L’hôtel de Richelieu à Saint-Germain-en-Laye est toujours en danger…


Depuis plus d’un an, l’Association des Amis du quartier Lorraine de Saint-Germain-en-Laye se mobilise (avec l’aide des associations Patrimoine-Environnement, Vieilles Maisons Françaises et SPPEF), pour éviter la démolition des murs de l’ancien hôtel de Richelieu, situé au 18 rue de la République au cœur du secteur sauvegardé, en face de l’ancien couvent des dames de Saint-Thomas (ISMH), à 100 mètres du château. Ne laissons pas tomber l’affaire.

Historique
sppef_ill.-3-3Cette maison typique des constructions du secteur « sauvegardé » de Saint-Germain a hébergé la Banque de France de 1918 à 2005 avant d’être vendue (à deux reprises et en dernier lieu en 2011) à un promoteur. Ce dernier a souhaité la démolition  de ces bâtiments  classés « à conserver » selon le plan de sauvegarde et mise en valeur (PSMV)  du secteur sauvegardé. Il a été suivi par la mairie qui a engagé en 2012 une procédure de  modification  partielle du PSMV pour permettre sa démolition et la construction à son emplacement ainsi que dans son jardin de plusieurs immeubles pouvant atteindre jusqu’à 5 étages, soit près de deux fois plus hauts que les immeubles contigus et que la hauteur maximale de l’îlot.

Dans un secteur sauvegardé, la révision d’un plan de sauvegarde doit obligatoirement comporter la consultation de la commission nationale des secteurs sauvegardés mais depuis 2005, le code de l’urbanisme prévoit une procédure accélérée sans consultation de cette commission nationale et permet aux communes dotées de PSMV de le modifier partiellement après consultation de la commission locale du secteur sauvegardé et de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF).

L’enquête publique menée durant l’été 2013 a reposé sur des informations lacunaires et en partie inexactes. La mairie a notamment indiqué dans la notice de l’enquête publique qu’il n’existait plus que « la trace d’une implantation d’une dépendance de l’hôtel de Richelieu », et il était aussi affirmé que l’ancien hôtel n’avait aucun lien  avec le cardinal.

sppef_ill.-5-5Une étude historique menée par un cabinet de recherche parisien a prouvé que ce bâtiment est bien une partie d’un hôtel particulier construit pour partie au XVIème siècle pour le connétable Anne de Montmorency puis acheté en 1633 par le cardinal de Richelieu lui-même (quelques semaines après la décapitation du dernier duc de Montmorency qui avait soulevé le Languedoc). Il a conservé le nom de cette famille qui en a été propriétaire pendant plus de 150 ans. Cette maison a été ainsi le lieu d’exil du maréchal-duc de Richelieu au XVIIIème siècle, à la suite du scandale de Cellamare  sous la Régence. Ce courtisan à la vie amoureuse mouvementée a été la source d’inspiration du personnage de Valmont pour Choderlos de Laclos. A l’époque révolutionnaire, la maison a été saisie comme bien national et vendue en 1794 à la suite de l’émigration d’Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu, 5ème duc de Richelieu, (futur diplomate à Vienne puis gouverneur d’Odessa, qui deviendra premier ministre  de Louis XVIII).   Une aile en équerre a  été ajoutée sur le jardin à cette époque à la demande du nouveau propriétaire, un échevin de la ville de Saint-Germain.

Si l’intérieur du bâtiment a été considérablement remanié au fil des siècles, notamment par la Banque de France qui a accueilli du public au rez-de-chaussée, et par son actuel propriétaire qui a démonté impunément fin 2013 rampe d’escalier, cheminées et trumeaux alors que le bâtiment était en principe protégé, les murs extérieurs sont toujours d’origine. Aucune preuve de destruction ou de reconstruction n’a été trouvée et même les actes de propriété les plus récents (2006 et 2011) décrivent la maison sous le nom d’hôtel de Richelieu dans sa configuration actuelle.

Aujourd’hui
Malgré la preuve du caractère historique de ce bâtiment, la procédure s’est poursuivie et la préfecture des Yvelines a approuvé la modification du PSMV du secteur sauvegardé de St-Germain proposée par la municipalité, (arrêté du 5 septembre 2014). Les recours gracieux et hiérarchique formés par les riverains, ainsi que par l’association Patrimoine Environnement conjointement avec l’association des amis du quartier Lorraine ont été rejetés.

Cette affaire inquiète. Si le propriétaire de cette maison n’est pas contraint de conserver une maison dont l’ancienneté est prouvée par des cartes, des gravures et par une étude historique, dont les anciens propriétaires ont joué un rôle capital dans l’histoire de France  et dont la situation est particulièrement digne de protection (en face du péristyle de Saint Thomas classé ISMH), quel bâtiment pourra désormais être protégé en secteur sauvegardé contre des projets de destruction ?

Au-delà de la discussion sur l’intérêt historique ou patrimonial de cette maison, cette affaire pose une question de principe que rencontreront de nombreux secteurs sauvegardés confrontés à la consigne donnée par le gouvernement de densifier l’habitat.

L’enquêteur public a émis un avis favorable à la modification du PSMV de Saint-Germain en ne citant quasiment jamais l’existence d’un secteur sauvegardé et ses objectifs, et s’est contenté de considérer que les nouvelles  constructions comporteraient pour partie des logements sociaux. Occultant complètement l’intérêt public que constitue la conservation des centres historiques harmonieux, le commissaire enquêteur estime que la région Ile-de-France manque de logements et que la nécessaire densification urbaine suffit à justifier ce projet. Un intérêt social primerait à lui seul sur l’intérêt historique, ce qui nous parait hautement critiquable puisqu’il n’existe que très peu de secteurs sauvegardés et que les constructions neuves peuvent trouver leur place sans destruction des quartiers qui font le charme et l’attractivité de nos villes.

Le logement social n’est pas incompatible avec le secteur sauvegardé. Selon une étude de 2006 de l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat, Saint-Germain en Laye disposait de 1.800 logements vacants, donc à rénover.

Plutôt que de détruire, incitons à restaurer dans la ligne de la loi Malraux.

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