Pays de Gex : l’environnement au secours des actions en justice

Est-il possible de freiner un projet de construction au nom de ses impacts écologiques ? C’est la délicate tâche que reçoit la Fédération Patrimoine-Environnement, saisie au côté de plusieurs autres associations environnementales dont France Nature Environnement et Pro Natura, pour tenter de contrer l’avènement d’un projet de vaste centre commercial au cœur du Pays de Gex.

Les enjeux sont les suivants : dans ce pays en plaine, situé entre la chaîne du Haut-Jura et Genève, la pression immobilière est telle que les différentes communes qui le composent voient se multiplier des projets de constructions de toute nature, le rêve de chaque édile étant faire du maillage urbain actuel une véritable conurbation franco-genevoise.

Problème : la région est particulièrement fragile sur le plan écologique, du fait principalement d’un système hydrologique très sensible et d’une richesse faunistique dans les secteurs qui ne sont pas (encore) urbanisés.

Au prix d’une étude d’impact plus que douteuse sur ces deux aspects, un groupe de notoriété nationale ambitionne depuis plusieurs années de construire un vaste centre commercial sur un terrain qui, malheureusement, cumule ces deux ensembles de risques : d’une part, la nappe phréatique y est très affleurante et, d’autre part, plusieurs espèces protégées se nourrissent sur le site. En somme, le projet laisse fortement suspecter un risque d’assèchement de l’Allondon, cours d’eau extrêmement protégé côté suisse, et laisse tout aussi craindre un risque de mortalité ou d’effarouchement d’espèces protégées classées sur listes rouges nationales et internationales.

Plusieurs voix se sont élevées contre ce projet, y compris l’État de Genève, mais le permis a malgré tout été délivré, sourde oreille faite. Un collectif franco-suisse d’associations s’est donc constitué, représenté par Maître Théodore Catry, pour exercer les recours adéquats.


Le défi juridique est désormais double.

D’un côté, le permis a déjà été contesté mais uniquement sur le volet commercial. De l’autre, il s’agit de démontrer les impacts réellement prévisibles sur le projet, ce qui demande un niveau d’expertise au moins égal à celui des auteurs de l’étude environnementale réalisée pour le compte du promoteur.
À l’heure actuelle, les actions sont menées sur deux plans :

  • L’envoi de demandes à la préfecture visant à mettre en demeure le porteur du projet de régulariser son dossier en déposant une demande d’autorisation au titre de la Loi sur l’Eau et une demande de dérogation Espèces Protégées. Ce dernier aspect fait déjà l’objet d’un contentieux sur saisine de France Nature Environnement Ain. Quant au volet hydrogéologique, aucune réponse n’a été apportée : ce sera donc au tribunal de se prononcer.
  • La sollicitation d’une mesure d’expertise judiciaire. Depuis l’affaire dite « du Siècle » et la consécration du préjudice écologique, il est devenu théoriquement possible de solliciter l’indemnisation en nature des dommages causés à l’environnement aux personnes publiques et privées responsables. Les études d’impact du promoteur et du collectif d’associations étant toutefois contradictoires, il a été décidé de s’en remettre à la justice pour confier la question aux soins d’un expert judiciaire. Cette démarche, novatrice, connaît peu de précédents. Gageons que le juge soit en mesure de reconnaître que la problématique est suffisamment sérieuse pour mériter d’être expertisée …

Maitre Théodore Catry, avocat en droit public dans la protection des paysages, du patrimoine et de l’environnement.