Saint-Sylvestre-sur-Lot voit rouge… jaune, rose, vert et bleu !
Après trois ans d’incertitude, le manoir dit Château Lalande à Saint-Sylvestre-sur-Lot (Lot-et-Garonne) a trouvé acheteur… et restaurateur.
Renaissance d’un château…
Depuis octobre 2008, cette bâtisse des XIII et XVIIIème siècles réhabilitée en palace quatre étoiles était mis en liquidation et tombait à l’abandon. Cette période de flottement prend fin en 2011 lorsque Philippe Ginestet, PDG et fondateur du groupe GIFI, rachète les neuf hectares du domaine pour 780 000 euros. Il entreprend d’ouvrir de nouveau un hôtel de luxe (prévue en 2014) et d’apporter sa touche personnelle à ces pierres.
C’est là que le bât blesse : les extravagances ornementales prévues par Philippe Ginestet laissent perplexe. Rose, jaune, bleu, vert et rouge pétants. Voici de quoi l’avenir des façades de ce château sera fait. Question audace, le projet reçoit 10/10. Question patrimoine, la note dégringole.
Cette demeure est marquée par une histoire couvrant différentes époques : construit au Moyen-Âge, le château est réaménagé aux XVI et XVIIème siècles ; au milieu du XVIIIème siècle, les huisseries des portes et des fenêtres sont entièrement refaites ; de nouvelles dépendances sont construites au XIXème siècle ; enfin, l’ensemble est restauré en 1992 avant d’être aménagé en hôtel de luxe. Bâtisse de caractère, le château Lalande présentait à ses fortunés voyageurs une façade datant du XIIIème siècle et une autre datant de la Restauration.
La folie des grandeurs ou la folie tout court
Le mot d’ordre de Philippe Ginestet : aller au bout des choses. Son projet d’ensemble hôtelier quatre étoiles comprendra 33 chambres, un spa, deux piscines, deux salles de restaurant, plusieurs suites et leurs jardins privatifs, sans oublier le parc de neuf hectares… et les façades multicolores concoctées avec l’architecte peintre Jacques Bru. Le PDG de GIFI sait convaincre et égraine ses arguments : d’une part, il assure créer 22 emplois sur la commune de Saint-Sylvestre-sur-Lot, une nouvelle difficilement contestable et tant pis pour les couleurs ; d’autre part et précisément sur les teintes « criardes », Philippe Ginestet rétorque que les peintures qui seront employées pourront être ôtées « au moyen d’un simple jet d’eau sous haute pression » assure-t-il. Le maire de Saint-Sylvestre, Jean-Pierre Lorenzon, soutient cette déclaration : « Concernant les couleurs, le processus n’est pas irréversible ! » nous laisse-t-il entendre. Cette hérésie ornementale comme certain la qualifie ne serait qu’un pan de la longue histoire du château Lalande…
Une autorisation douteuse ?
Cependant, et à l’instar de nombreux habitants de la commune, une interrogation subsiste : comment les architectes des Bâtiments de France ont pu délivrer l’autorisation d’un pareil projet sans quelques aménagements ? Bien que le château Lalande ne soit ni inscrit ni classé, le projet nécessitait l’accord de l’ABF en raison de sa proximité (moins de 500 mètres) avec un site inscrit MH.
« Ce n’est pas le genre de projet qu’ils apprécient, mais ils l’ont accepté » admet Philippe Ginestet. La nature de la peinture, et non du crépi, y est sûrement pour quelque chose. La situation du château également : « On n’est pas au bord de la route. C’est un cadre clos » répète le PDG de GIFI.
Fraîchement alertée du projet, la Fédération Patrimoine-Environnement se renseignera sur les motifs d’autorisation délivrée par le STAP 47. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de leur réponse.