Les alignements d’arbres en danger partout en France
Une annonce datée du 27 janvier 2015 (mesure n°26 du dernier plan du Ministère de l’intérieur pour la sécurité routière) encourage l’audit de sécurité des voiries départementales (l’identification des arbres proches de la chaussée en vue de leur élimination). Ces nouvelles mesures de sécurité routière incitent les départements à éliminer les arbres proches de la chaussée…
Avec la vitesse, la conduite en état d’ivresse, les incivilités, les arbres d’alignement en bord de routes sont aujourd’hui considérés comme un danger à éliminer. Et pourtant… Depuis des siècles, nos paysages sont structurés par les alignements qui bordent routes, fossés, canaux et rivières. Les arbres de bord de route, et en particulier les alignements, constituent un patrimoine reconnu, protégé par la loi dans certains pays.
Deux pétitions lancées fin janvier et début février par des citoyens volontaires sont en ligne :
- La pétition « Sauvez les arbres du bord des routes ! » – Qui a récolté plus de 7000 signatures, sur les 7500 fixées comme objectif.
- La pétition « Sauvons ces alignements d’arbres joyaux de nos paysages » – Qui a collecté presque 7000 participations.
Chantal Pradines est l’auteur de l’étude « les Arbres qui pardonnent » dans laquelle elle explique pourquoi il importe de préserver les arbres en tant que patrimoine et d’agir plutôt sur les comportements en ce qui concerne la sécurité routière. « Pas plus que la pluie, les arbres ne doivent être tenus responsables de la folie des hommes ! »
Le rapport « Infrastructures routières : les allées d’arbres dans le paysage », publié par le Conseil de l’Europe dans un recueil de « Réflexions et propositions pour la mise en œuvre de la Convention européenne du paysage » résulte d’une analyse des réussites et des échecs des politiques des différents pays européens en matière d’arbres de bord de route. Il comporte toutes les recommandations nécessaires pour la préservation de ce patrimoine.
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Certains se rappelleront de la lettre que le Président Pompidou avait adressée à son premier Ministre…
Mon cher premier Ministre,
J’ai eu par le plus grand des hasards, communication d’une circulaire de l’Equipement- direction des routes et de la circulation routière- dont je vous fait parvenir photocopie.
(…) Bien que j’aie plusieurs fois exprimé en Conseil des Ministres ma volonté de sauvegarder « partout » les arbres, cette circulaire témoigne de la plus profonde indifférence à l’égard des souhaits du président de la République.
Il en ressort, en effet, que l’abattage des arbres le long des routes deviendra systématique sous prétexte de sécurité.
Il est à noter par contre que l’on envisage qu’avec beaucoup de prudence et à titre de simple étude, le déplacement des poteaux électriques ou télégraphiques. C’est que là il y a des administrations pour se défendre. Les arbres, eux, n’ont pas semble-t-il, d’autres défenseurs que moi-même et il apparaît que cela ne compte pas.
(…) La sauvegarde des arbres plantés au bord des routes- et je pense aux magnifiques routes du Midi bordées de platanes- est essentielle pour la beauté de notre pays, pour la protection de la nature, pour la sauvegarde d’un milieu humain.
Je vous demande donc de faire rapporter la circulaire des Ponts et chaussées, et de donner des instructions précises au ministre de l’Equipement pour que, sous divers prétextes, on ne poursuive pas dans la pratique ce qui n’aurait été abandonné que dans le principe et pour me donner satisfaction d’apparence.
La vie moderne dans son cadre de béton, de bitume et de néon créera de plus en plus chez nous un besoin d’évasion, de nature et de beauté. L’autoroute sera utilisée pour les transports qui n’ont d’autre objet que la rapidité. La route, elle, doit redevenir pour l’automobiliste de la fin du vingtième siècle ce qu’était le chemin pour le piéton ou le cavalier : un itinéraire que l’on emprunte sans se hâter, en profitant pour voir la France. Que l’on se garde de détruire systématiquement ce qui en fait la beauté ! »
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Notre devoir est de préserver les éléments constitutifs de nos paysages (dont les arbres font partie), en application de la loi Paysage et de la Convention européenne du paysage, que notre pays a adoptée.
Les arbres de bord de route doivent être défendus indépendamment des haies. Les deux ne sont pas interchangeables. Deux dossiers, deux problématiques différentes. L’expérience montre que les gestionnaires de routes sont prompts, lorsque cela les arrange, à « jouer »les haies contre les arbres.
Aussi, nous vous invitons à signer ces pétitions et à manifester votre volonté de conserver ce patrimoine.