Face aux Pouvoirs Publics, le « public » a son mot à dire
Edito du 21 mars 2013
Autant vous en faire la confidence, l’application au droit de l’urbanisme et au droit de l’environnement des principes de la convention d’Aarhus (retranscrits dans le préambule de la Constitution sous la forme de la Charte de l’environnement*) est en train de devenir pour nous une véritable obsession.
L’article 7 de la Charte de l’environnement dans le droit français, une aventure démocratique nouvelle
On le sait, l’article 7 de cette Charte prévoit que les « publics », c’est-à-dire les personnes concernées et les associations, doivent être non seulement informés de toutes décisions qui modifient leur environnement, mais également être invités à « participer à l’élaboration de la décision».
L’abondante jurisprudence du Conseil Constitutionnel permet d’affirmer que ce principe de participation du public vaut pour les dispositions législatives, réglementaires, administratives ou individuelles modifiant l’environnement.
Ajoutons que l’application de cet article concerne autant les décisions prises par l’Etat que par les collectivités décentralisées.
Précisons enfin que la jurisprudence du Conseil d’Etat considère qu’une simple enquête publique n’est pas une modalité permettant la participation du public à l’élaboration de la décision ; qu’il en est de même de la consultation des élus à tous les niveaux, communaux, EPCI….
Autant dire que nous participons depuis les arrêts du Conseil Constitutionnel à une aventure démocratique nouvelle qu’il faut mesurer sans barguigner à l’aulne de deux vieux principes issus de la Révolution française :
- le premier auquel nous étions habitués était que « la loi, expression de la volonté générale » ne s’exprimait que par les élus ou le référendum. Qu’ainsi le « public » devait se soumettre à la loi d’une majorité parlementaire ou municipale sans rien dire. Désormais, en matière d’environnement, le pouvoir est partagé entre les élus qui décident et le « public » qui participe à l’élaboration de la décision.
- le second que nous connaissons par cœur proclamait que « nul n’est censé ignorer la loi ». Cela reste vrai avec un bémol. Il faudra passer par un préalable obligatoire : la mise à disposition de ce « public » et de manière numérique des éléments de préparation de la décision avant qu’elle soit prise.
Un droit difficilement applicable
Très franchement nous n’avons pas l’impression qu’au plus haut niveau de l’Etat ou dans les collectivités décentralisées, on ait pris la juste mesure de cette réforme considérable. C’est une incertitude de ce type qu’inspire la lecture du dernier décret du 14 février dernier concernant l’élaboration des SCOT et des PLU.
On comprend bien que l’éternel souci de simplification conduise à des procédures en mini-jupe pour les simples modifications des règles des PLU ou des SCOT. Mais chaque fois que l’on fait une exception en matière d’urbanisme, au lieu de simplifier, l’on crée un contentieux pour savoir si l’exception est justifiée.
Par ailleurs, ce qui revient à travers les interrogations que vous nous faites, c’est que le climat de la concertation sur le plan local est loin d’être toujours bon. Les élus trouvent que leur élection est suffisante pour légitimer leurs décisions et ils ont du mal à assimiler le principe de participation du public. Ce mauvais climat va conduire à une explosion du contentieux comme on le constate pour l’implantation des éoliennes.
On ne change pas la Constitution tous les jours, surtout lorsque celle-ci est proche de standards devenus internationaux. Le contentieux n’est pas la seule solution comme l’a montré l’affaire des « serres d’Auteuil ». Les décideurs eussent gagné à écouter les propositions alternatives des associations.
Dans ce grand débat, nous souhaitons, avec d’autres, être vos porte-parole et mettre un peu d’ordre dans ce qui pourrait être remonté vers les Pouvoirs Publics.
D’ici peu nous vous proposerons donc une méthode pour faire connaître vos expériences et vos suggestions quant à cette fameuse participation du public !
Restons donc en contact grâce à cette lettre
Et à très vite,
Alain de La Bretesche
Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’Europa Nostra
*1998 : Convention d’Aarhus
2005 : Promulgation de la Charte de l’environnement
2008 : Introduction de l’article 7 de la Charte de l’environnement dans le Préambule de la Constitution