Mayenne – Géographie du désastre
Les cours d’eau s’assèchent du fait de la suppression des barrages, l’Agence de l’eau efface systématiquement le patrimoine de la mémoire de la Mayenne.
Les nappes d’accompagnement des cours d’eau ne se remplissent plus suffisamment. Elles ne peuvent donc plus redonner de l’eau en période d’étiage et réduisent la faune piscicole. Depuis dix ans l’Agence de l’eau Loire-Bretagne multiplie la suppression systématique des seuils et petits barrages. Plus de 150 ont été détruits en Mayenne malgré l’opposition des associations de propriétaires, des pécheurs et des riverains publics ou privés. A la délégation Maine-Loire-Océan de l’Agence de l’eau on n’écoute, ni ne consulte. Le credo : la continuité écologique. On la justifie par deux dogmes d’orientation :
- tout ouvrage hydraulique représente un impact grave sur l’écologie du bassin versant, cela reste à prouver ;
- l’écologie est le seul enjeu par lequel s’apprécie l’existence d’un ouvrage hydraulique, cela reste à démontrer.
Une telle politique publique est inadaptée : on ne pourra jamais réussir en se fondant sur une inexactitude qui a priori oriente ses choix d’aménagement et de financement. C’est la géographie du désastre : un patrimoine qu’on efface des mémoires !
Outre le fait que les associations s’occupant du patrimoine ne sont nullement associées avant la prise de décision, il n’y a aucun engagement clair sur les gains écologiques proportionnés aux dépenses comme aux nuisances. La suppression systématique de toute retenue fait que les herbages et les puits en bordure de rivières s’assèchent. C’est tout un écosystème millénaire qui est fragilisé. Les murs mitoyens au lit de la rivière s’écroulent du fait de l’abaissement de la ligne d’eau. « Les Mayennais doivent se plier à une écologie punitive, qui les prive en sus de très nombreux parcours de pêche et leur interdit de descendre une rivière en bateau?», indique Paul-Henry de Vitton, président de l’association des riverains de l’Erve, du Treulon et de la Vaige, trois rivières du département de la Mayenne particulièrement touchées.
Les riverains ne comprennent pas les coûteux travaux effectués qui ne font que renforcer les étiages que connaissent déjà ces rivières. L’Agence de l’eau ne fournit pas plus d’informations sur la mesure rétrospective des cernes de croissance des arbres en bordure des cours d’eau touchés. Les professionnels du bois ont mis en évidence une baisse significative de la croissance ligneuse du fait de la suppression des ouvrages. Cette baisse est interprétée comme une réponse de la végétation bordant les milieux aquatiques (la ripisylve) à la modification locale de la position de la nappe phréatique.
Bâti historique, pratiques sociales, écosystèmes riverains, réclament des approches scientifiques sur le long terme et des dispositifs politiques efficients dont l’écoute de ceux qui vivent sur nos territoires. Au total, 26 des 29 ouvrages hydrauliques que compte le Vicoin doivent être démantelés ou aménagés. Réguler les cours d’eau, créer des bassins pour les pompiers, les riverains, les agriculteurs et les pêcheurs pourraient être la mission de l’agence de l’eau.
Nulle part dans les textes de l’Europe il n’est indiqué qu’il faille détruire les barrages et les retenues pour restaurer la qualité de l’eau. La loi de 2006 prévoit que tout ouvrage doit être géré, équipé et entretenu par son propriétaire. Le rôle de l’agence au lieu de détruire devrait être un rôle avant tout de conseil au propriétaire sur le modèle du fonctionnement éclairé des DRAC vis-à-vis des propriétaires de monuments historiques. Les responsables devraient prendre conseil auprès de fonctionnaires qui, eux savent gérer, le patrimoine de la France.
Plus d’eau, plus de poissons, plus de batraciens non plus, plus d’espèces aquatiques. Par contre, l’alimentation des douves ne se fait plus comme à Brée ou le propriétaire du monument historique de La Grande Courbe, a été obligé à ses seuls frais de renforcer la digue qui isole ses douves de l’eau de la Jouanne dont le niveau a été descendu de plus d’un mètre provoquant une poussée dévastatrice. Il en est de même pour le château de Foulletorte dont les murs d’enceinte sont contenus par un étang alimenté par la rivière. Baisser le niveau de celle-ci en supprimant les retenues c’est faire basculer la muraille à court terme. Qui va payer la restauration à la suite de ces destructions ?
Ce qui frappe la politique suivie sur les cours d’eau de la Mayenne par l’agence de l’eau c’est l’absence totale de bilan chiffré. On détruit sans compter. Cette absence de suivi budgétaire est digne de la saisie de la cour régionale des comptes. Cette saisie ne peut se faire de la volonté des associations elles-mêmes mais le recours à la sagesse des Préfets pour demander à l’institution d’exercer son contrôle sur l’agence serait déjà un premier pas utile.
Nos ancêtres ont construit depuis des siècles seuils et barrages en se fondant sur l’observation, les pelles mécaniques détruisent, il faudra que nos enfants, petits-fils des premiers, réparent les dégâts en reconstruisant.
Hervé Gérolami,
Délégué départemental de la Mayenne de Patrimoine Environnement