Fleur Pellerin nommée à la Culture
Sauf erreur, Fleur Pellerin est le vingt-cinquième ministre de la culture depuis qu’André Malraux a été nommé en 1959. Et mis à part l’auteur du livre « Les chênes qu’on abat… » (qui est resté dix ans rue de Valois) et Jacques Lang (qui a dû tenir un peu plus de dix ans, en plusieurs fois), les épisodes ministériels (en tous cas depuis Jacques Toubon sous Balladur) ont été brefs : entre deux et trois ans – plutôt deux que trois d’ailleurs ! C’est l’un des problèmes du ministère de la Culture : la longévité nécessaire aux grands projets n’est pas au rendez-vous… Enfin, lorsque le souverain qui règne à l’Elysée n’en a pas (de longévité), il ne se passe rien, et bien sûr la réduction quinquennale n’a rien arrangé.
Dans la missive adressée par Aurélie Filippeti à François Hollande, où elle lui fait part de son souhait de retourner en Lorraine sans entrer dans le nouveau gouvernement ; l’ancienne ministre confirme (également) que l’une de ses croix fut, depuis deux ans, la diminution de son budget.
C’est le deuxième élément de réflexion que je souhaitais introduire. La culture n’est plus une priorité dans aucune de ses composantes : ni le Patrimoine, ni le Spectacle Vivant, ni la Musique… Et pourtant – un certain Nicolas Sarkozy n’avait-il pas souligné qu’en période de crise, la dépense à sanctuariser était la Culture ? Thèse généralement considérée comme de gauche… Pourquoi ce consensus ne produit-il rien de bon ?!
La nouvelle ministre, lors de son passage à Bercy a « gouté du Tourisme ». On sait qu’à sa demande, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, a obtenu la création d’un secrétariat d’Etat au Tourisme qui devrait fonctionner avec le réseau des ambassades… Ce partage des compétences entre le ministère de la culture et un autre secrétariat d’Etat sera-t-il l’occasion pour Fleur Pellerin de se rendre compte de l’interférence de l’état de notre patrimoine (mais également des festivals d’été) et du Tourisme ? Troisième problématique qui interroge en terme de gouvernance : quand auront-nous un véritable ministère du Tourisme, qui s’occupe d’autre chose que des 5% des monuments emblématiques, quand la majeure partie du territoire fait certes l’objet des magnifiques images de l’émission « Des racines et des ailes » mais n’a plus droit à un vrai financement d’Etat…
Aurélie Fillipeti avait initié deux projets de loi : l’un sur la création artistique, l’autre sur le Patrimoine. Juste avant son départ, elle avait fait savoir qu’elle n’avait obtenu qu’un seul créneau au Parlement en 2015 et qu’il n’y aurait donc qu’un projet en deux parties. Qu’en fera Fleur Pellerin ? Espérons que les réponses – sur la pratique en amateur, le soutien aux associations culturelles gérées par des bénévoles, la sauvegarde du Patrimoine et en particulier la politique concernant les biens inscrits sur la liste de l’Unesco, mais aussi sur l’archéologie, les musées, etc. – soient rapides !
Les associations qui s’occupent de culture sont convoquées toutes les trois semaines devant un parlementaire en mission, une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, un nouveau secrétaire d’Etat – qui souhaitent tous les interroger sur « la simplification », cette merveilleuse idée qui a le mérite d’être gratuite, au moins en apparence… Pendant ce temps, il ne se passe rien de sérieux !
Nous pensons de plus en plus avoir à faire l’essentiel du travail par nous-même. Mais si madame Pellerin veut des idées et est capable d’écoute, bien sûr nous sommes là. Rencontrer un nouveau ministre tous les deux ans, c’est structurellement fastidieux, cela peut être agréable si elle est cultivée, mais en tous cas c’est notre Job. Continuons donc à cultiver notre jardin.
Alain de la Bretesche
Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’Europa Nostra
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Fleur Pellerin, ancienne ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Economie numérique (mai 2012 à mars 2013), ancienne secrétaire d’état chargée du commerce extérieur de la promotion du tourisme et des français à l’étranger (avril à mai 2014) a été nommée le 26 août 2014 ministre de la culture et de la communication et succède à Aurélie Fillipetti.
La passation des pouvoirs a eu lieu le mardi 26 août à 20h30, rue de Valois, au ministère de la culture et de la communication. « J’aurai à cœur d’incarner cette ambition sans cesse renouvelé pour la culture et de moderniser l’exception culturelle française » a déclaré la ministre à l’occasion de sa nomination.
Née en Corée du Sud le 29 août 1973 (à Séoul), son parcours est celui d’un(e) haut(e) fonctionnaire – elle obtient son bac à 16 ans, étudie l’économie à l’ESSEC avant d’intégrer Science Po Paris puis l’ENA dont elle sort diplômée à 26 ans.