La restauration de la cathédrale de Chartres, polémique entre authenticité et évolution naturelle d’un bâtiment
La cathédrale de Chartres, emblème de l’architecture gothique du XIIIe siècle, fait l’objet depuis 2008 d’une importante campagne de restauration. Au programme notamment : la reconstitution des enduits. Le haut-chœur a été restauré entre 2009 et 2010. Cette opération a mis au jour des badigeons ocre et blanc, des colonnes et des arcs surlignés en blanc du XIIIe siècle, reprenant un motif de parement en fausses pierres, jusque-là cachés par la pollution, la poussière et la suie. Ce nouvel éclat decet édifice obscurci depuis des siècles, surprend, voire choque jusqu’aux Etats-Unis. Martin Filler, spécialiste américain en architecture, a publié fin 2014 dans la New York Review of Books un article dénonçant la restauration.
« Ce qui est le plus choquant, c’est que les travaux ne prennent pas en compte les directives universellement acceptées, établies par la Charte de Venise, il y a plus de 50 ans, à savoir que toute modification doit être réversible« , indique-t-il à l’AFP.
« Même si les intérieurs de Chartres étaient initialement plus clairs, ils n’ont pas été vus dans cet état depuis des siècles. L’idée que nous puissions recréer l’aspect de la construction d’origine par des moyens artificiels est aussi aberrante que d’imaginer qu’une actrice vieillissante puisse retrouver sa jeunesse avec un lifting« .
Une pétition en ligne a recueilli plusieurs centaines de signatures à l’initiative de Stefan Evans, passionné d’art gothique, qui dit vouloir dénoncer « une restauration irresponsable« .
Les services de l’État, via la Drac, affirment n’avoir jamais été contactés par ces critiques et n’avoir eu vent de leur mécontentement que par la presse.
« Nous ne souhaitons pas entrer dans la polémique« , répond la DRAC, qui assure à l’AFP que les chantiers « ont été pensés et réfléchis par de nombreux acteurs et scientifiques« . « Nous n’avons pas agi sur un coup de tête« , ajoute l’organisme, qui invite « ceux qui se montrent hostiles aux travaux réalisés à venir sur place pour qu’ils voient ce qui est réalisé et la façon dont nous le faisons. »
« Sept travées et quatorze baies de vitraux sont en cours de restauration, dont la première tranche est tout juste terminée« , explique à l’AFP Daniel Alazard, ingénieur à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Le chantier de la nef doit s’achever fin 2016, puis le transept sera lui aussi restauré, après une pause de près de deux ans.
L’édifice est très intéressant pour tous les médiévistes car très peu modifié au cours des siècles, les travaux étaient donc l’occasion de rendre sa dimension originelle à la cathédrale.
« Dans la nef, il y avait une inconnue sur les décors qui pouvaient être conservés. Malheureusement, dans la première partie des travaux, sur trois travées, on a deux clés de voûte où il n’y a que très peu de décors. Tout juste quelques résiduels de polychromie. Sur une des clés, des décors à la feuille d’or sur des branches d’ogive ont été relevés par des archéologues du bâti« , explique l’ingénieur de la Drac. Plus surprenant, les restaurateurs ont découvert sur les piles de la nef, à trois mètres du sol, des décors révolutionnaires avec les mots « Constitution » et « République » !