Centre d’art contemporain de Rentilly : quand le château se mirera dans le parc
Le parc culturel de Rentilly, appartenant à la communauté d’agglomération de Marne et Gondoire (Seine-et-Marne), est aujourd’hui l’objet de vives polémiques autour de ce qu’on appelle « l’emballage » du château de Rentilly…
Un parc dédié à l’art contemporain
À seulement une trentaine de kilomètres de Paris, en Seine-et-Marne, s’étend sur plus de 50 hectares le domaine de Rentilly, siège de la Communauté d’Agglomération de Marne-et-Gondoire composée de seize communes. Après le rachat d’une partie du domaine par la communauté d’agglomération, un vaste programme de réhabilitation des espaces naturels et bâtis est mis en place. 2006 voit l’inauguration du parc culturel qui se compose aujourd’hui de salles d’exposition, d’un centre de ressources documentaires et d’un espace des arts vivants ouvrant ainsi Rentilly à l’art contemporain.
C’est en plein cœur du parc, à Bussy-Saint-Martin, que se situe le château de Rentilly, source de la controverse. Après la réhabilitation des espaces extérieurs entre 2002 et 2005, la communauté d’agglomération, en lien avec la FRAC Ile-de-France (Fond régional d’art contemporain) et le Ministère de la Culture, travaille depuis 2006 à la création de l’espace d’art contemporain au sein du château. Au printemps 2012, un appel à candidature est lancé pour le projet de réhabilitation : est demandé aux candidats de proposer une architecture ayant « une dimension artistique et atypique », l’objectif étant de faire du château, ni classé ni inscrit, un lieu d’exposition en cohérence avec les actions entreprises par le parc culturel. Parmi les dix-sept concurrents, le plasticien français Xavier Veilhan est retenu.
Immersion paysagère du château dans le parc
On connait Xavier Veilhan pour sa modernité, et les matériaux qui vont avec, et son rapport à l’espace. En 2009 il succédait à Jeff Koons au château de Versailles et présentait notamment Le Carrosse 2009. Pour ce projet, mené en collaboration avec l’équipe Bona Lemercier (maîtrise d’ouvrage, architecture) et le scénographe Alexis Bertrand, Xavier Veilhan propose une œuvre à la fois fonctionnelle et artistique. Il n’est pas là question d’une restauration. La réhabilitation du château s’opère par une transformation intégrale de son apparence… qui ne laisse personne indifférent. Recouvert de plaques en inox poli, l’habillage du château de Rentilly répond à l’interrogation qui a guidé le plasticien : « Comment faire entrer le parc dans le château ? ». Habillé de ce qui s’apparente à des miroirs, l’immersion paysagère du château semble réussie. Michel Chartier, président de la communauté d’agglomération, explique pourquoi le projet de Xavier Veilhan les a séduit : « En habillant l’édifice d’une seconde peau de miroirs, il fait le lien entre l’extérieur et l’intérieur, reflétant ainsi fidèlement l’esprit du parc culturel de Rentilly : offrir, au cœur de la nature, des chemins vers la culture. Le château sera désormais un lieu vivant, qui interpelle, qui appelle à entrer et voir. L’accès sera gratuit, comme le sont toutes les manifestations du Parc culturel. »
« Ce château n’était plus que l’ombre de lui-même »
Pour Xavier Veilhan : « Ce château n’était plus que l’ombre de lui-même. J’aimerais que les habitants soient fiers de leur château, qu’il devienne un lieu où on a envie de venir et de revenir. »
Qu’a été au juste ce château ? Construit au début du XVIème siècle par Jean Bourdereul et après être passé entre les mains du célèbre collectionneur Édouard André (époux de Nélie Jacquemart), le château de Rentilly est acquis en 1890 par Gaston Menier, grand industriel du chocolat. Réquisitionné par l’État au cours de la Seconde Guerre Mondiale, il sert de caserne avant d’être incendié par les troupes allemandes lors de leur retraite en 1944. Reconstruit en 1954 sans répondre d’un style particulier, il est désormais propriété de la communauté d’agglomération Marne-et-Gondoire et en passe d’acquérir de nouveau une valeur architecturale, artistique et, à priori, patrimoniale.
Coûteux, peu respectueux de l’environnement, mortifère pour les oiseaux… les avis sont plus que mitigés
Que reprocher alors à ce projet culturel artistiquement audacieux ? Son coût répondent certain. 4,57 M€ entend-on. Chez les élus des groupes minoritaires de Lagny-sur-Marne, on parle de gaspillage d’autant plus scandaleux que nous sommes en temps de crise. « Je ne comprends pas ce choix budgétaire, alors même que plusieurs villes et villages de la communauté d’agglomération manquent d’équipements utiles au quotidien, notamment dans le domaine sportif » dénonce Arnaud de Belenet, maire de Bailly-Romainvilliers. Mais Michel Chartier conteste : « Les chiffres sont faux. L’ensemble de la réhabilitation […] coûtera 3 M€. »
L’association Vigilance Marne-et-Gondoire déplore également les conséquences écologiques de ce projet. Aucune étude d’impact n’a était faite, aucune compensation environnementale n’a donc été évoquée. Alors que le président de l’association, Benjamin Hodencq, préconisait une façade végétalisée par exemple, le choix des matériaux utilisés n’aide pas à le convaincre. Selon lui, l’habillage du château et l’entretien qu’il nécessitera est la parfaite antithèse du développement durable. De plus, si elle reconnait que le bâtiment des années 1950 ne relevait d’aucun style particulier, Vigilance Marne-et-Gondoire regrette que les qualités architecturales de l’édifice ne soient pas sauvegardées, notamment les charpentes et les boiseries intérieures qui seront entièrement démolies. D’autant plus que l’intérêt de ce lieu d’exposition tenait selon lui et entre autre au contraste : « on y exposait des œuvres contemporaines dans un écrin qui ne l’était pas » Cette originalité sera résolument perdue après la restauration. En avril, l’association déposait un recours gracieux contre le permis de construire auprès du maire de Bussy-Saint-Martin.
La Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) a elle aussi déposé un recours, contentieux cette fois, le 16 avril dernier : « Ce revêtement engendrera de façon certaine une mortalité importante d’oiseaux, tant l’environnement sera reflété par les parois. […] Ces grands miroirs sont des pièges pour les oiseaux. Ils vont refléter les arbres et le ciel. Les volatiles ne feront pas la différence avec le reste du paysage et fonceront dedans » stipule le recours déposé au tribunal administratif. Ce phénomène a également été remarqué à New-York où une association de protection de la nature New York City Audubon a recensé 90 000 oiseaux tués chaque année en s’écrasant sur les vitres des buildings. Si des mesures de protection avaient étaient promise par Marne-et-Gondoire au moment d’établir le permis de construire, la LPO déplore que rien n‘a été envisagé alors même que le château se situe dans un secteur vert, classé espace naturel sensible.
Vigilance Marne et Gondoire rejoint la LPO sur ces contestations et, sans réponse du maire ni du préfet suite au premiers recours, l’association a jusqu’au 10 août pour déposer un recours contentieux, comme l’a directement fait la LPO.
La réouverture du château est prévue pour la fin 2013.