Patrimoine, Jeunesse, Esperance

Pourvu du nombre d’années suffisant pour regarder désormais plutôt vers mon estuaire que vers ma source, je suis absolument certain de n’avoir aucune compétence pour délivrer une analyse pertinente sur les idées, la sociologie, la vie ou la culture de la jeunesse du moment.

La récente lecture d’un dossier intitulé « Les jeunes sont-ils vieux ? » dans un magazine mensuel raisonnablement pétillant et politiquement incorrect (1), me conforte dans cette certitude. Le regard porté sur les jeunes par la génération qui a la chance, que la suivante n’a pas, d’être, comme dirait Montaigne, en plein « besognement » me parait bien traditionnellement réducteur.

Qu’Elizabeth Levy me pardonne mais le titre de son papier : « Moisir à trente ans » aurait pu être écrit dans tous les siècles. Et le professeur Fréderic Rouvillois, éminent universitaire, est légèrement  tartuffe lorsqu’il prétend regretter sa jeunesse étudiante qui transformait, dans les années 1980, en « joyeux bordel » l’amphi et qui lui donne l’impression « d’une salle d’attente de notaire », lorsqu’il y pénètre aujourd’hui pour délivrer sa  leçon doctorale.

Cependant j’ai trouvé dans ce « dossier » deux idées dont je m’empare volontiers, sans scrupule, l’une de fond, l’autre du ressort du véhicule de la pensée.

Tout d’abord : alors que ma rétine a imprimé pour la vie comme première image de mon « INA » personnel, la pacifique vision du sacre de la reine Elizabeth, en 1952, vue dans la vitrine d’un magasin en face de chez mes parents, c’est la destruction des « twin Tower », le 11 septembre 2001, qui est restée gravée dans l’âme de cette génération. Cela n’est évidemment pas sans conséquences dans de nombreux domaines de son univers intellectuel.

Et puis, pour parvenir au livre, à la musique, à toute forme de culture, il faut passer aujourd’hui par internet et par le numérique. S’agissant du patrimoine et des paysages, ce média est tout de même très supérieur au calendrier des postes d’autrefois. Par contre le SMS  (entre Valérie et François) est  sans doute moins destiné à passer à la postérité que la correspondance de madame de Sévigné. Même si je me sens moins exclu de la société contemporaine depuis que l’une de mes petites filles m’a enseigné ce que voulait dire « MDR »(2) !

Qu’elle est donc ma légitimité pour signer l’édito de la « Lettre spéciale Jeunesse de Patrimoine –Environnement » ? Je n’en vois qu’une : l’espérance.

Cette espérance m’envahit lorsque, arrivant dans notre siège de la rue du Borrego, un jour ordinaire j’y vois une bande de jeunes gens dont le doyen a trente-cinq ans ; qui, bénévole au chômage et voulant être utile en attendant mieux ; qui, inscrit au Service Civique, qui, stagiaire d’une école ou d’une université ou encore carrément bénévole.

Cette espérance, je la rencontre lorsque invité à l’école du Louvre, j’y vois l’enthousiasme de la « junior entreprise »  que les étudiants ont eu le « culot » de créer dans le temple de la fonction publique des conservateurs de toute plume.

Et encore en faisant connaissance de celles et ceux qui ont décidé de se lancer dans un métier au service du Patrimoine : historiens qui prêtent leur plume aux communes ou aux familles, créateurs de résidences d’artiste, sauveteurs de châteaux et de paysages, artisans d’art, hôteliers d’un nouveau genre, du gite rural à la chambre au château, enseignants et animateurs de l’enfance et de l’adolescence. J’en passe.

Espérance aussi en suivant le parcours de groupes qui consacrent une partie de leurs loisirs à connaître patrimoines et vestiges d’un art  et, cette connaissance acquise, grossiront la cohorte de ceux qui défendront ces valeurs.

Il ne reste plus alors qu’à leur laisser la parole …

Mais, est-ce raisonnable de nous remettre entre les mains de cette jeunesse là au lieu de fonder notre espoir sur la Sagesse et la disponibilité des futurs centenaires mes amis.

Le Christ et Alexandre le Grand avaient accompli leur œuvre avant de mourir à moins de 35 ans. Je me contenterai d’un autre exemple : celui d’un homme né en 384 avant JC, un certain Démosthène. Sa faible voix ne portait qu’à quelques mètres, il était bègue et se mettait quatre cailloux sur la langue pour s’obliger à parler distinctement. A vingt-cinq ans, il avait écrit et proclamé ses philippiques contre le roi de Macédoine. Il est bon de rappeler que sa célébrissime interpellation « Levez-vous belle Jeunesse d’Athènes », se termine ainsi « et reprenez le flambeau des gloires d’antan ! »

(1) magazine « Causeur »
(2) Mort De Rire

Alain de la Bretesche

Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives) Administrateur d’Europa Nostra