« Je vous écris d’Italie… » Edito d’Alain de la Bretesche
« Je vous écris d’Italie » disait le Jacques Sauvage de Michel Déon… Rien de tel en ce début d’automne que de gagner Gènes d’un coup d’ailes, pas encore en grève, d’un appareil d’Air France – de prendre un banal bateau de tourisme à La Spezia et de se laisser imprégner par l’incroyable vision d’un autre monde vu de la Mer : cinq petits villages colorés d’ocre, de rouge et de jaune, perdus dans les anfractuosités de la falaise qui tombe à pic dans les hauts fonds, comme enchâssés dans le vert des vignes plantées par les hommes, sur les sols façonnés par eux depuis des siècles, en espaliers, que l’on ne peut atteindre que par des chemins de muletiers. Le vin du parc naturel des Cinque Terre s’appelle : « SCIACCHETRÄ » un nom inexportable !
S’agit-il pour les quelques vingt-cinq membres de Patrimoine Environnement qui ont participé à la première expérience d’un voyage d’automne, de céder à une quelconque « tentation de Venise » ? Pour ne plus voir et entendre pendant quelques jours, ne plus penser à la déliquescence du pouvoir – qui attire les uns inexorablement dans le gouffre de l’Histoire où on les oubliera –, oublier la fascination pour ce même pouvoir qui continue à obséder les autres, ceux qui veulent rejouer on ne sait quelle tragédie – et surtout pour se libérer de « l’actualité en boucle » qui tourne sur les chaines continues et saturent tellement l’esprit que l’on ne peut plus penser. Il y a sûrement de cela…
Est-ce à dire que le Paysage est plus beau, plus « universel », comme il est maintenant d’usage de le dire à l’UNESCO, chez nos voisins de la botte que chez nous ? Il suffit pour se convaincre du contraire de regarder notre Dordogne et ses méandres avec Kléber Rossillon qui a invité les équipes des « Racines et des Ailes » à la redécouvrir depuis les hauts remparts de Castelnaud, à travers les incroyables topiaires de Marqueyssac, ou au fil de l’eau redevenue claire : découvrir Beynac par en bas, en levant les yeux vers une forme d’infini.
C’est pourquoi, revenu dans l’hexagone on retrouve vite le quotidien des associations du Patrimoine, les petites et les grandes. Le rituel des Journées européennes a repris. C’est le temps du travail, d’ouvrir au public, d’accueillir ou de visiter, de découvrir, d’encourager. Les politiques vont se féliciter de part et d’autres de posséder une telle richesse patrimoniale nationale, faire allégeance à la beauté des paysages comme il est d’usage d’y sacrifier une fois par an (le syndrome de la commémoration). Et demain, lorsque la session budgétaire s’ouvrira, ils auront déjà oublié, jusqu’à la prochaine commémoration que, vu de près, les murs s’écroulent, la peinture est défraichie, le clocher se fissure… Dans la morosité de la crise, les propriétaires privés qui s’inquiètent de la pérennité familiale de l’œuvre de leurs ancêtres et de toute leur vie personnelle, sont à peine audibles. De quoi se plaignent-ils, ne vivent-ils pas au château…
Mais dès que l’on reprend un peu de hauteur, dès que l’on a le courage de monter sur les remparts de Castelnaud, le vertige de l’action vous reprend… Décidément nous allons continuer.
Si vous aussi vous avez les mêmes découragements et les mêmes tentations, suivis des mêmes enthousiasmes, si vous pensez qu’une pente peut toujours être remontée… N’hésitez pas à nous le dire : figurez-vous que cela fait du bien !
Alain de la Bretesche
Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’Europa Nostra