De l’usage du tiret dans le nom patronymique
Édito du 31 mai 2013
Le Nom de Famille : un Patrimoine qui n’est plus intangible
On sait les Français extrêmement attachés à leur nom de famille. Un très sérieux rapport officiel datant de 2003 ne précisait-il pas que 47 % des consultations d’archives publiques étaient le fait de personnes privées dans le cadre de recherches généalogiques ? Ces chiffres explosent depuis que les départements numérisent leurs archives.
Depuis quelques années, les minorités agissantes ont fait évoluer le traditionnel usage qui voulait que l’on porta le nom de son père sauf à porter celui de sa mère lorsque celle-ci était la seule à avoir reconnu l’enfant.
Il y eu une volonté de rupture avec les origines chrétiennes du pays qui obligeaient à choisir les prénoms dans la liste des saints. Ceux-ci ont été remplacés par les sportifs de haut niveau et les vedettes du petit écran. On a seulement demandé au Procureur de la République d’éviter au malheureux enfant à peine né les prénoms ridicules : tel celui choisi par cette jeune femme qui, ayant accouchée sur le périphérique voulait appeler sa fille « Périphérique sud ».
Puis les femmes ont souhaité donner à leurs enfants leur propre nom. Ce droit leur fut accordé ; on craignit un peu que comme dans la péninsule ibérique se développa l’usage brocardé par l’auteur d’Astérix qui avait baptisé l’un de ses personnages « Soupalognon y crouton ». Mais en dehors de certains milieux intellectuels parisiens, les statistiques démontraient que ces pratiques désormais autorisées ne furent pas considérablement utilisées, pas plus que celles d’ajouter le nom de son conjoint au sien.
La possibilité du double nom
Aujourd’hui, la loi légalisant le mariage pour tous a ouvert de nouvelles possibilités : celle de donner à ces enfants ayant deux pères ou deux mères un double nom. Mais pour résoudre les conflits entre les parents ce double nom, sauf accord contraire, s’exprimera par ordre alphabétique et, pour éviter d’avoir à retranscrire à l’état civil les longueurs des patronymes de la descendance d’Ibn Séoud, le législateur a décidé que ne pourrait être accolé que le premier nom de famille pour chacun des parents.
Jusque-là les choses sont relativement simples : ce qui devient réellement complexe c’est, non plus le droit « d’usage » du nom, mais le droit de transmission.
Déjà les circulaires officielles de l’État Civil expliquent que le Conseil d’État a déclaré illégale l’obligation de rendre sécable les doubles noms composés des noms des deux parents par un double tiret.
Ce double tiret permettait de faciliter l’opération de transmission du nom par voie de succession. Il faudra donc, sans double tiret, distinguer un nom composé avec ou sans particule mais utilisé depuis plusieurs générations, telle dit la circulaire « Dupont Durand », de ceux qui deviennent sécables lorsque, ajoutés au nom d’un conjoint, ne peut être utilisé qu’un seul d’entre eux…
Quelques pistes de réflexions, pour les insomniaques qui voudraient occuper leur nuit à se compliquer l’existence :
Comment faciliter les recherches généalogiques de ceux dont le patronyme, par l’effet du hasard alphabétique au cours d’une génération, passerait en deuxième position ?
N’y aura-t-il pas entre ceux qui porteront le nom traditionnel et le conjoint d’un membre de la tribu qui leur est étranger qui portera leur nom en tête de son double nom d’usage quelques solides querelles ?
Que de belles affaires contentieuses en perspective !
En attendant, le Conseil d’État continue son œuvre civilisatrice dans un « autre monde ». Ne vient-il pas de refuser à la famille de Montesquiou Fezensac le droit d’accoler à ce double patronyme celui de d’Artagnan pour des raisons de forme qui seront bientôt réparées. Observons que dans la requête, dont les termes sont repris par le Conseil d’État dans son arrêt du 22 avril dernier, c’est entre Montesquiou et Fezensac que l’on rajoute un tiret… Affaire à suivre.
Alain de la Bretesche
Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’Europa Nostra