L’association du mois : Musons et Créons

Montécheroux, village aux racines millénaires situé dans le département du Doubs en région Bourgogne-Franche-Comté, berceau de la pince maillée, théâtre d’une double activité artisanale et rurale, ne pouvait laisser insensibles les historiens, les ethnologues, les chercheurs de tous horizons. Aussi, n’est-ce pas par hasard si en janvier 1983, une poignée d’amoureux de l’histoire locale décide de constituer une association qui s’attacherait à la sauvegarde du patrimoine spécifique de ce village. L’assemblée constitutive se tint le 22 janvier 1983 et l’association type 1901 prit le nom de « Musons et Créons ».

Musons et Créons, deux impératifs accolés, dénominatifs tout à fait significatifs des motivations et des aspirations essentielles de ses membres : le premier, au-delà d’une séduisante flânerie apparemment superflue, indique dans sa consonance, au risque de froisser les étymologistes, la volonté de rassembler dans un musée, les témoignages du très utile patrimoine industriel écheroumontain. Le second exprime sans ambiguïté, avant tout et d’abord, la profonde détermination à œuvrer pour laisser de ce passé une image parlante et durable.

En effet, il leur est apparu primordial de rendre témoignage d’une activité spécifique à Montécheroux, dans l’espoir que la restitution et l’explication au public d’un patrimoine bicentenaire, éveilleraient et accroîtraient son intérêt du passé industriel et le sensibiliseraient à la valeur de son passé, de son présent et de son avenir. Dès 1987, pinces, brucelles, bigornes, tours, étaux, réunis dans une première salle ouverte au public, témoignent du passé, jalonnent l’avenir, serviront de référence et d’exemples aux générations futures. Dès ce moment, en pénétrant dans ce musée, on communie avec plus de deux siècles de civilisation écheroumontaine, avec ses joies, ses peines, sa précarité, son génie créatif, sa richesse morale, la subtilité des liens entre les travailleurs du fer et de la terre.

Aujourd’hui en 2021, les lieux doivent leur aspect actuel aux fonds européens accordés en 2000 ainsi qu’au dynamisme et à la ténacité des membres de Musons et Créons, renouvelés en grande partie, qui veillent chaque année à l’amélioration de la muséographie qui compte sept salles désormais. Bénéficiant d’argent public, l’association assure cent jours d’ouverture par an et honore des visites sur RDV le reste de l’année, mettant un point d’honneur à guider le visiteur dans sa découverte du surprenant triptyque formé par l’Histoire, la religion et la technologie qui façonna la destinée originale du village. Une démonstration à l’ancienne, à la fournaise, dévoile le fameux entrepassage des deux membres qui fournit aux pinces écheroumontaines leur exceptionnelle longévité et fit de Montécheroux la capitale de la pince maillée !

Ainsi, le guide Michelin dote-t-il le musée de la pince d’une étoile depuis cinq années consécutives. Cette structure est un authentique document qui perpétue le savoir-faire de ceux qui ont investi leur intelligence, leur ingéniosité, leurs forces dans la fabrication d’outils aussi parfaits que variés. Il contient de véritables trésors parmi les centaines de modèles de pinces destinés à tous les corps de métiers : les vitrines d’exposition, reflet de la production d’alors, celle qui a porté le renom de Montécheroux à Hanoï en 1887 lors de l’exposition coloniale des comptoirs de l’Annam et du Tonkin et qui a été récompensée à l’exposition universelle de Paris en 1889 ; celles mobiles, qui devaient séduire la clientèle aux foires de Bâle, de Stuttgart ou d’ailleurs.

Si ces merveilles y trônent aujourd’hui, on le doit à la ténacité de l’ancien directeur de F.M.X (Forges de Montécheroux) qui a su faire en sorte qu’elles témoignent publiquement et de façon durable du talent des hommes et des femmes d’ici. Presque la totalité des objets exposés appartenait au patrimoine des usines. Des dons personnels ont peu à peu complété ces richesses : de merveilleuses miniatures réalisées par les doigts de fée des forgerons et des limeurs, ces doigts pourtant bosselés et crevassés par de rudes conditions de travail…une superbe collection réalisée pendant quinze années par un amateur passionné et averti. L’amour de la perfection dans ce temple du travail bien fait !

Ce musée force le respect à l’endroit de ces ouvriers qui dans des conditions matérielles particulièrement pénibles, ont su créer, s’organiser, s’adapter à la demande, utiliser les énergies nouvelles et les moyens de communication pour faire leur place dans la société des hommes, ont réussi à faire admettre le nom de leur collectivité de Tokyo à New-York, en passant par Buenos-Aires, Montévidéo et l’Afrique du Sud…

Une salle des archives atteste de leur dynamisme récompensé lors des expositions industrielles du 19ème siècle et les sociétés d’encouragement de l’époque.


Une maîtrise de la pince, une anthologie du village, une fête artisanale chaque printemps depuis 28 ans, une exposition temporaire sur une facette du village depuis 11 ans sont nés en coopération avec les anciens de la pince ou les descendants, l’instituteur et les écoliers, de l’enthousiasme des membres de Musons et Créons autour de ce musée qui demeure depuis octobre 2017, le seul témoignage des 220 années d’épopée artisanale et industrielle de Montécheroux.

Myriam BOURHIS
Association Musons et Créons, gestionnaire et animatrice du MUSÉE DE LA PINCE