La révolution HistoPad
Au château de Chambord où l’HistoPad va fêter son premier anniversaire, 10 % des visiteurs l’utilisent et les taux de satisfaction sont très encourageants. L’expérience qui permet en géolocalisation, la plongée dans dix-neuf pièces du château à différentes époques, sera étendue et améliorée à la demande de la direction à compter du 19 mai. De fait, il devrait progressivement remplacer les audioguides.
Créée en 2013, HistoPad est une start-up portée par deux passionnés d’histoire et de nouvelles technologies, Bruno de Sa Moreira et Edouard Lussan. Le premier a participé aux prémices de l’édition en ligne avec l’aventure de 00h00.com ; le second a fait sa carrière dans l’univers des jeux vidéo.
Aujourd’hui, leur métier consiste à produire et exploiter de la visite augmentée dans des lieux culturels. Les deux fondateurs créent des parcours pour les visiteurs et, grâce à l’utilisation d’une tablette également appelée HistoPad, ils proposent une immersion dans des espaces entièrement reconstitués en 3D et visitables à 360 degrés. Leur technologie permet de voir l’invisible, de recréer le passé disparu, mais aussi de découvrir ce qui se trouve, par exemple, derrière une porte condamnée. Ils proposent aussi d’interagir avec ce qui est visible, en donnant des explications sur des objets réels exposés ou en organisant des jeux comme des chasses au trésor.
Déjà présents sur quatre sites : les châteaux de Chambord (Loir-et-Cher) et de Falaise (Calvados), le musée chinois du château de Fontainebleau et le musée Grévin, ils viennent de signer avec le Musée de l’imagerie d’Epinal (Vosges) pour une ouverture en juin, ainsi qu’avec la Conciergerie à Paris qui dépend du Centre des monuments nationaux.
Le château de Falaise est le premier à avoir accueilli leur projet de réalité augmentée. La forteresse, qui a vu naître Guillaume le Conquérant, sert uniquement de cadre et ils ont conçu un parcours en 3D sur tablette qui permet de se retrouver au cœur du XIe siècle. De 40 000 en 2013, les visiteurs sont passés à 75 000 en 2015.
En novembre 2015, la signature avec le musée chinois de Fontainebleau leur a permis de démontrer que la visite augmentée pouvait sortir des châteaux pour investir les musées. « Nous sommes plus une entreprise de contenu que de technologie », précise M. de Sa Moreira, conscient de travailler dans une industrie du sur-mesure. Dans les discussions avec leur clientèle, ils ont été confrontés à différents obstacles : la direction générale, soucieuse de mettre en œuvre une stratégie de développement de son site à long terme, la conservation, très à cheval sur la réalité scientifique et historique, les responsables de l’accueil du public, et le concepteur local du site Internet qui a déjà rêvé, souvent sans moyen, à des développements numériques.
Pour les responsables d’établissements culturels, l’HistoPad fournit une mine de renseignements, car il enregistre anonymement les visites ce qui permet d’avoir des retours sur la circulation des visiteurs : où passent-ils le plus de temps ? Sur quoi s’arrêtent-ils ? Et d’en tirer des enseignements. Ainsi à Chambord, le touriste reste en moyenne trois minutes dans la garde-robe du roi, jugée pourtant de faible intérêt par les conservateurs, alors qu’il ne passe que trente secondes dans l’oratoire, une des perles du château.
Le modèle économique d’HistoPad repose sur des concessions avec des établissements publics (Falaise, Chambord, Fontainebleau) ou des entreprises privées (Musée de l’imagerie d’Epinal, Grévin). Il dispose de deux modes de rémunération. Soit « l’HistoPad pour tous », comme à Fontainebleau, où l’usage est inclus dans le prix du billet et la rémunération forfaitaire. Soit le modèle Chambord (voir photo ci-dessous), où l’HistoPad est à 8 euros, en plus du billet. La tablette devient un produit dérivé concurrent direct des audioguides.
Les deux fondateurs de l’entreprise devraient réaliser ce mois-ci une levée de fonds de 1,5 million d’euros pour assurer leur développement. L’entreprise a reçu par le passé le soutien de business angels, parmi lesquels Pierre Kosciusko-Morizet, Denis Payre ou encore Jean-Louis Bouchard, ce qui lui avait permis de lever 2 millions d’euros.
Ayant également obtenu l’aide de la Coface pour des projets en Italie et en Angleterre, ils envisagent également de créer des projets pour l’Egypte. HistoPad s’est pour l’instant fixé comme objectif de gagner de l’argent à partir de 2017. L’équipe – une douzaine de personnes composée d’ingénieurs, de chercheurs et de graphistes – va prochainement emménager dans des locaux du côté de l’Opéra, à Paris.