Enfin naît le parc naturel régional Baie de Somme ! – Fédération Patrimoine-Environnement

Baie de Somme, un phoque et un photographe © Jean-Marc Hoeblich

Dès les années 1970, l’idée d’un parc naturel régional (PNR) en Picardie et plus particulièrement en baie de Somme circulait au point qu’en 1977 une charte était rédigée avec même la proposition d’un logo représentant une mouette ! Par la suite les élus remettaient régulièrement le projet à l’étude pour le glisser ensuite dans les cartons. Comme avec l’Arlésienne, on ne voyait rien venir… jusqu’au décret du 13 février 2020.
Pourquoi fallut-il près de quarante-cinq années pour aboutir à la création de ce Parc Baie de Somme – Picardie maritime ?
Les réponses sont multiples mais cet exemple montre combien la création d’un PNR est de plus en plus complexe au fil du temps et que le poids politique, à différentes échelles, est fondamental pour atteindre sa réalisation.

La présence d’un patrimoine naturel et humain

Le patrimoine naturel de la baie de Somme et du littoral picard est incontestablement reconnu et justifie la création d’un PNR. Ces espaces dispensent des images de côte préservée, naturelle, hébergeant des colonies de phoques, de nombreux oiseaux ou des chevaux henson propices aux randonnées en bord de mer, richesse « avifaunistique », en particulier, qui l’a fait élire en 1994 en réserve naturelle nationale.
Si tout ce littoral se trouve en site inscrit depuis 1975, deux sites classés majeurs existent autour de la Baie pour leur beauté paysagère et leur intérêt naturel en 1998 et 2006. Le site RAMSAR plus ancien, s’est étendu et développé sur les zones humides récemment en direction de la vallée de la Somme.

De nombreux monuments historiques s’ajoutent aux richesses naturelles et se concentrent dans les villes d’Abbeville, Saint-Valery-sur-Somme, Rue ainsi que dans bien des villages à l’instar de la magnifique abbaye de Saint-Riquier.
On redécouvre des châteaux et villages charmants qui s’égrènent le long des eaux tranquilles de la vallée de la Somme.
L’arrière-pays a conservé une identité contrastée avec, au nord, le Ponthieu rural parsemé de modestes villages entourés de « tour de ville » ou courtil (chemin faisant le tour du village agrémenté de jardins et de vergers).

Au sud, le Vimeu Vert vallonné déjà bocager et le Vimeu Industriel où, au milieu des champs, se repère toute une industrie traditionnelle de serrurerie et robinetterie. Ce sont des activités de pointe relancées dans les années 1990 à l’extérieur des bourgs qui possèdent un ancien patrimoine industriel architecturalement intéressant.

Quai Blavet à Saint-Valery-sur-Somme © Jean-Marc Hoeblich

Des spécificités qui ont cependant présenté un handicap à la création du PNR

Le périmètre initial prévu ne semblait pas pertinent car trop vaste – plus de 1 300 km²– avec 134 communes et en son centre, une ville de près de 23 000 habitants, Abbeville qui deviendra par la force des choses, la « porte d’entrée du PNR ».

L’identité ne semblait pas pertinente entre le littoral, le Vimeu et le Ponthieu si différents. Toutefois, le schéma de cohérence territorial qui mit du temps à se mettre en place autour d’Abbeville montre à présent que cette commune correspond à une réelle plateforme économique et tertiaire traduisant la solidité de l’ensemble du territoire. Des secteurs d’activités innovantes s’inscrivent dans des dynamiques propices au développement durable : la Charte inscrit des exemples tels que l’énergie éolienne, l’économie et l’agriculture de proximité, les déplacements doux, une forme de tourisme à la campagne pour contrebalancer l’effet littoral toujours aussi attractif.

Une convergence politique se dessine. En effet, durant des années les hommes politiques de partis opposés siégeant soit à la Région Picardie soit au Conseil départemental de la Somme aiguisaient leur rivalité sur le littoral picard. Le propos actuel est que le PNR est indispensable en Picardie maritime.

Il en est résulté une confusion entre deux acteurs principaux de ce territoire : le Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard (ex SMACOPI) structure intercommunale, créé en 1974, fut le plus ancien outil de gestion et d’aménagement de la côte picarde, à présent sa vocation porte plus particulièrement sur l’entretien du trait de côte et des risques sur le littoral ainsi que le suivi du grand site de France Baie de Somme. En 2013 le Syndicat mixte Baie de Somme 3 vallées a eu pour vocation d’assurer la démarche de labellisation du PNR ainsi que la mise en place du Schéma de Cohérence Territoriale, entre autres. Le partage des tâches et des périmètres de compétences ne fut pas simple.

Soulignons que l’aide est venue de deux élus de partis opposés, actuellement sénateurs, qui ont œuvré pour la valorisation du littoral et du fleuve Somme, ce qui a permis de mieux comprendre l’articulation du parc naturel régional.

Hutte d’observation des oiseaux dans le Marquenterre © Jean-Marc Hoeblich

La nécessité d’avoir l’accord des experts nationaux

Outre les dimensions trop vastes du périmètre et des limites floues par rapport aux limites administratives et communautaires, les experts nationaux n’étaient pas plus convaincus par les projets inscrits dans la Charte et qui paraissaient manquer de cohérence globale. Les protections sur le littoral leur semblaient nombreuses et suffisantes pour pouvoir se passer d’un PNR, d’autres points précis nécessitaient une explication. La demande d’inscription au label PNR a eu cependant la rare faveur de passer une seconde fois en commission d’expertise nationale après modification et compléments d’informations.

Cette longue démarche a eu le mérite de prendre conscience qu’il existe bien une identité de la Picardie maritime, dans sa diversité, avec la Baie de Somme comme figure de proue et à l’image des Picards, avec des trésors qui se « muchent » (se cachent) aussi bien dans les paysages ruraux, que dans la tradition et l’innovation et qu’il faut découvrir sans plus attendre. Nous sommes loin de la « réserve d’indiens » comme le clamaient des élus au tout début de cette interminable entreprise.

Jean-Marc Hoeblich,
délégué régional Hauts-de-France pour la Picardie.

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