Le Pont du Gard, une destination désormais réservée aux privilégiés ?
À rebours du principe fondateur du projet initial et abusif à plus d’un titre, la tarification des accès piétons et cyclistes à l’entrée du pont du Gard (10 et 12 € par personne) déclenche l’indignation de l’association Pont du Gard et Patrimoine. Aujourd’hui, le site de l’aqueduc de Nîmes et du Pont du Gard est l’un des plus fréquentés de France. En sera-t-il de même à l’avenir si l’EPCC maintient sa mesure ?
Un patrimoine architectural et historique d’une ampleur incontesté
Classé monument historique en 1840, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1985 et labélisé Grand Site de France en 2005, le pont du Gard multiplie son nom sur les prestigieuses listes nationales et internationales de reconnaissance et de valorisation patrimoniale. Chef-d’œuvre architectural, le pont-aqueduc du Gard témoigne du savoir-faire des constructeurs romains qui bâtirent au 1er siècle de notre ère le plus haut pont-aqueduc du monde (49 mètres de haut sur plus de 50 km de long). En 2011, plus d’un million de visiteurs sont venus admirer ce monumental ouvrage, manifeste de l’ingénierie romaine, acheminant, jadis, l’eau de la fontaine d’Eure à Uzès jusqu’à la ville de Nîmes ; un système d’approvisionnement en eau qui a fonctionné pendant près de 450 ans.
Projet de gestion, aménagement, protection…
Malgré la notoriété du site, aucune structure d’accueil et d’information culturelle ne sont mises en place. Après les prémices d’un projet de gestion en 1998, une convention de partenariat Grand Site est signée entre le ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, la région Languedoc-Roussillon, le conseil général du Gard, le syndicat mixte du Pont du Gard et la chambre de Commerce et d’Industrie de Nîmes en mai 2000. Le site est alors l’objet d’un grand projet d’aménagement censé assurer la protection du monument menacé par l’afflux des touristes et la mise en valeur de l’ensemble du lieu. Désormais uniquement accessible aux piétons (« Vade retro les autos » disait les affiches du Conseil général du Gard lors du lancement du site), deux parkings sont mis en place à l’extérieur, de même que sont créés musée, centre de ressources bibliographiques et ludothèque. Un principe phare régit cette entreprise : la conservation du libre accès au Pont par les piétons et les cyclistes.
…et une mesure démesurée
Depuis 2003, la gestion du site est confiée à un EPCC (établissement public de coopération culturelle) associant l’Etat et les collectivités territoriales. En décembre 2009, une délibération du conseil d’administration bouleverse cette organisation et revoit le système de tarification : l’accès au musée et à la ludothèque – auparavant peu fréquentés – devient gratuit, en contrepartie, le tarif des parkings passent de 5 à 15 € … et celui de l’accès au site par les piétons de 0 à 10 € (et 12 € pour les cyclistes) !
Une décision prise en 2009 qui déclenche les foudres… en 2013
Ce tarif exorbitant remet en cause le précepte fondateur du site Pont du Gard, le libre accès, adopté à l’unanimité par le conseil général lors de sa création en 2000. Son annonce n’a pourtant pas fait l’effet d’une bombe. Aucune protestation notable lors de l’annonce de la hausse des tarifs… Pour cause, aucun document du site internet ni aucun affichage sur le lieu-dit ne faisait état de ce bouleversement « sauf une feuille A4 quasiment illisible, placardée au point d’information où seule une infime minorité des visiteurs se rendent » rectifie l’association Pont du Gard et Patrimoine. La mesure tarifaire n’a semble-t-il pas été appliqué systématiquement… jusqu’au printemps 2013. L’EPCC réalise d’importants travaux de clôture et de mise en place de contrôle des entrées, affichant désormais le nouveau prix du billet. Les réactions se déchaînent, notamment celles de l’association Pont du Gard et Patrimoine bien décidée à obtenir l’annulation de cette mesure. L’argument majeur de leur protestation repose sur cette question : qui a été concerté ou même seulement informé de la validation de la mesure de violation du principe de libre accès par le conseil général ?
Alors que l’EPCC joue l’étonnement, l’association opte pour l’indignation
William Dumas, député PS, conseiller général et président de l’EPCC qui gère le Pont du Gard s’étonne qu’une telle contestation émerge quatre ans après une décision prise à l’unanimité du conseil d’administration de l’établissement. Il défend cette mesure arguant que l’objectif est de contrôler les autocaristes faisant fi des prix de stationnement en déposant des flots de touristes aux portes du site. D’ailleurs, les gardois bénéficient d’une carte d’abonnement annuel à 25 € pour visiter à loisir le monument et ses alentours, et les randonneurs sont exonérés du droit d’entrée, aime-t-il préciser. Pourtant, si la mesure est censée punir exclusivement les autocars, que dire de l’impact sur les familles ou les personnes voyageant seules ? Et comment différencier les randonneurs des simples visiteurs ? Pont du Gard et Patrimoine s’indigne contre cette interdiction d’accéder librement à un bien culturel majeur, inscrit au Patrimoine de l’Humanité : « le pont du Gard doit rester accessible à tous, sans discrimination de ressource. Le regard sur le pont du Gard doit rester libre et gratuit, comme sont libres et gratuits les regards sur les arènes de Nîmes, la Maison Carrée, le château de Versailles, par exemple. » Aussi, Gérard Extier, président de l’association, s’interroge sur la réalisation de la voie verte Beaucaire-Uzès : « ce superbe projet d’animation touristique, privilégiant les déplacements « doux » (en bicyclette et à pied) serait privé de son tronçon central, de Sernhac à Vers ? » questionne-t-il dans la lettre ouverte aux conseillers généraux du 10 mai dernier.
Autant de questions et de matière à indignation qui ont donné lieu à une pétition : Dites non aux tarifs « piétons cyclistes » !
En savoir plus :
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