Compte-rendu de l’audition Patrimoine et collectivités territoriales au Sénat
Mardi 28 janvier 2020, Alain de La Bretesche, président de Patrimoine-Environnement a été auditionné par les rapporteurs Sonia de La Provôté, sénatrice du Calvados et Michel Dagbert, sénateur du Pas-de-Calais pour apporter une expertise sur le rapport « Promouvoir et valoriser le patrimoine historique des collectivités territoriales ».
Contexte du rapport
« A travers ce rapport, la délégation du Sénat aux collectivités veut faciliter la tâche des maires au quotidien, en particulier dans les petites communes en identifiants les outils à leurs dispositions pour répondre à l’enjeu de gestion de leur patrimoine historique : il s’agit concrètement de recenser les dispositifs existants dans une sorte de vade-mecum (procédures, financement, labels, etc.) auxquels les maires pourraient se référer pour les aider dans leurs missions.
Des propositions pourront également être faites pour améliorer les dispositifs existants. »
Sont présents lors de l’audition, trois experts-membres du bureau de la Fédération Patrimoine-Environnement : Christine Bru, Dominique Masson et Benoît de Sagazan.
Alain de La Bretesche, dans un premier temps, a présenté la Fédération Patrimoine-Environnement comme une structure associative transversale regroupant deux anciennes associations (la Ligue Urbaine et Rurale et la Fédération Nationale des Associations de Sauvegarde des Sites et Ensembles Monumentaux) accompagnant les collectivités locales en matière de patrimoine.
Au sein des collectivités, il existe deux types de patrimoine : le patrimoine inscrit ou classé et le patrimoine rural non protégé. Ce dernier est pris en charge par le département depuis le décret d’application de la loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales à son article 8. En raison de sa proximité importante avec le territoire, le département peut financer les travaux de restauration des monuments plus modestes dans l’intérêt historique, artistique et architectural. Ces patrimoines sont pour 80% des églises. Or, la conservation et l’entretien des églises non protégées survient souvient au bon vouloir des élus, et cela malgré la création par l’ancienne ministre de la Culture Madame Nyssen d’un fonds incitatif de 20 millions d’euros.
Comment assurer l’entretien du patrimoine des collectivités territoriales ?
Où trouver des financements pour soutenir les propriétaires, où trouver l’accompagnement technique nécessaire aux projets, quel rôle pour l’État dans ce domaine, etc.
Les membres du bureau de la fédération évoquent les restrictions concernant le manque de moyens donnés à l’entretien du patrimoine souvent relayé au second plan par rapport à la construction et à la restauration qui sont deux grands budgets de dépenses pour les communes.
Pour les communes, l’intérêt serait de mutualiser le service de l’entretien des monuments patrimoniaux au niveau de l’intercommunalité. C’est déjà effectif dans la Communauté de Communes de Sablons dans l’Oise.
L’entretien doit pouvoir être effectué régulièrement par de petites tâches comme notamment l’entretien des gouttières pour les églises qui permet de faire un diagnostic de l’état à chaque visite. Une autre solution venant de Basse-Saxe, des Pays-Bas et du Royaume-Uni est que les communes payent une cotisation pour faire appel à une entreprise en charge de l’entretien des monuments. Il sera aussi important de donner cette mission de conseil pour l’entretien aux CAUE (Conseil en Architecture, Urbanisme et Environnement) déjà habilités pour fournir une expertise aux collectivités concernant les abords des monuments.
La valorisation des églises doit pouvoir s’engager à la fois vers la conservation du caractère cultuel des lieux tout en donnant la possibilité d’ouvrir les églises au bien commun. De ce fait, dans un premier temps, il paraît intéressant de mettre en relation les élus avec la communauté des évêques de France au niveau départemental, l’échelon le plus à même d’aider à l’entretien de ce patrimoine. Cette prise de contact pourrait aboutir à une signature de convention. Il est possible de se référer à la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État et notamment une circulaire du ministre de l’Intérieur. Cette circulaire dispose qu’une ligne budgétaire,
régulièrement revalorisée depuis sa création, est donnée pour le gardiennage des églises afin qu’elles puissent rester ouvertes. L’intérêt serait la visite des lieux, l’organisation d’événements culturels afin de redonner une valeur à ces lieux et de retisser des liens entre les citoyens. Il faut donc s’interroger sur les activités mixtes, cultuelles ou non, qui pourraient se développer.
La première association consultée pour l’entretien des églises est la Fondation du Patrimoine mais se pose aussi la question des moyens à mettre en oeuvre. Les chantiers d’insertion et de réinsertion, qui ne sont pas assez souvent évoqués, sont pourtant une réelle solution permettant de faire baisser les prix et de donner une valeur ajoutée à dimension humaine.
Comment construire une relation partenariale entre les élus locaux et les acteurs du patrimoine (Architectes des bâtiments de France et Conservateurs).
A savoir, comment éviter les situations conflictuelles ou les incompréhensions mutuelles, comment trouver un terrain d’entente ou des compromis afin de permettre la réalisation de projets d’aménagement tout en sauvegardant le patrimoine.
Au vu du désengagement de l’assistance à maîtrise d’ouvrage de l’État, le bureau de Patrimoine-Environnement propose de créer une « Journée de l’ABF » pour que puisse se rencontrer les élus et les ABF. Cette journée apporterait des réponses aux élus pour découvrir le rôle de l’ABF (sur ce qu’il fait, avec qui il travaille, etc.). L’ABF est le nœud de la relation entre l’État et les collectivités, il est crucial de le replacer en tant que conseiller alors qu’il se retrouve pour la majorité du temps censeur dans l’instruction des dossiers de demandes de travaux. Pour le décharger d’une partie de ses missions de temps à autre, il pourrait être intéressant de faire appel à d’anciens ABF « réservistes » pour donner des conseils aux élus. L’idée serait aussi de renfoncer ce rôle de conseil à travers les CAUE.
Autre problématique : celle de la formation des étudiants en architecture et patrimoine. L’un des experts mentionne des lacunes et suggère de proposer plus de formations continues, notamment deux ans dans le bâti ancien. Cette formation des architectes doit être couplée à la formation des interlocuteurs des ABF et des élus au niveau départemental pour harmoniser le niveau de connaissance.