Interview de Philippe Toussaint, président des Vieilles Maisons Françaises, sur la protection du Jardin des serres d’Auteuil par Alain de La Bretesche
L’association Vieilles Maisons Françaises a été tête de pont avec le soutien du G8 patrimoine dans le combat contre les projet conjoints de la Fédération Française de Tennis et de la Ville de Paris visant à porter atteinte à l’environnement des Serres d’Auteuil. Philippe Toussaint, président des VMF, a accepté de répondre à nos questions.
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Alain de la Bretesche : Le Tribunal Administratif de Paris a annulé une délibération de la Ville de Paris approuvant une convention entre celle-ci et la Fédération Française de Tennis : de quoi s’agissait-il et comment cette convention s’articulait-elle avec les autorisations d’urbanisme nécessaires aux travaux visés par cette convention ?
Philippe Toussaint : La Ville de Paris a signé une convention avec la FFT accordant un bail emphytéotique de 99 ans sur une emprise de terrain comprenant une large partie du jardin des Serres d’Auteuil. Cette convention est importante car elle sert de socle au projet d’implantation d’un stade de 5 000 places au cœur de ce jardin. Elle a été annulée par le tribunal administratif de Paris, le 28 février 2013, pour deux motifs :
– d’une part l’insuffisante information des conseillers de Paris sur le niveau de protection de l’intégralité du jardin (et pas seulement les Serres de Formigé) au double titre des monuments historiques et des sites, protections scandaleusement bafouées selon nous ;
– d’autre part les conditions financières anormalement favorables consenties par la Ville à la FFT.
Une nouvelle convention, peu différente de la première, a été votée le 23 avril 2013 par le Conseil de Paris. Les associations locales et nationales ont décidé de saisir à nouveau le tribunal en vue d’en demander l’annulation. Ce recours est distinct de ceux portant sur les modifications du PLU (plan local d’urbanisme).
A.L.B. : Les associations du Patrimoine, pour la première fois en France à notre connaissance, ont proposé un projet alternatif chiffré aux pouvoirs publics.
Dans quel cadre juridique ? Pouvez-vous en faire une rapide synthèse ?
P.Toussaint : Lors des réunions de la Commission du Débat Public consacrées, en novembre 2011, au projet de Roland Garros, la FFT et la Ville ont refusé toute discussion au fond sur l’aménagement de la zone du tournoi. Nous avons acquis la conviction qu’une alternative était possible et qu’il nous fallait en apporter la preuve pour que s’ouvre un vrai débat. Les VMF et la SPPEF ont donc mandaté un ingénieur avec l’aide de la ville de Boulogne, afin d’étayer solidement un contre projet qui préserve intégralement le jardin des Serres d’Auteuil.
Celui-ci part du constat que la destruction du court n°1 de 3 800 places en vue de reconstruire un stade de 5 000 places est une option très coûteuse qui peut être remplacée par l’agrandissement de ce court qui est en excellent état et très prisé des joueurs et du public. L’économie réalisée est d’environ 45 millions d’euros (nous ne connaissons pas le coût du projet de l’architecte Mimram).
La seconde idée est de « désencombrer » le cœur du tournoi en créant une zone verte entre les deux grands stades (Philippe Chatrier et Suzanne Lenglen). En contrepartie, nous proposons de déplacer les courts d’entraînement qui occupent actuellement cet espace sur une dalle de 6 400 m² à créer sur la bretelle d’accès de l’autoroute A 13. Une modification des circulations de véhicules doit de surcroît permettre une privatisation partielle de l’avenue de la porte d’Auteuil qui se situe entre l’A13 et la zone actuelle du tournoi. Roland Garros disposerait ainsi d’une emprise permanente plus vaste et plus cohérente que dans le projet officiel. Le coût de cet aménagement a été chiffré à 53 millions d’euros.
Globalement le contre projet n’entraîne donc pas de surcoût significatif, contrairement à certaines affirmations. Il respecte le cahier des charges de la FFT et préserve le jardin des Serres. Il a donc suscité un vif intérêt dès sa publication et un vœu du Conseil de Paris voté à l’unanimité a enjoint la FFT de mandater des experts pour l’évaluer. Ces expertises ont confirmé globalement nos hypothèses.
A.L.B. : La Ville de Paris a rendu publics ses débats a propos d’une réponse à ce projet alternatif. Était-ce une opération de communication ou une réponse sérieuse au projet que vous soutenez ?
P.Toussaint : La Ville et la FFT n’ont pour l’instant rien modifié à leur projet comme en témoigne le vote d’une seconde convention qui se contente de réduire à 50 ans la durée du bail.
A.L.B. : Que va-t-il se passez maintenant ?
P.Toussaint : Nous devons donc maintenir notre pression en combinant le dialogue avec les élus et les sportifs, dont certains commencent à « douter », et des actions contentieuses qui se poursuivront avec l’attaque des permis de construire, lorsque ceux-ci seront déposés.
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