Le ministère de la Culture a-t-il un rôle dans la protection de l’environnement ?
Tout Paris bruisse des préparatifs de la « COP21 ». Il ne s’agit pas d’une nouvelle coopérative chargée de distribuer des légumes en vente directe, mais du rendez-vous de représentants de 195 pays dont la France sera l’hôte. Cette liturgie particulière durera quinze jours au Bourget au mois de décembre prochain. L’objectif attendu par Laurent Fabius, ministre des affaires étrangère sera d’« aboutir à un accord international sur le climat qui permettra de contenir le réchauffement global en deçà de 2°C. »
Sur le site de France Diplomatie, le quai d’Orsay précise que «La présidence française de la COP21 sera également à l’écoute de la société civile. La forte mobilisation des citoyens et des acteurs non-étatiques (collectivités territoriales, secteur privé, ONG, scientifiques, etc.) sur l’enjeu climatique est une priorité. »
Patrimoine-Environnement, vous le savez, se sent totalement membre de la société civile, mais jusqu’à présent aucun ministère, qu’il s’agisse de l’Ecologie ou de la Culture ne nous a fait signe pour nous demander quelque chose.
La seule invitation envoyée l’a été au président de la COFAC : elle émanait d’une agence évènementielle qui organisait un débat sur le rôle de la culture dans les actions supposées améliorer le climat.
Pour élever un peu le débat au-dessus des propositions certes utiles, mais qui ne sont pas propres à la culture, consistant à contraindre les administrations à diminuer leurs consommation d’énergie ou de papier et les festivals à recycler leurs déchets, j’ai relu un récente interview de Michel Serres à l’occasion de la sortie de son livre Le gaucher boiteux
Vincent Tremolet de Villers : Avons-nous perdu l’idée de la beauté du Monde ?
Michel Serres : Depuis très longtemps, je m’aperçois que dans la culture en général et dans la philosophie en particulier les contemporains sont « sans monde ». Ramener le monde dans la philosophie et dans la pensée a toujours été une de mes obsessions. Le retour du monde est l’une des choses les plus intelligentes à réaliser, à force d’oublier le monde on le détruit.
Vincent Tremolet de Villers: Et La philosophie dans tout ça ?
Michel Serres : La philosophie c’est la sagesse et j’aimerais être la sage-femme du monde à venir…. Je suis passionné par l’accouchement du monde
Avons-nous envie de participer à la maïeutique qui conduira à la nouvelle naissance d’un monde ?
Oui sans doute si nous réussissons à exprimer quelques certitudes : une bonne sage-femme, comme son nom l’indique, tire son expérience du passé même si les moyens de l’art qu’elle emploi s’améliorent au fil du temps .
Il serait simple d’appliquer des règles qui ont fait leur preuve pour économiser l’énergie dans les immeubles anciens plutôt que de leur appliquer un traitement inadapté et réservé au béton des Trente glorieuses.
Ne serait-il pas possible de trouver les consensus utiles en matière d’énergie renouvelable en réglant ces multitudes de passages au forceps que constitue l’implantation d’aérogénérateurs dans de mauvais endroits, rejetés justement par la société civile ?
Plus globalement pourquoi ne pas appliquer le protocole du docteur Chirac, publié dans la presse scientifique en 2005 qui s’appelle la Charte de l’Environnement et qui recommande un accord du patient dans l’exécution des traitements ?
La recherche de ces apports de la société civile éviterait sans doute dans l’avenir bien des catastrophes à l’allemande : césarienne pour extraire du charbon, par exemple, complications touchant les paysages et le patrimoine etc.
Au cours de cette réunion, la directrice de la « Maison des écrivains » appelait opportunément les prosateurs et les poètes à mettre la langue au service de quelques belles utopies qui pourraient nous faire rêver.
Je pense pour ma part en effet qu’un peu de hauteur de vue ne nuirait pas en décembre à Paris et je termine mon propos en rappelant qu’il y a 900 ans, Bernard, abbé de Clairvaux punissait les moines qui en chantant le grégorien produisaient une fausse note parce que, disait- il, « en commettant cette dissonance ils portaient atteinte à l’Harmonie Universelle. »
Une idée comme une autre à introduire dans le concert des nations…
Mais pour être la Sage-Femme capable d’accoucher le monde de demain, encore faudrait-il avoir appris la maïeutique spéciale à cette obstétrique particulière.
Je ne suis pas sûr d’être intéressé par le rôle du Ministère de la culture dans la diminution des utilisations de l’énergie dans les immeubles de la rue des Bons Enfants ou dans la partie du Palais Royal où résident les successeurs d’André Malraux. Il n’y a rien de spécifiquement culturel dans ce type de démarche qui n’est pas inutile mais qui n’a rien de particulier à ce ministère. Un fonctionnaire de l’hôtel de Roquelaure où Ségolène Royal à son bureau, ou un collaborateur du Premier ministre à Matignon dépense autant d’énergie et est potentiellement capable d’en dépenser moins que ceux du ministère de la Culture. Il y a mieux à dire et à faire.
Alain de la Bretesche
Président de Patrimoine-Environnement
Administrateur de la CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’’Europa Nostra