Deux combats d’arrière-garde
Patrimoine-Environnement souhaiterait beaucoup, comme nous l’avons dit et proclamé à de nombreuses reprises, utiliser son temps et celui de nos associations adhérentes à des travaux positifs en faveur du Patrimoine et des Paysages : soutien de la ruralité par l’organisation des Journées du Patrimoine de Pays et des Moulins, requalification des entrées de ville et des franges urbaines, politique d’amélioration des centres anciens, travaux juridiques, mise à disposition de mécénat, travaux avec le monde de l’éducation, soutien des églises rurales, recherches de moyens juridiques et financiers pour les remparts des villes, organisation de la mise en valeur par les chemins de saint Jacques d’un patrimoine qui peut guérir les maux de notre temps, j’en passe et des meilleures…
Au lieu de cela nous devons, parce que nos adhérents comme tous ceux des autres grandes associations nous le demandent, passer une grande partie de notre vie associative à engager chaque jour deux combats d’arrière garde.
Le groupe de travail « éolien »
Le premier vient de resurgir avec les conclusions déposées le 18 janvier dernier par Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot, d’un groupe de travail « éolien ». Il s’agit toujours de créer le plus possible d’aéros-générateurs sur le territoire en réunissant des décideurs politiques nationaux et locaux et des administrations. Ainsi nous dit-on que des magistrats trouvent les meilleures voies de traverse pour empêcher les opposants de saisir les tribunaux, ou lorsqu’ils les ont saisi de les priver des droits élémentaires de la justice : délais raccourcis, suppression de voies de recours, simplification abusive des consultations citoyennes, etc…
La communication de monsieur Lecornu proclame que, dans le groupe de travail, les associations étaient présentes de sorte que l’on pourra parler de « consensus »… Cependant il y avait bien des associations présentes, mais pas une seule de celles qui sont habituellement requérantes dans ces affaires parce qu’elles soutiennent une politique de paysage harmonieuse et raisonnée. Les grandes ONG de l’Environnement n’ont jamais voulu voir la réalité en face et considèrent que le Paysage et le Patrimoine passent après l’énergie du vent.
Croire que les recours vont s’arrêter parce que France Nature Environnement ou WWF le souhaitent est illusoire. La cathédrale de Chartres, le massif de la Sainte Victoire, la basilique Saint-Savin, les paysages du Vendômois et d’autres sont des pôles identitaires, culturels, touristiques, que la population soutient et soutiendra jusqu’au bout, fusse devant les juridictions européennes s’il le faut.
Si l’on nous avait conviés autour de cette table, nous aurions soutenu que l’on peut implanter des aéros générateurs dans les endroits où ils ne dérangent pas les paysages. Ces endroits, selon les techniques préconisées par l’Unesco, se déterminent grâce aux aires d’influence paysagères qui privilégient des emplacements où il n’y a pas de co-visibilité entre la machine et le monument, ou le paysage emblématique. C’est ainsi que l’on diminuera le contentieux et non en limitant les délais de recours.
Répétons que, quant à nous, nous ne sommes pas, comment d’ailleurs pourrions-nous l’être, contre une source d’énergie. Mais quand serons-nous écoutés pour expliquer comment nous les voyons ? Avons-nous perdu le droit figurant dans la constitution de nous exprimer sur notre cadre de vie ?
La loi logement
Le second combat est récurrent : une fois de plus il s’agit de faciliter l’implantation de logements dans un projet de loi qui sera discuté en Mars au Parlement. Une fois encore on réunit une « conférence de consensus », une fois encore n’y figurent pour représenter le monde associatif et partant la société civile, que les ONG de l’Environnement et quelques avocats qui plaident habituellement pour les promoteurs et aménageurs. La conclusion, on la devine : les responsables en France du manque de logement sociaux sont les Architectes des Bâtiments de France !
Après avoir en 2016 tricoté une réforme, on la détricote en 2018 avec les mêmes techniques : transformation de l’avis conforme en avis simple, diminution des droits de recours, suspension des délais, etc…
Ne pourrait-on nous inviter pour entendre, non pas notre conservatisme supposé être bête et méchant, mais nos propositions qui sont nombreuses et qui permettraient de faire avancer un vrai problème ?
La question que l’on peut se poser, ou ne pas se poser, c’est selon, est la suivante : depuis que l’on invente des lois dites de « simplification » même avec l’avis expert d’un ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, a-t-on, en quoi que ce soit, amélioré la situation ? On connait la réponse : c’est l’harmonie entre une population et ses élus qui permet de réaliser de grandes choses et non pas l’organisation de batailles dans lesquelles on remplace l’artillerie lourde par un corps à corps façon « ordalie ». Ce n’est pas la « cristallisation des moyens », panacée des simplificateurs de procédure, qui empêchera les opposants de s’opposer : c’est la conciliation et l’écoute mutuelle des uns et des autres.
Pour cela nous restons totalement disponibles, même les dimanches et les jours fériés…
Alain de La Bretesche,
Président de Patrimoine-Environnement