Projet de loi CAP, plusieurs innovations importantes et quelques regrets
Le projet de loi relatif à la création artistique, à l’architecture et au Patrimoine n’aura pas eu besoin du fameux article 49-3 de la constitution! Bien au contraire, après deux lectures à l’Assemblée nationale et deux au Sénat, la commission mixte paritaire constituée entre les deux assemblées est parvenue à un accord de sorte que, d’ici la fin du mois une dernière lecture sans surprise aura lieu dans chaque Chambre, et, sauf très improbable saisine du Conseil constitutionnel, le président de la République n’aura plus qu’à promulguer le texte ainsi adopté.
En ces temps prodigues en lois bavardes, sans sérieuses études d’impact et prolixes en considérations idéologiques, une lecture attentive du compte rendu des travaux de la commission mixte rend un peu de confiance dans les institutions de la Cinquième République. Il faut en féliciter madame Françoise Férat et monsieur Jean Pierre Leleux co-rapporteurs du texte au Sénat, lesquels, au lieu de se parer des plumes du Paon, ont tout fait pour, tout en sauvegardant l’essentiel, parvenir à un accord avec leur collègue de l’Assemblée monsieur Patrice Bloche.
Celui-ci n’a pas hésité à demander aux sénateurs d’exposer un grand nombre de fois leur point de vue, pour ensuite le soutenir fermement. La pareille lui a été rendue.
De tout cela il résulte plusieurs innovations importantes :
- Un véritable régime juridique des biens inscrits au Patrimoine Mondial même si les nécessités du compromis ont empêché la mise noir sur blanc de l’obligation d’inscrire dans les PLU les données de l’Unesco : on doit pouvoir faire avec…
- Un nouveau chapitre du code du Patrimoine créant les « domaines nationaux » (essentiellement les anciens domaines de la couronne) et édictant des règles d’inaliénabilité et d’une constructibilité les concernant. Une proposition qui avait cheminé dans les associations et qui a été reprise par le gouvernement et solidifiée par le Parlement.
- Un droit des commissions chargées de donner des avis sur les questions patrimoniales sérieusement modifié, dans le bon sens : fusion des deux commissions nationales des monuments historiques et des secteurs sauvegardés; obligation faite au ministre de créer un collège des associations à côté du collège des personnes qualifiées, possibilité de suivi des dossiers et d’auto saisine; présidence confiée à un élu national; déclinaison régionale de la structure; institution d’une commission locale obligatoire des secteurs sauvegardés alors que le gouvernement la voulait facultative.
- Le début d’un régime de protection des Moulins et ouvrages hydrauliques : un pied dans la porte de la lutte contre l’invraisemblable concept de la continuité écologique des cours d’eaux.
- Un régime des abords de monuments historiques qui sauvegarde l’essentiel : le périmètre de 500 mètres en cas d’échec ou d’absence d’un périmètre modifié ou adapté pour la délimitation duquel le propriétaire du monument doit donner son avis.
- Une refonte complète des projets initiaux concernant la fameuse cité historique devenue « site patrimonial remarquable ». Ce site comprendra les secteurs sauvegardés et une nouvelle mouture des AVAP dénommée Plan de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (PVAP) mais ne comprendra plus les « PLU Patrimoniaux » qui demeurent dans le code de l’urbanisme mais ne seront pas la base d’un droit de protection du Patrimoine au rabais. Des dispositions clarifiées sur la protection des intérieurs ont été introduites.
- La clarification de l’obligation de recourir aux bons offices des guides conférenciers professionnels dans les musées et monuments. Cette obligation ne fera pas obstacle à l’action des associations de bénévoles.
- La création, chère à madame Férat, d’un garde-fou contre la vente des immeubles appartenant à l’État à l’étranger en exigeant un avis de la commission nationale des monuments historiques et la reprise de dispositions concernant la cession de l’État vers les collectivités locales.
Nous regrettons que les dispositions concernant une zone de protection du monument vis-à-vis des éoliennes aient échoué sur le fil du rasoir.
Nous sommes malheureux qu’après un vote du Sénat incluant dans le régime des biens du patrimoine mondial les réserves de biotopes, cette disposition ait été supprimée à l’Assemblée.
Et surtout nous regrettons l’absence complète d’un volet économique et social dans le projet gouvernemental : qu’il s’agisse du financement des restaurations et entretiens, de la transmission et des questions de logement et de mixité sociale dans les centres historiques.
Tout cela nécessitera une analyse plus fine et la certitude de ne rien oublier qui puisse vous intéresser. Une affaire à suivre donc. En attendant je suis renforcé dans mes convictions farouchement bicaméristes : vive le Senat !
Alain de La Bretesche
Président de Patrimoine-Environnement
Administrateur du Mouvement associatif (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’’Europa Nostra