Samaritaine – coup d’arrêt pour les travaux

Acquise en 2001 par le groupe de luxe LVMH, la Samaritaine est l’un des plus anciens Grands Magasins de la capitale et le plus grand par la taille. Fermé depuis 2005 pour cause de travaux, le magasin et ses dépendances font l’objet d’un projet architectural de grande ampleur… Depuis deux ans, les rebondissements judiciaires se succèdent rapidement et en ce mois de mai 2014, le projet a reçu un sérieux coup d’arrêt.

identite-660x383Le tribunal administratif de Paris a annulé, mardi 13 mai 2014, l’un des deux permis de construire obtenu par le groupe de luxe LVMH – malgré l’avis favorable de l’Architecte des Bâtiments de France qui visait à démolir quatre immeubles préhaussmaniens et édifier en lieu et place une façade en verre ondulé.

En effet, « Considérant que la façade de verre constitue un élément indissociable du reste du projet… le permis de construire doit être annulé », conclut dans son jugement le tribunal. En cause ? Le voile translucide et ondulant imaginé par l’agence Sanaa pour recouvrir le nouvel édifice côté Rivoli. Le jugement précise que « l’ample façade de couleur blanche, de 73 mètres de long et 25 mètres de hauteur, quasiment dépourvue d’ouvertures, sans autre élément décoratif que les ondulations verticales du verre sérigraphié, ne s’insère pas dans le tissu urbain du quartier » et ne répondait pas aux prescriptions du plan local d’urbanisme (PLU, article UG11-1-3).

L’architecte des Bâtiments de France avait accordé les permis de construire permettant ainsi au groupe LVMH d’obtenir en décembre 2012, le feu vert de la ville de Paris pour le projet de construction du site de la « nouvelle » Samaritaine.

Depuis lors, l’objectif des deux associations de défense du patrimoine (SPPEF et SOS Paris) a été et est de préserver ce cœur historique dans la ville et de sauver la façade ainsi que la perspective de la rue de Rivoli. Elles ont déposé de multiples recours et contesté les permis de construire accordés en 2012 par la Mairie de Paris à LVMH – elles s’inquiètent de la transformation du bâtiment et du respect des règles d’urbanisme et dénoncent un projet « dénaturant le centre de Paris ».

Interrogé avant la décision de justice, le directeur financier de LVMH et président de la Samaritaine, juge que « les associations sont dans leur rôle. J’écoute leur raisonnement qui tient, mais je ne suis pas d’accord. Il n’y a aucune unité rue de Rivoli. C’est au juge de trancher. Le projet est-il conforme en droit ou non ? On ne lui demande pas de juger sur le plan esthétique ».

LVMH et la ville de Paris ont déclaré vouloir faire appel de ce jugement.

Initialement prévue en 2013, repoussée à 2014, puis 2015, la réouverture du lieu pourrait ne pas intervenir avant 2016 ou 2017. Cela n’a malheureusement pourtant pas empêché la destruction des quatre-cinquième de l’îlot Rivoli.

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La Samaritaine est l’un des témoignages les plus importants de la Belle Epoque. Installée au bord de la Seine depuis sa création en 1869, elle occupe une place centrale dans Paris et regroupe aujourd’hui trois pâtés de maison.

Cela n’a pas toujours été le cas – le magasin s’est progressivement développé depuis sa création et a été l’objet de travaux d’agrandissement de 1883 à 1933. Ceux-ci expliquent les styles bien différents des trois bâtiments longeant la rue de Rivoli depuis le Louvre et qui cohabitent avec harmonie : un ensemble du XVIIIe siècle, remanié au XIXe, un bâtiment de style art nouveau, dû principalement à Frantz Jourdain, et un bâtiment art déco, dû à Henri Sauvage.

Après avoir connu son heure de gloire à la Belle Epoque, la Samaritaine connait des difficultés. Le déclin finit par toucher le magasin qui ferme en 2005 pour travaux (mise aux normes de sécurité).

Le magasin et ses dépendances font alors l’objet d’un projet architectural de grande ampleur… En juillet 2010, le Conseil de Paris décide de modifier le Plan local d’urbanisme afin de permettre de changer la destination des locaux et de construire du côté de la rue de Rivoli un immeuble qui s’élèvera de plusieurs mètres au-dessus des immeubles voisins : une nouvelle « Samaritaine ».

Le projet de rénovation de 450 millions d’euros est confié, à la suite d’un concours, à l’agence japonaise Sanaa – auteur du Louvre-Lens. Les travaux envisagés visent alors à transformer l’ancien grand magasin en un complexe de 70 000 m² à usage mixte soit 26 400 m² de commerces, autant de bureaux, une centaine de logements sociaux, une crèche de soixante berceaux et un hôtel de luxe, côté Seine, derrière la façade Art Déco : une projet qui n’est pas au goût de tous.