REQUIEM POUR UNE EGLISE

Suite à la lettre ouverte du G7 Patrimoine contre la destruction de la chapelle Saint-Joseph de Lille publiée ce lundi 11 janvier, Patrimoine-Environnement publie la déclaration de Jean-Louis Hannebert, architecte du patrimoine.

© Etienne Poncelet

La destruction de la chapelle Saint Joseph à Lille, sous l’égide de l’Université Catholique, nous oblige à réfléchir sur l’évolution de notre société et de ses idées : comment une société évoluée comme la nôtre, peut-elle en arriver à détruire ses racines historiques représentées par une grande église, avec l’aide de l’Etat, de la commune et des propriétaires /financeurs, au cœur d’une des principales villes françaises ?
Comment les responsables de notre pays peuvent-ils autant ignorer et mépriser notre culture et notre histoire qu’ils ont au contraire la mission de développer et de transmettre ?

Nous avons fustigé il y a peu de temps, les démolisseurs des Bouddhas de Bahmian, et voilà que chez nous, les responsables de notre culture et de la formation de la jeunesse se révèlent incapables de donner une nouvelle vie à une grande chapelle, témoin de plus d’un siècle de vie religieuse et culturelle.

© Etienne Poncelet

Quel exemple d’incompétence nous donnons aux jeunes générations !

C’est que la chapelle Saint Joseph n’était pas une simple accumulation de moellons (1) !
Construite par l’architecte Auguste Mourcou, dans le style néo byzantin, à la fin du XIX° siècle, elle faisait partie du collège Saint Paul, fondé par les Jésuites, et elle avait été pendant 140 ans le coeur du principal établissement d’enseignement de Lille…

La destruction de l’église Saint Jacques à Abbeville en 2013, avait déjà soulevé un vaste mouvement d’indignation dans toute la France.
Chaque destruction d’une église est un morceau de la culture française qui disparait.

Qui se permettrait de supprimer définitivement, page après page, l’œuvre Victor Hugo ou de Berlioz, sous prétexte qu’il a besoin de place dans sa bibliothèque ? C’est cela la destruction définitive d’un édifice !

Le plus incroyable est que la démolition de Saint Joseph est non seulement une opération inverse des actions écologiques exigées aujourd’hui par les citoyens, mais c’est aussi opération négative sur le plan financier !
Car conserver et réutiliser intelligemment un bâtiment en bon état est toujours moins dispendieux que le démolir et reconstruire (2).
Or un minimum d’imagination aurait permis de transformer Saint Joseph en salle de réunion,
de concert, de sport, en bibliothèque ou pourquoi pas de restaurant (l’Evangile foisonne de repas pris en commun).
Les exemples de transformations d’églises sont nombreuses dans d’autres villes que Lille ; (A Dijon, à Chartres, Avignon, Poitiers, Nantes, Toulouse, Senlis, etc…)

On ne peut que regretter que l’Etat et l’Ecole d’ingénieurs Junia n’aient pas compris que la mise en valeur de Saint Joseph n’était pas un rêve de quelques historiens ou de quelques passéistes, mais était le signal d’un mouvement profond de nos contemporains.
Le succès des journées du patrimoine témoigne non seulement de l’attachement des Français à leur patrimoine, mais aussi de sa prise de possession.

Il n’est que temps de s’en rendre compte.

Jean Louis Hannebert, Architecte du patrimoine

Notes :
(1) Contrairement aux fausses informations diffusées, la chapelle Saint Joseph était en bon état d’entretien : aucune fuite d’eau, aucune fissure visible, aucun fléchissement de mur ou de fondation.
(2) Pour mémoire, la démolition de Saint Jacques d’Abbeville a coûté 500 000 euros en 2013- Beaucoup plus cher que les quelques travaux qui étaient nécessaires !