Quelques nouvelles de la discussion du budget de la Culture au Parlement

Voici quelques nouvelles de la discussion du budget de la Culture au Parlement :

Un rapport consensuel au Sénat

132-photo11-630x0photoDeux sénateurs – Vincent Eblé, sénateur de gauche, et Philippe Nachbar, sénateur de droite, tous deux rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles – ont présenté chacun un bout du rapport sur le budget de la mission patrimoine d’une manière plutôt consensuelle.

Tous deux ont souligné le retour à la stabilité des crédits de cette mission.
Il faut bien entendu, tout en saluant l’action méritoire de la nouvelle ministre, quasiment « au débotté », y regarder de plus près et pointer l’importance dans les chiffres de certains budgets qui déséquilibrent l’ensemble (comme on pourra le voir plus bas). Le budget supporte depuis les dernières années le coût de l’entretien des résidences présidentielles de Brégançon et de Rambouillet, le CNM hérite de l’hôtel de la Marine… Tout cela ne va pas améliorer la part dédiée aux collectivités locales et
aux monuments privés.

Les associations du Patrimoine s’interrogent de plus en plus, au-delà des efforts plus ou moins importants des ministres successifs, sur la nécessité de revoir (globalement) le problème du financement du patrimoine en lien avec son utilisation aux fins de destination de tourisme culturel.

Le ministre des affaires étrangères a récemment déclaré au Sénat que le tourisme était « la pépite d’or absolue » ; si l’on partage évidemment cette assertion il faut se donner les moyens d’un investissement qui ne peut que dépasser les 350 000 millions d’Euros que représente peu ou prou le budget de la mission Patrimoine.

Au cours d’un déjeuner avec le G8 Patrimoine, Madame Pellerin, utilisant un langage issu du numérique a parlé de sa volonté de créer des « flux » ; Patrimoine-Environnement est volontaire pour approfondir une telle politique.

Article 50bis sur le loto du Patrimoine

Le Sénat a approuvé à l’unanimité un article (50 bis) introduit dans le projet de loi de Finances par l’Assemblée nationale à l’initiative de Monsieur François de Mazières, député maire de Versailles, avec l’accord du rapporteur socialiste et la décision de la ministre de la Culture de s’en remettre à la sagesse de l’assemblée.

1062167_un-tirage-special-du-loto-pour-les-monuments-nationaux-web-tete-0203922538803Cet article décide que : « Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars 2015, un rapport sur la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine ».

Ce premier pas vers un nouveau mode de financement du Patrimoine doit être salué : d’une part pour féliciter monsieur de Mazières de l’opiniâtreté avec laquelle il défend cette idée depuis qu’elle a été évoquée la première fois sous le gouvernement RAFFARIN dont il était conseiller culturel.

D’autre part pour constater avec satisfaction qu’il y a consensus entre majorité et opposition entre la droite et la gauche sur cette incontestable avancée. Les associations du Patrimoine s’en réjouissent elles aussi unanimement.

Intervention de la ministre sur le budget de la Philharmonie

Philharmonie-ParisMonsieur Pozzo di Borgo, sénateur de Paris, a profité du débat budgétaire pour protester contre le considérable dépassement du budget de réalisation de la future philharmonie de Paris dû en partie aux honoraires de l’Architecte Jean Nouvel (probablement 400 000 millions d’Euro dont on ne sait si c’est la Ville ou l’Etat qui paiera. Ce qui risque de mettre à mal l’apparente stabilité du budget de la mission Patrimoine si c’est l’Etat qui doit y pouvoir).

Madame Pellerin a répondu :

Paris: Weekly Ministery cabinet meeting.Tout d’abord, comme vous l’avez rappelé avec honnêteté, messieurs les sénateurs, la décision de construire la Philharmonie de Paris a été prise en 2007. En 2012, lors de notre arrivée aux responsabilités, le chantier avait déjà beaucoup avancé. Je pense qu’il n’aurait pas été de bonne gestion de mettre un terme à une opération ayant déjà coûté plusieurs centaines de millions d’euros.

Au demeurant, même si je travaille beaucoup au rééquilibrage de l’offre culturelle entre Paris et la province, je pense qu’il s’agit d’un beau projet pour l’attractivité de notre pays. Nous avions besoin d’une grande salle philharmonique. L’établissement fait aujourd’hui des envieux, à Londres comme à Berlin, où les équipements ont vieilli.

J’ai pris mes fonctions de ministre à quelques mois de l’ouverture de la Philharmonie de Paris. Je souhaite que nous la réussissions.

Pour autant, je ne nie pas qu’il y ait eu un certain nombre de problèmes de pilotage. D’ailleurs, ils ne datent pas du mois de mai 2012 ; ils sont bien antérieurs. Depuis ma nomination dans ces fonctions, je m’efforce d’y remédier, pour ce qui concerne le financement comme la gouvernance.

Cette année, il y a effectivement eu un dépassement de 45 millions d’euros. Mais il est partiellement imputable à l’interruption du chantier pendant une année à la demande de Nicolas Sarkozy qui a coûté extrêmement cher.

Nous avons également une vingtaine de millions d’euros qui sont liés à des actualisations de prix. Comme cela a été rappelé, les contrats ont été passés pour certains en 2009 et pour d’autres en 2011. Cela coûte également.

Et nous avons 25 millions d’euros de surcoût qui sont dus à des aléas. Outre les coûts liés à l’interruption du chantier, que j’ai déjà évoqués, il faut tenir compte d’un certain nombre d’options techniques, comme les exigences de sécurité, le bois choisi pour parer les murs de la grande salle, le vernis… Il s’agit peut-être de détails, mais c’est grâce à cela que l’esthétique et l’acoustique de la salle seront exceptionnelles. De tels problèmes de finition sont malheureusement assez classiques pour ce type d’opération.

Au vu de la situation, une mission a été confiée à M. Jean-Pierre Weiss pour examiner les raisons ayant conduit aux dépassements et aux retards ; elle est en cours depuis un an. Il s’agit d’identifier clairement les responsabilités respectives des différents acteurs, car il n’est pas forcément évident d’en connaître la répartition aujourd’hui.

interieur_salle_2_c_philharmonie_de_paris_arte_factoryLors de ma prise de fonctions, j’ai demandé à l’OPIC, l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, une contre-expertise pour savoir si l’objectif d’une ouverture le 14 janvier prochain était bien réaliste – il m’a été répondu que cela l’était – et pour faire procéder à une évaluation précise des coûts et des travaux à réaliser en urgence.

Une mission est en cours afin d’étudier si la Philharmonie peut fonctionner avec les crédits prévus tant du côté de l’État que de la Ville de Paris, sachant que les négociations sur la convention qui lie ces deux parties pour organiser le fonctionnement de l’établissement s’achèvent actuellement.

J’ai passé beaucoup de temps à la Cour des comptes, et j’ai vraiment eu à cœur, je peux vous l’assurer, de rendre la situation à la fois plus transparente, plus claire et plus efficace. S’il est important de bien comprendre les responsabilités des uns et des autres, il faut surtout faire en sorte que l’inauguration et l’ouverture de la Philharmonie de Paris soient un succès mondial.

Politique de la ministre sur l’éducation artistique et culturelle

A l’occasion de ce débat, madame Pellerin a voulu marquer son intention d’influer personnellement sur la question de l’éducation artistique et culturelle. Elle a notamment déclaré :

« Je ne reviendrai pas sur la question du pilotage des opérateurs de mon ministère. Je vous l’affirme, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai la volonté très claire de piloter l’ensemble d’entre eux, même si la tâche n’est pas facile. Concrètement, cela signifie que les directeurs d’établissement public devront tenir compte de ma vision et de mes priorités en matière d’éducation artistique et culturelle. Ils devront, entre autres, mieux prendre en compte les pratiques quotidiennes des jeunes d’aujourd’hui, ou encore s’engager dans une démarche de rayonnement international. Je pourrais ainsi multiplier les exemples ».

Loi de finances rectificative pour 2014 – Amendement 561 après l’article 31

Cette question appartient à la polémique développée depuis plus d’un an à propos de l’opposition manifestée par le bureau des rescrits et des agréments fiscaux du ministère des Finances vis-à-vis des décisions prises au ministère de la Culture en matière de division des bâtiments présentant un intérêt architectural.

A la suite de la nomination d’une nouvelle chef de ce bureau et de la réouverture d’un dialogue entre les deux administrations, le ministre du budget a présenté un amendement admis en séance par l’Assemblée nationale – Nous publions le compte rendu des débats :

« M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n561.« 

4398529_6_1598_christian-eckert_288769ee2718c7455e77ddc1be124401M. Christian Eckert, secrétaire d’État. « Il est ici proposé de modifier le régime d’incitation fiscale relatif aux monuments historiques, afin de recentrer le bénéfice de la déduction des déficits sur le revenu global sur des projets immobiliers clairement identifiables et principalement orientés vers la réhabilitation ou la construction de logements.

claude-bartolone_photoPSJe pense que M. Dumont sera d’accord pour cette réorientation du dispositif, étant précisé que l’immeuble devra être affecté à l’habitation pour au moins 75 % des surfaces habitables. »

M. le président. « Quel est l’avis de la commission ? »

4398365_6_bb7f_la-deputee-valerie-rabault-aux-universites_370dfde8114ee36cef8aef6941d81cb2Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. « Lorsque la commission a examiné cet amendement, au titre de l’article 88, elle ne disposait pas des informations nécessaires pour pouvoir l’apprécier dans sa totalité et elle avait émis un avis défavorable. Entre-temps, nous avons reçu des précisions et, à titre personnel, j’émets un avis de sagesse. »

(L’amendement n561 est adopté.) »

Cet amendement ne règle pas, loin de là, toute la question du mécénat et de la défiscalisation en général, mais il a le mérite d’une part de démontrer une réouverture du dialogue entre les deux ministères et de régler l’une des questions techniques qui empoisonnait le climat.

Nous traiterons plus amplement de la question générale après la fin du débat budgétaire.

Communiqué de presse du ministère de la Culture sur le mécénat participatif

ministere-de-la-culture_mainA l’occasion d’une remise de prix à des mécènes anonymes, le ministère de la culture fait paraitre un communiqué de presse qui se félicite du développement du mécénat culturel. Tout en saluant les considérables efforts de financement de nos concitoyens, Patrimoine-Environnement qui participe à la Cofac (Coordination des Fédérations et associations de la Culture et de la communication) souhaiterait que la ministre ouvre une concertation avec la Cofac sur l’idée d’une charte du mécénat culturel soutenue entre autre par l’importante Association des amis des musées dont le président Jean-Michel Raingeard a récemment écrit au ministère.

Voici le principal extrait de cette correspondance : « Par leur bénévolat les amis des musées animent des projets artistiques essentiels notamment en matière d’éducation artistique et culturelle, par leur engagement en temps et en argent. Les amis de musées ont animés des souscriptions ou suscités des dons… Bien avant l’invention des plateformes numériques. Notre revue l’Ami des Musées largement diffusée au sein de votre administration rend compte de tout cela. Je croyais que nos rapports jusqu’ici confiants avec le service des musées de France auraient évité notre absence des consultations pour mettre au point une Charte du mécénat culturel. La surprise passée je pense que c’est l’émotion que suscitera l’absence de la prise en compte du monde associatif dans la politique de mécénat du MCC ».

Une table ronde sur le sujet permettrait sans doute de faire aussi avancer la question des rescrits fiscaux fréquemment refusés aux associations non reconnues d’utilité publique manifestement contre la lettre même du code général des impôts.

Affaire à suivre.

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Alain de la Bretesche

Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations et Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’
Europa Nostra