Feu les ZDE
La publication d’une note signée au Ministère de l’Écologie par le directeur général de l’énergie et du climat et la directrice générale de la prévention des risques confirme en tous points ce que nous avions été amenés à exprimer lors de notre congrès de Tours à la suite de l’adoption de la loi Brottes et de l’arrêt du Conseil constitutionnel du 11 avril 2013 qui a annulé une partie du texte voté par le Parlement.
Toute opinion sur les énergies nouvelles mises à part, il faut reconnaître que cette note et le commentaire qu’elle fait de la loi ont le mérite de mettre de l’ordre dans le droit applicable.
Avant que les lois Grenelle s’en mêlent, il y avait trois sources de droit public intéressant les éoliennes :
Le droit énergétique
Les textes organisant la production et la distribution d’électricités issues de la directive européenne introduite dans le droit français par la loi Énergie, dite loi Sarkozy. Sommairement : en France seule la distribution d’électricité est organisée par l’État depuis la Libération ; la production est libre et les distributeurs agréés par l’État doivent acheter l’énergie produite par les producteurs publics ou privés, quelque soit le mode de production. La directive ayant fixée un objectif à atteindre dans l’Europe entière pour la production d’énergies renouvelables, la loi Sarkozy a prévu un tarif incitatif pour l’achat de toute production électrique renouvelable.
C’est sur ce champ qu’est née la loi sur les ZDE, laquelle, avec les aléas qu’elle a connu, est venue mélanger cette affaire de tarif préférentiel avec une zone propre aux aérogénérateurs puis un nombre de mats. Il en est résulté un contentieux propre à ces zones qui a mélangé l’appréciation du droit d’implanter ces zones, lesquelles avaient nécessairement une incidence paysagère, avec le droit de l’urbanisme : la décision d’implanter une ZDE est devenue un échelon obligatoire de la production électrique par aérogénérateur puisque les mats individuels perdaient le droit au tarif incitatif.
La suppression des ZDE a pour conséquence directe l’application du tarif incitatif à toute production d’électricité par aérogénérateur quelque soit le nombre de mats. La poursuite du contentieux engagé contre les ZDE n’aurait plus aucun intérêt si la loi Brottes avait été bien faite… ce qui n’est pas le cas. On a oublié d’abroger un décret ainsi que les ZDE existantes ! Le ministère précise donc dans sa note que : la poursuite de l’instruction de ZDE n’a plus de bases légales et qu’il faut donc les arrêter ; que les ZDE existantes produisent toujours leur effet tarifaire mais ni plus ni moins que les mats individuels et qu’enfin, les ZDE décidées par un arrêté antérieur à la loi Brottes et objet d’un contentieux verront ce dernier continuer pour la forme. Le préfet reçoit l’ordre de s’en remettre à la sagesse de la juridiction saisie, mais sans aucune conséquence tarifaire quelque soit le résultat du contentieux.
Sur le plan pratique, il est désormais aussi efficace de se battre contre les ZDE que contre les moulins à vent ennemis de Don Quichotte.
Le droit de l’urbanisme
Les éoliennes sont soumises au permis de construire et la loi Brottes n’y a rien changé : le Conseil Constitutionnel ayant jugé à son propos que : « L’implantation des éoliennes reste en particulier assujettie aux autres règles d’urbanisme et à la protection des installations classées pour la protection de l’environnement. »
C’est sur ce terrain que la lutte continue : la règle est celle du code de l’urbanisme (article R111-21) applicable à tous les permis de construire « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales »
Notons que dans un arrêt récent, le Conseil d’État a expliqué le mode de raisonnement à employer pour rechercher si le projet de construction est de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, des sites ou des paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales :
- il appartient au préfet« d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site »
- mais il est exclu, dit le Conseil d’État, qu’ « Il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l’article R. 111-21 cité ci-dessus ».
Dans la pratique, le préfet devra, chaque fois que sera en cause un paysage naturel ou urbain, un site ou une perspective monumentale, apprécier si cet élément mérite protection et si le projet est susceptible de lui porter préjudice, il devra en rester là.
La législation des Installations Classées
Restait la troisième source de droit inventée par la loi Grenelle qui a décidé que les éoliennes seraient désormais soumises à une autorisation préfectorale d’exploiter. La loi Brottes et le Conseil Constitutionnel n’y ont rien changé. Cependant, les praticiens ont observé que l’article L553-19du code de l’environnement précise notamment que : « L’autorisation d’exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien mentionné au 3° du I de l’article L. 222-1, si ce schéma existe »
Le mérite de la note du ministère est d’éclaircir l’incidence de cet article sur le droit des autorisations d’exploiter les éoliennes :
Dans un premier temps la crainte règne : les zones déclarées favorables dans les schémas régionaux éoliens sont-elles présumées devoir faire l’objet d’une autorisation d’exploiter ? Sans que la chose soit aussi nette, la note parait peu éloignée de ce raisonnement : « Les autorisations d’exploiter pour les parcs éoliens qui seront délivrées dans le cadre des procédures ICPE devront tenir compte des zones favorables définies par les schémas régionaux de l’éolien lorsqu’ils existent. Ainsi, les schémas régionaux de l’éolien, réalisés dans le cadre d’une consultation large et notamment celle des communes, deviennent des documents de référence dans l’instruction des demandes d’autorisations ICPE. Les porteurs de projets éoliens pourront utilement s’y référer pendant l’élaboration de leur dossier de demande d’autorisation à exploiter. »
Mais le deuxième temps est à la fois plus rassurant et fait l’objet d’une nouvelle source de contentieux : « L’implantation d’un projet éolien dans une zone favorable au développement de l’éolien identifiée dans le SRE ne conduit bien évidemment pas à l’octroi automatique d’une autorisation d’exploiter. De la même façon, si le projet éolien est prévu dans une zone non identifiée comme favorable dans le SRE, cela ne conduit pas non plus à un rejet systématique du projet. Toutefois, dans ce cas de figure, le choix de la zone d’implantation devra être très argumenté. Le porteur de projet devra en particulier motiver de manière détaillée ce choix en fonction du contenu du SRE et des raisons qui ont conduit à ne pas retenir la zone comme favorable dans le schéma.
Le préfet s’appuiera donc sur le contenu du SRE pour justifier ses décisions d’autorisation ou de refus mais il pourra également s’en écarter s’il estime qu’un projet d’implantation, bien que ne correspondant pas au zonage du schéma, présente néanmoins un réel intérêt qui justifie qu’il soit autorisé ».
Autrement dit, le raisonnement sage du Conseil d’État quant à l’appréciation du permis de construire n’est pas applicable à l’autorisation d’exploiter : le préfet en ce domaine pourra s’appuyer sur le schéma régional mais il pourra s’en écarter dans un sens ou dans l’autre.
La conclusion provisoire que nous pouvons tirer ensemble pour la sauvegarde des paysages, seule chose qui nous importe, est la suivante : ne perdons plus notre temps avec les ZDE, mettons nos forces vives dans le combat qui nous est naturel : la défense des paysages, des sites et des ensembles monumentaux ; ne nous enferrons pas dans le combat qui sera second des autorisations d’exploiter (le mat qui n’aura pas de permis de construire ne pourra pas être autorisé).
Mais poursuivons la lutte qui reste utile contre les schémas éoliens pour en démontrer l’absurdité dans la plupart des cas.
C’est en ce sens que les associations locales pourront compter sur nos entités nationales.
Alain de la Bretesche
Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’Europa Nostra
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