Mémoires du Patrimoine : focus sur une association d’étudiants – mais pas seulement ! – engagés dans la préservation des patrimoines menacés partout dans le monde

Mémoires du Patrimoine a été fondée fin août 2012 sur une idée de Louise Beyrand, sa présidente. Ancienne étudiante à l’Ecole du Louvre, Louise est indignée par les terribles exactions culturelles commises dans le nord du Mali – après le coup d’état du 22 mars 2012 – pendant la conquête et l’occupation de cette région par les armées islamistes.

logo mémoires du Patrimoine

Lassée de son sentiment d’impuissance et souhaitant s’engager en faveur des patrimoines menacés, elle décide de créer cette association, ouverte à tous, mais très axée sur les jeunes en général et les étudiants en particulier : « Après avoir lancé un appel sur des forums fréquentés par des étudiants, quelques personnes ont répondu pour s’investir dans ce projet et nous espérons que beaucoup d’autres suivront. »

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Louise Beyrand nous présente son association, ses projets et ses perspectives : à la rescousse des patrimoines menacés à travers le monde…

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Quels sont vos domaines de prédilection et vos moyens d’actions ?

Louise BEYRAND-1Louise Beyrand : Nos moyens d’actions sont pour le moment très limités financièrement. Nous ne bénéficions à l’heure actuelle d’aucune aide publique et comptons uniquement sur les adhésions et dons de nos membres et sympathisants. Aussi, certaines de nos idées sont encore souvent à l’état de projets.

Nos actions s’orientent vers trois perspectives : la communication, la recherche et l’action de terrain.

Nous partons du principe que la protection du patrimoine passe avant tout par l’information favorisant la prise de conscience. Pour cela nous utilisons beaucoup les réseaux sociaux. Sans fixer de limites géographiques et actuellement centrés sur le patrimoine matériel, nous réfléchissons à mettre en place des moyens pour mieux recenser et faire connaître le patrimoine immatériel menacé. L’usage des nouvelles technologies nous semble essentiel pour fédérer les initiatives à travers le monde et permettre aux jeunes de se reconnaître dans ce « combat » et susciter ainsi l’envie de s’investir pour le patrimoine.

De par la formation en sciences humaines de ses membres fondateurs, Mémoires du Patrimoine a très vite souhaité contribuer à la recherche. Nous espérons que les attaques contre le patrimoine puissent créer, en réaction, une émulation intellectuelle. Pour cela nous organisons chaque année une journée d’étude afin d’analyser une menace spécifique et proposer des solutions. Les retranscriptions de ces rencontres sont ensuite publiées sur notre site.

A l’avenir, nous envisageons de développer des actions ponctuelles sur le terrain. Nous pensons pour cela nous associer à de plus grosses structures, aux associations locales et faire appel au bénévolat d’étudiants souhaitant s’investir dans des projets culturels et humanistes. Il s’agira d’inventaire de patrimoines menacés, d’aide à la numérisation d’archives ou d’aide à l’ouverture de musées locaux par exemple. Toutes ces actions donneront lieux à des publications et/ou expositions…

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Comment travaillez-vous avec les autres structures de préservation du patrimoine ?

Louise B. : Nous avons conscience que la protection du patrimoine est un sujet qui exige une forte entraide entre les différentes associations. Très tôt, nous avons tenté de contacter des structures professionnelles plus expérimentées telles que l’UNESCO, le Bouclier Bleu ou Patrimoine sans Frontières. Si nous n’avons pour l’instant pas de projets en commun, nous sommes heureux de pouvoir entendre certains de leurs membres lors de nos journées d’étude.

C’est au cours de ces journées que nous avons rencontré Julie Chaizemartin, elle-même ancienne étudiante à l’École du Louvre et présidente du Fonds Culturel Arts & Ouvrages. Nous avons développé un partenariat très approfondi avec cette fondation qui s’investit prioritairement dans la protection des manuscrits de Tombouctou. Ils ont pour cela organisé une vente aux enchères caritative le 24 mai 2014 à laquelle nous avons apporté notre aide. Les fonds récoltés seront reversés à l’association T160K qui s’occupe de la conservation des manuscrits exfiltrés à Bamako.

Nous sommes aussi très reconnaissants envers l’École du Louvre qui nous a conseillé lors de la création de l’association et offert la possibilité d’organiser notre première journée d’étude dans leurs locaux. Nous partageons la plupart de nos préoccupations et objectifs avec ses étudiants qui, du reste, nous sensibilisent à la déontologie du patrimoine. D’ailleurs, beaucoup de nos membres sont passés par cette formation. Cela dit, nous n’en faisons absolument pas un critère exclusif ! En grande partie issus de formations en sciences humaines et sociales, nous souhaitons élargir nos effectifs et nos compétences en accueillant des étudiants en langues, sciences politiques et économiques, droit, informatique… Toute âme motivée est la bienvenue !

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Un mot sur votre actu ?

Louise B. : Notre deuxième journée d’étude s’est déroulée le 12 avril dernier à l’INHA. Cette année, elle était consacrée à la question du patrimoine menacé par la crise économique. Nous avons eu le plaisir d’accueillir des intervenants tels que Philippe Belaval, directeur du Centre des Monuments Nationaux, Nathalie Heinich, chercheuse au CNRS, ou Constance Lombard, chargée du mécénat au Musée du Louvre, qui nous ont permis de mieux comprendre les enjeux économiques qui menacent le patrimoine. Nous avons également envisagé les différentes solutions et perspectives liées aux crowdfunding et aux nouvelles technologies. Cette journée fut l’occasion de présenter officiellement l’application smartphone MDP-Patrimoine en Danger que nous avons développé afin d’aider à la connaissance du patrimoine partout dans le monde. Nous croyons beaucoup en cette application : il s’agit d’un projet innovant qui permettra de créer une immense base de données interactive du patrimoine menacé. Pour qu’elle puisse fonctionner, nous avons besoin qu’elle soit connue et que les gens se l’approprient. Nous souhaitons pour cela multiplier les présentations : nous avons pour l’instant été invités à l’Arizona Historic Preservation Conference en juin, et nous participerons probablement aux sessions débats de L’Institut culturel « Lab » de Google.

A l’avenir, lorsque nous disposerons de suffisamment de matériel, nous pensons utiliser cette base de données collaborative afin de mettre en place un rapport global sur le patrimoine menacé, comme il en existe déjà pour les droits humains ou la liberté de la presse.

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Mémoires du Patrimoine est une toute jeune association, comment la voyez-vous dans cinq/dix ans ?

Louise B. : Mémoires du Patrimoine fêtera ses deux ans seulement en août prochain et nous avons énormément d’idées et de projets ! Il y a beaucoup à faire car le patrimoine subit de nombreuses attaques de toutes sortes. Nous pensons que favoriser l’investissement des jeunes et l’utilisation des outils qui leurs sont familiers pourra à terme avoir un véritable impact sur la prise de conscience de l’intérêt à la fois historique et actuel du patrimoine. La préservation passe par, et la création, et la valorisation d’une mémoire et d’un enthousiasme commun.

Notre ambition : devenir un acteur important des questions de préservation du patrimoine en fédérant les forces vives étudiantes !

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En savoir plus sur l’association Mémoires du Patrimoine :

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