ÉDITO – La fondation du patrimoine
Une courte histoire
C’est le 2 juillet 1996 que le président Jacques Chirac a promulgué la loi créant la Fondation du Patrimoine. Sous l’impulsion de son président fondateur, Edouard de Royère, assisté de collaborateurs de grande qualité tels qu’Olivier de Rohan-Chabot ou Marcel Jullian, cette nouvelle institution a d’abord peiné à faire sa place dans le paysage patrimonial français, puis, après avoir obtenu quelques années plus tard un régime fiscal adapté, elle a commencé une expansion quasi exponentielle en particulier au bénéfice du sauvetage des églises rurales et de toutes sortes de constructions non protégées par la loi de 1913.
Grâce au soutien du Sénat et plus particulièrement de Monsieur Yann Gaillard, elle a en outre obtenu en 2003 de recevoir de l’État, 50% des successions en déshérence.
Appuyée sur un remarquable réseau de bénévoles cette institution, créée par la loi mais de statut civil est devenue avec le temps un acteur incontournable de la vie patrimoniale rurale.
La forte baisse des fonds issus des successions en déshérence a commencé à mettre en lumière un problème budgétaire majeur qui a donné lieu a de nombreuses discussions. De surcroît, des réformes fiscales, heureuses pour les contribuables bénéficiaires mais dommageables pour l’institution telle que la suppression de l’ISF, l’on affaiblie.
ll n’en restait pas moins que le système dit du « Crowdfunding » et la création de clubs d’entreprises mécènes départementaux dédiés ont placé la Fondation au premier rang des collecteurs de fonds qui se sont créés à cette époque.
C’est dans cette période qu’entre en scène le célèbre Stéphane Bern, qui, avec l’appui de l’Elysée a pu donner un grand élan à une vieille idée élaborée par François de Mazières, maire de Versailles à l’époque où il avait sa place au cabinet du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Cette idée d’instaurer un loto du Patrimoine, pourtant soutenue par les grandes associations, dont la nôtre, n’avait jamais pu voir le jour. Sa première émission fut un grand succès et, de manière pragmatique, Stéphane Bern et la Française des jeux se tournèrent vers la Fondation pour recueillir les fonds des joueurs.
Survint alors le cataclysme de l’incendie de Notre- Dame de Paris, la forte émotion internationale qui s’est manifestée et l’afflux de dons grands et petits venant de quatre coins du monde. Après quelques hésitations, c’est finalement à la Fondation du Patrimoine, à coté de la Fondation Notre-Dame déjà en place, que l’Etat a confié la collecte de l’opération.
Il est désormais clair au yeux de tous, que la Fondation du Patrimoine a une vocation généraliste dans la restauration des immeubles y compris inscrits ou classés au titre des monuments historiques, par le biais de la mission Bern. Mais il était temps d’acter la chose dans le code du Patrimoine et de moderniser un peu l’institution.
Le conseil d’orientation de la Fondation qui ne s’était pas réuni depuis deux ans a été récemment refondu en deux collèges, celui des personnes qualifiées et celui des représentants du monde associatif, nous en sommes membre. La première réunion a eu lieu il y a peu de jours.
La proposition de loi sénatoriale
ll a été question au cours de cette réunion de l’état de la proposition de loi signée de Madame Dominique Vérien, sénatrice de Saint-Sauveur en Puisaye, en cours de navette entre les deux assemblées.
Cette proposition de loi est examinée, comme cela a été rendu possible par la dernière réforme du Parlement, seulement en commission. La séance publique ne donne ainsi lieu a aucun débat, elle est uniquement consacrée aux votes et aux explications. Après une lecture au Sénat et une à l’Assemblée, la chambre haute votera de façon définitive le 2 mars prochain et l’Assemblée dans la foulée.
Il faut retenir, à l’issue des contacts que nous avons pu avoir avec l’équipe de la nouvelle rapporteure Madame Sabine Drexler, qui succédait au très apprécié Jean Pierre Leleux, les points forts suivants :
- Après une navette compliquée, le Sénat s’est aperçu que l’article 1 qui traitait du périmètre de compétence de la Fondation était inutile, car déjà introduit dans le code du Patrimoine par la loi de finances rectificative n°3 du 30 juillet 2020 : il prendra donc acte définitivement que la Fondation pourra s’intéresser à tout immeuble bâti ou non bâti (ce qui inclut les parcs et jardins même non protégés).
Il prendra acte également que le label pourra être délivré sur le territoire de toutes les villes et bourgs de moins de 20 000 habitants alors que la jauge actuelle est de moins de 2 000.
Nous nous sommes inquiétés auprès de la rapporteure de la définition exacte de communes concernées. Il nous a été répondu qu’il ne faisait pas de doute qu’il s’agissait des anciennes communes et non des nouvelles formes d’EPCI ou de communautés.
La Fondation, pour permettre la défiscalisation sur ces travaux, devra abonder une subvention d’au moins 2%.
- En son article 3, la proposition de loi simplifie le Conseil d’administration qui ne comptera plus que 16 membres au lieu de 26 : les parlementaires en sont désormais exclus et un représentant des associations du Patrimoine siège de droit. Des représentants des collectivités décentralisées sont introduits.
Enfin la majorité absolue qui appartenait jusque là aux seules entreprises fondatrices sera désormais composée également des représentants de donateurs.
- Le Sénat en son article R6 a exigé un rapport régulier au Parlement
- Et finalement les deux autres problèmes importants soulevés par Madame Verien dans sa proposition ont été réglés à l’amiable.
D’une part les deux assemblées sont tombées d’accord pour supprimer le droit d’expropriation et de préemption accordé par la loi fondatrice et qui n’avait jamais servi, d’autre part la délicate question des fonds collectés mais non dépensés par suite de l’arrêt de l’opération de mécénat qui s’élèvent aujourd’hui à 10 millions d’Euros ne se réglera pas par voie législative, mais par des conventions particulières de droit privé avec les donateurs que la Fondation s’engage à rechercher.
Un avenir enthousiasmant ?
S’exprimant devant un parterre de personnalités du Patrimoine à Millau le 18 décembre 1997, le Président Chirac avait déclaré :
« La Fondation du Patrimoine sera l’avenir de tous et de chacun.
En faisant revivre une fontaine, un pont, une maison, la vieille manufacture où nos anciens ont travaillé, le lavoir où nos grand-mères ont peiné, elle nous raconte notre histoire.
Mais en faisant connaître les sites méconnus elle apporte la vie. Elle rend espoir et courage à des femmes et des hommes qui parfois se sentent abandonnés, parce qu’elle propose à l’enthousiasme des collectivités, des entreprises et des simples citoyens des projets communs.
Elle conforte le sentiment d’appartenance à une communauté.
Elle affirme l’identité de la France… «
Comme dirait à sa manière elliptique la jeunesse du XXIème siècle : c’est cool, non !?
La loi nouvelle va rajouter quelques braises dans le brasier, libre à nous tous : lecteurs, spectateurs ou acteurs de rallumer le feu.
Alain de la Bretesche,
Président de la Fédération Patrimoine-Environnement