Ce que révèle la destruction de la chapelle sainte Thérèse
Tribune de William Chevillon
Sur la commune de Saint-Jean-de-Monts, au nord-ouest de la Vendée, le quartier des Demoiselles a vu ses premières maisons sortir de terre à compter de 1925. Sur un ancien terrain d’aviation militaire américain, une avenue, des rues tirées au cordeau et désormais 75 hectares de résidences principales, habitations de vacances et commerces saisonniers. Alors même que le quartier s’ébauchait à peine, fut posée la première pierre de la chapelle Sainte-Thérèse le 15 août 1925 (quelques mois seulement après la canonisation de Thérèse de Lisieux, ce qui fait de la chapelle vendéenne l’un des tout premiers lieux sous son vocable).
Consacrée en 1932, la petite chapelle de 150m2 présente depuis une architecture caractéristique du style balnéaire tout en y associant la verticalité géométrique de l’art-déco dans les lucarnes d’éclairage et le triplet décoratif en façade. Sans que l’architecte nous soit explicitement connu, il convient de noter la réalisation de la voûte lambrissée par le charpentier de marine nantais Pierre Huchet. Après la Seconde Guerre mondiale, le développement du quartier des Demoiselles conduit à un agrandissement du bâti grâce aux dons du baron Jacques D’Assignies qui permettent la construction d’une chapelle d’été en métal, amiante, fibrociment… Cette même famille D’Assignies offre onze vitraux pour la chapelle d’origine, lesquels sont réalisés en verre soufflé à l’antique dans un style art-déco tardif en correspondance avec l’architecture de 1925-1932.
En novembre 2014, je découvre que la paroisse souhaite réhabiliter le site pour des raisons louables d’accessibilité et de mise aux normes. Cette réhabilitation par une destruction-reconstruction totale de la chapelle. Le projet architectural présenté propose un bâtiment comportant une large façade de verre, un autel amovible pour des messes extérieures… Se pose alors pour moi la question de la pertinence du projet quand bien même la préservation du patrimoine m’apparait comme fondamentale dans un territoire où l’urbanisation outrancière cause de graves atteintes à l’héritage architectural et environnemental. Je lance donc une pétition (plus de 1100 signatures à ce jour sur internet et sur papier) et parallèlement j’envoie un courrier recommandé aux porteurs du projet. Dans ses estimations financières la paroisse opposait une restauration totale du site à une destruction-reconstruction. Je suggère donc le maintien de la chapelle de 1932 et la destruction-reconstruction de la chapelle d’été, curieusement aucun devis de cette option n’a été fait ou diffusé. La paroisse ne répondra jamais, malgré de nombreuses relances…
Il s’avère que la chapelle de 1932 est reconnue en bon état par divers artisans que j’ai pu rencontrer et par les services régionaux du patrimoine. Le problème principal résulte de la chapelle d’été, surnommée « le hangar » où la corrosion, l’amiante… nécessitent quasiment une destruction. Cette chapelle d’été mesure environ 450m2 auxquels on ajoute les 150 de la petite chapelle sur un terrain dont la superficie excède 2000m2. A ce jour, je ne comprends toujours pas pourquoi rien n’a été fait pour agrandir en lieu et place du hangar et en modernisant la chapelle d’origine. L’argument diffusé dans la presse a simplement consisté à faire le raccourci entre les défenseurs des « vieilles pierres » et les promoteurs de la modernité. Ainsi fut le seul signe de vie donné par la paroisse dont la bassesse du comportement face à mes questions n’a cessé de me consterner.
Le constat fait sur le site de Sainte-Thérèse est criant, les gouttières n’ont pas été débouchées depuis des années, le lieu n’est jamais chauffé – j’ose espérer que les protagonistes du projet entretiennent mieux leurs maisons d’habitation –, une bonne partie du mobilier a été jetée (comme dans de nombreux endroits à partir d’interprétations douteuses du Concile Vatican II). Pourtant, la paroisse ne semble pas s’opposer au patrimoine puisque des feuillets culturels sont disponibles dans les églises proches. La paroisse se vante même de participer à la Nuit des églises… Curieusement, Sainte-Thérèse a échappé à toute tentative de valorisation. Bien avant la publication du projet de destruction un responsable paroissial assurait à la presse que la chapelle avait très peu de valeur patrimoniale, ce n’est assurément pas l’avis de la Conférence des évêques de France et des Chantiers du Cardinal qui n’ont pas hésité à diffuser sur Twitter la pétition qui est explicitement contre un projet porté par l’Eglise…
Mais les contradictions dans cette affaire ne sont pas l’apanage des autorités religieuses. Et pour cause, la chapelle Sainte-Thérèse figure dans les parcours de visite de l’office de tourisme de Saint-Jean-de-Monts tandis qu’elle n’est pas protégée par le plan local d’urbanisme de la commune. Il convient en effet de préciser que rares sont les bâtiments montois dont la disparition impose un permis de démolition. Cette forme de vide dans la sauvegarde est d’autant plus surprenante que la chapelle Sainte-Thérèse est répertoriée dans l’inventaire patrimonial du conseil régional et est un lieu unique dans le département. Les démarches auprès de la Direction Régionale des Affaires Culturelles pour obtenir une protection effective n’ont rien donné. Nombreux sont les élus à avoir exprimé un soutien, peu l’ont fait publiquement. L’argument patrimonial n’a pas été pris en compte par la mairie, alors même que l’expression d’historiens, architectes, habitants… était claire quant à la nécessité de préserver le lieu. Il faut ajouter la consternation de religieux ayant officié sur le site mais aussi celle de certains membres de la famille D’Assignies qui ont exprimé le souhait que la chapelle de 1932 soit maintenue.
Seul véritable élément patrimonial sauvé, les vitraux qui seront tous intégrés au nouveau sanctuaire (un doute a longtemps subsisté quant à la sauvegarde de la totalité des onze vitraux). Si je me réjouis du maintien des produits verriers de la chapelle, je m’interroge au sujet de leur intégration dans le sanctuaire projeté, et ce, en raison de leur style ayant été choisi pour leur adéquation avec l’architecture balnéaire et la luminosité tamisée du site initial. Notons que les vitraux ont été gravement endommagés en raison des infiltrations répétées à cause du manque d’entretien des évacuations pluviales…
Emblématique du développement balnéaire de Saint-Jean-de-Monts le quartier des Demoiselles est constitutif des souvenirs de milliers de familles depuis l’entre-deux guerre. Il est éminemment regrettable que le lieu le plus marquant du quartier disparaisse après avoir été hypocritement abandonné. La chapelle Sainte-Thérèse n’est hélas pas seule à être promise à une destruction quand on sait que le projet est lié à la vente de la chapelle des Goélands de style corbuséen par la même paroisse. A ce jour, le site des Goélands pourrait être maintenu grâce à un recours déposé par l’association de soutien. A Sainte-Thérèse, j’ai multiplié les lettres recommandées et tenté un recours gracieux avec mes faibles moyens. La seule réponse des autorités religieuse fut celle du diocèse, laquelle a été brève, convenue, et n’éclaircissait aucun point. La chapelle sera détruite en février 2016 pour une ouverture du futur sanctuaire à l’été de la même année.
Plus largement, la situation présente illustre une tendance assez forte dans le département où la sauvegarde de l’architecture est très souvent reléguée à un second plan, d’autant plus pour les éléments du XXème siècle. Il est souvent plus simple de faire dans la vanité visible que d’adapter ce qui procure une affection durable et forte. Cette destruction me chagrine d’autant plus qu’elle est associée au mépris de la paroisse qui n’a jamais souhaité répondre aux nombreuses tentatives de contact. Je suis néanmoins satisfait d’avoir suscité le débat et je suis surtout satisfait d’avoir pu faire découvrir aux montois un élément de leur héritage architectural et affectif.
Défendre le patrimoine n’est pas une prise de position politique, et encore moins religieuse ! Défendre le patrimoine, c’est en premier lieu offrir à chaque habitant, un moyen de découverte, de fierté et de dialogue. En ceci, c’est un combat actuel, digne d’intérêt et en adéquation avec les besoins d’émulation que nous avons tous. Si être défenseur des « vieilles pierres » c’est réconcilier les émotions et l’architecture, je suis fier d’en être !
William Chevillon, le 29 janvier 2016.
Pétition et argumentaire : www.change.org/