Éoliennes et simplification de la vie des entreprises : Un dangereux projet de loi : « bottom up » ou « cul par-dessus tête » ?

dessin loi-simplification-du-droit-2012Nos lecteurs savent depuis un certain temps le mal que nous pensons des lois dites de simplifications, qu’elles viennent de l’aile droite ou de l’aile gauche de l’hémicycle.

Lorsque la simplification est proposée par ordonnance, notre tension a tendance à faire un bond supplémentaire sur cette « échelle de Richter » qui annonce les coulées de lave assassines.

Le rapporteur du dernier avatar législatif en la matière, Monsieur Jean-Michel Clément, député de socialiste de la Vienne, a commencé son discours le 1er octobre dernier en rappelant tout le mal qu’il pensait de cette méthode et tous les inconvénients qui en résultaient : privation d’un vrai débat parlementaire, risque de requalification par le Conseil Constitutionnel en cavaliers législatifs etc… Puis, toute honte bue, il a fait allégeance, tel un ordinaire godillot, a tout le texte du gouvernement rejetant tous les amendements y compris ceux qui, pour des raisons de clarification, lui paraissaient justifiés.

Le président de la Commission des lois généralement en charge de ce type de projet, Jean-Jacques Urvoas, a brillé par son absence au court des débats publics et le ministre Benoit Hamon, envoyé remplacer son chef de file Monsieur Moscovici, ignorant de la plupart des sujets traités, a lu son papier avec conviction. Les cinq ou six députés de l’opposition, parmi lesquels Monsieur Chevrollier, député de la Mayenne, ont croisés le fer avec à peu près autant de seconds couteaux de la majorité dont Monsieur Nolac, unique député Vert présent.

Nous ne parlerons que de deux articles du projet de loi : les articles 13 et 14 dont le Ministre a souligné qu’ils étaient selon, a-t-il dit, la méthode moderne du « bottom up » réclamée par la base des entreprises.

Qu’il nous soit permis, puisque l’anglais est de rigueur de penser plutôt que la méthode employée est celle du « upside down », c’est-à-dire du « cul par-dessus tête ». Le projet d’ordonnance aura en effet pour conséquences de bousculer trois codes différents susceptibles de s’appliquer à la création d’éoliennes.

L’article 13 demande au Gouvernement de créer par ordonnance un « certificat de projet » dont l’idée de base n’est pas forcement mauvaise : il s’agit de permettre au préfet du département de délivrer au pétitionnaire d’un projet un document résumant toutes les autorisations dont il aura besoin et les délais dans lesquels il est susceptible de les obtenir.

Les choses se gâtent lorsque l’on s’aperçoit que ce certificat peut, dans les régions déterminées pour l’expérimentation du processus, être l’équivalent d’un certificat d’urbanisme créant pour une période déterminée des droits acquis pour le pétitionnaire, comme c’est le cas pour tout certificat de ce type mais sans que la procédure de notification et d’opposabilité au tiers soit claire. À tel point que le rapporteur compte sur le Sénat pour dire ce qu’il en est : ni lui, ni le Ministre n’ayant été capable de le dire.

En approfondissant la lecture, on apprend que cette procédure sera essentiellement faite pour les éoliennes et pour les centrales de méthanisation.

Quant à l’article 14, c’est un modèle du genre puisqu’il permettra au préfet de délivrer en un seul acte : le permis de construire, l’autorisation de défricher et l’autorisation d’exploiter un établissement classé. Combien de chefs d’entreprises, de marins, de capitaines et d’agriculteurs auront rêvé d’un tel miracle pour les industries polluantes, les élevages de porcs bretons, les enfouissements de déchets ?

Mais, selon Monsieur Hamon, il n’y a pas lieu de s’inquiéter puisque le préfet devra respecter le code de l’environnement, le code de l’urbanisme, le code du patrimoine et le code forestier…

Il faudra bien sûr consulter, enquêter vérifier et convoquer les commissions nécessaires dans des délais dont l’on ignore tout, mais l’ordonnance y pourvoira.

Il y a quelques temps dans un débat médiatique, interrogée sur l’évolution des énergies renouvelables, l’horizon prévu par la directive européenne et plus particulièrement sur la place des éoliennes dans le dispositif, Corinne Lepage, dont la grande compétence n’est pas en cause, disait que le problème des éoliennes était que : «  les français n’en voulaient pas. »

Une idée pour la prochaine loi de simplification : supprimons les français !

Alain de la Bretesche
Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’Europa Nostra

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