Projet de prolongement de la ligne 1 du métro : Tribune du collectif “Touche pas à mon Bois”
Patrimoine-Environnement soutient le collectif Touche pas à mon bois. En effet, il s’agit d’une position de principe, à l’heure où le Bois de Vincennes subit de multiples atteintes à ses protections. Ainsi, nous regardons chaque atteinte non pas individuellement mais dans leur globalité.
Le projet contesté est celui d’une extension de la ligne 1 du métro parisien qui consiste à le prolonger de trois nouvelles stations vers l’Est, en partant du terminus actuel au Château de Vincennes pour rejoindre la station Val-de-Fontenay (figure 1). Ce projet, dont le coût est estimé à 1,7 milliard d’euros, est porté par Ile-de-France Mobilités.
Si l’objectif de désenclaver certaines zones de la ville de Fontenay-sous-Bois est évidemment intéressant, le projet tel qu’il a été imaginé par Ile-de-France Mobilités fait porter une lourde menace sur l’environnement, et notamment sur le Bois de Vincennes.
En effet, le projet de prolongement de la ligne 1 implique, sous sa forme actuelle, de creuser le puits de sortie du tunnelier et une partie conséquente des deux tranchées temporaires à ciel ouvert, au cœur du Bois de Vincennes (figure 2). Les méthodes constructives retenues entraîneraient des dommages considérables et, pour certains, irrémédiables au Bois de Vincennes : déboisement massif sur près de 2 hectares, arrachage de plus de 110 chênes remarquables âgés de plus de 100 ans (ainsi que multiples autres arbres) ; artificialisation et imperméabilisation des sols via le déversement de milliers de tonnes de béton en sous-sol, pollution des sols via des injections réalisées pour les stabiliser ; dommages à la faune et notamment de très nombreuses espèces protégées. Le projet menace ainsi l’un des écosystèmes les plus riches en matière de biodiversité sur le territoire de la commune de Paris. Pour réaliser ce projet, il est prévu de « déclasser » six hectares du Bois de Vincennes. Ceci ouvre la voie à un défrichement sur toute cette surface (figure 3) et, à terme, à une urbanisation qui détruirait donc une partie du Bois.
Est-il besoin de rappeler que le Bois de Vincennes est un site classé (loi 1930) à la valeur écologique, patrimoniale, et historique irremplaçable ? Ancien domaine de chasse attenant au Château de Vincennes, partiellement aménagé au XIXe siècle selon les plans d’Alphonse Alphand, classé par André Malraux en 1960, le bois est aujourd‘hui tout à la fois l’un des deux poumons verts de la capitale, et l’un des lieux de loisirs favoris de franciliens avec 11 millions de visiteurs par an.
Au-delà des seuls dommages au bois de Vincennes, le bilan écologique de l’ensemble du projet pose question. Ile-de-France Mobilités a calculé le bilan carbone de la nouvelle infrastructure en mode exploitation (c’est-à-dire sans intégrer la dette écologique de la phase travaux), et celui-ci ressort lourdement négatif sur les 30 premières années suivant la mise en service. C’est le signe que l’infrastructure est largement surdimensionnée par rapport au bassin de population desservi.
Pour toutes ces raisons, l’Association des Défenseurs du Bois de Vincennes et le Collectif Touche Pas à Mon Bois se sont mobilisés pour sensibiliser les Franciliens sur la protection du Bois de Vincennes, avec une pétition qui a recueilli plus de 67 000 signatures en quelques semaines.
Dans le cadre de l’enquête publique menée au mois de février 2022,
des avis défavorables ont été émis par l’Autorité Environnementale et le Secrétariat Général à l’Investissement. L’enquête a constitué un exemple de démocratie participative : en l’espace d’un mois, plus de 8 200 observations ont été déposées et près de 900 personnes ont assisté aux réunions publiques, ce qui témoigne de la valeur toute particulière que revêt le Bois de Vincennes aux yeux de très nombreux Franciliens. A l’issue de l’enquête publique, la Commission d’enquête a rendu un avis défavorable à l’unanimité de ses membres, en se fondant tout à la fois sur les atteintes disproportionnées à l’environnement et la faiblesse du bilan socio-économique du projet. Un tel avis défavorable sur un projet de cette ampleur est extrêmement rare, sinon inédit.
Consulter les 9 motifs défavorables de la commission d’enquête
Pour autant, au lieu de remettre le projet sur l’ouvrage afin d’identifier des solutions alternatives plus respectueuses du bois de Vincennes, Ile-de-France Mobilités a annoncé par voie de presse son intention de poursuivre le projet en l’état et de demander rapidement à la préfecture du Val-de-Marne de déclarer l’utilité publique du projet. L’Association des Défenseurs du Bois de Vincennes et le Collectif Touche pas à mon bois, soutenus et épaulés par Patrimoine-Environnement, continuent donc à militer activement pour que le projet soit revu en profondeur afin d’épargner le bois de Vincennes, qui est le jardin de ceux qui n’en ont pas, notamment en utilisant la voie de maintenance déjà existante (Figure 1).
Figure 1 tiré du Rapport de l’Autorité Environnementale. Ligne épaisse jaune : prolongement prévu. Ligne fine jaune : voie de maintenance qui existe déjà sous le sol du bois de Vincennes et relie déjà la ville de Fontenay-sous-Bois. Ligne rouge : RER A.
Figure 2 réalisée par le Collectif Touche pas à mon bois : repérage des arbres sains les plus anciens superposé sur les constructions prévues (2 tunnels à 1 voie) dans le Bois de Vincennes.
Figure 3 tiré du dossier d’enquête publique : emprise travaux dans le Bois de Vincennes.
Patrimoine-Environnement soutient le collectif et préconise la réutilisation du tunnel existant. Un courrier à Mme la Préfète du Val-de-Marne a été adressé dans ce sens.