900, est aussi l’auteur du bâtiment de l’ancienne Direction des Postes au 93, boulevard du Montparnasse (1908), édifice qui est actuellement dans un parfait état grâce à une restauration rigoureuse et délicate.

2. Pierre-Jules Tranchant, le créateur de la verrière, fut initialement un aquarelliste reconnu. Élève de Jean-Paul Laurens, il a été médaillé lors de l’Exposition Universelle à Paris en 1909, puis en 1912 et en 1937, et a représenté l’art français contemporain (1905 à 1935) aux Expositions Internationales en Europe comme aux États-Unis.