Revue de presse : arrêt de mort d’une création
Thierry Delaballe, ancien collaborateur de l’architecte Louis Arretche, créateur du Jardin des Halles et de la place René Cassin (avec sa fameuse tête couchée de Henri de Miller), dénonce la destruction de cet ensemble qu’il juge économiquement absurde et insultante pour la mémoire de Louis Arretche.
Voici quelques années, pour les 80 ans de Louis Arretche, le siège de l’école des Beaux-Arts de Paris était en fête. Plusieurs centaines d’élèves, dont certains ont aujourd’hui une réputation nationale et internationale, étaient venus témoigner leur reconnaissance à l’homme qui leur avait appris à développer leur esprit créatif et, en architecture comme dans la vie, leur sens de l’émotion.
Chacun se souvenait que Louis Arretche était à l’origine de la reconstruction de villes comme Saint-Lo et Saint-Malo, de la réalisation des pôles universitaires et hospitaliers de Nantes et de Rennes, de l’ensemble internationalement connu et visité du Vieux Marché et de l’église Jeanne d’Arc à Rouen, comme de celle de la remarquable Place de l’Hôtel de Ville ; qu’enfin on lui devait à Paris, le pont Charles de Gaulle et ses abords, avec la prolongation du paysage des quais jusqu’au ministère des Finances ; et, au coeur de la capitale, le jardin des Halles…
Louis Arretche n’est plus et l’actuel maire de Paris a décidé d’illustrer son mandat par la création d’un nouvel espace vert… à l’emplacement exact du Jardin des Halles.
Rien ne doit rester de celui-ci : abattage de 348 arbres en pleine maturité ; suppression du vaste tapis vert qui les bordait, remplacé par un grand passage minéral, destiné à densifier en zone centrale le nompbre des piétons, qu’Arretche avait pris soin de cantonner sur les côtés du jardin afin de préserver dans celui-ci une atmosphère de repos ; enfin, suppression du coeur de l’actuel jardin : la place René Cassin, théâtre favorisant le rassemblement et le recueillement à la fois, dans un cadre idéal, face à l’église Saint Eustache, et autour de la belle sculpture de Henri de Miller.
La démolition et la re-création d’un jardin de 4 hectares a un coût – environ 80 millions d’euros – très lourd, surtout en période de graves difficultés économiques. Mais pourquoi cette politique de la table rase alors qu’il existait un jardin parfaitement accompli ? Ne s’agit-il pas d’effacer la trace d’une réalisation dont pouvait s’enorgueillir son promoteur, Jacques Chirac, alors maire de Paris, pour la remplacer par la sienne propre ? On peut le craindre…
Il convient d’ajouter que – déférence pour l’homme « en place », souci de ménager des intérêts matériels ? – la profession des architectes presque toute entière a entouré cette affaire du plus profond silence… Silence, donc, de ceux qui fêtaient Louis Arretche, qui lui doivent leur formation et leur réussite ; bel exemple de gratitude !
P.S : Au sujet de la place René cassin, il est à noter qu’elle est une oeuvre d’art. Bertrand Delanoë a dit lui-même qu’il en était amoureux. Il s’agit d’un ensemble voulu par l’architecte Louis Arretche et le sculpteur Henri de Miller. La tête monumentale est positionnée avec précision sur un labyrinthe en trompe-l’oeil formé de pavés colorés, dallage épousant la forme en arc de cercle de la place et de ses gradins. Une oeuvre d’art va être détruite. Il s’agit donc d’un acte de pur vandalisme.
Thierry Delaballe | Source LE MONITEUR.FR
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