L’annulation du PLU de Bougival, une victoire pour les associations patrimoniales
Mise à jour d’avril 2018 : Quelques mois après notre victoire à Bougival, nous avons demandé à l’association locale Patrimoine et Urbanisme de témoigner sur les avancées du combat de protection du patrimoine, et sur l’importance qu’a la colline des Impressionnistes pour les Bougivalais.
Voici donc les trois témoignages que nous avons recueillis :
« Suite au jugement de la Cour d’Appel Administrative, nous essayons de revenir dans une forme de concertation avec le maire de Bougival. Nous le félicitons de la grande nouvelle qui nous réjouit tous en ce moment : le rachat de la maison Bizet sur les bords de Seine par le Département qui avait été mise en vente par sa propriétaire en juin dernier. Une opération de crowdfunding avait été mise en place par Jorge Chaminé, porteur d’un projet ambitieux : le Centre Européen de Musique. Cette opération de financement participatif va être prolongée pour la réhabilitation de la Maison Bizet. D’autres villas patrimoniales à réhabiliter seront au coeur de ce Centre Européen de Musique : la Villa Viardot, et la Datcha Tourgueniev, situés à flanc de la Colline des Impressionnistes.
Actuellement pour faire suite à notre action de prévention de grignotage des Espaces Boisés Classés des coteaux de Seine à Bougival, nous continuons d’être vigilants. Nous avons envoyé une lettre au commissaire Enquêteur à propos de la modification du POS. Il y avait, il faut le dire, de nouveau du grignotage !
Nous ferons une demande en tant que PPA (Personne Publique Associée) pour être inclus dans le processus de concertation du PLU, via le CADEB (Collectif d’Associations pour la défense de l’Environnement de la Boucle de Seine), auquel nous adhérons et qui est maintenant l’organe agréé environnement, à la place des associations locales qui avaient l’agrément précédemment. »
Françoise Brenckmann, présidente de Patrimoine et Urbanisme
« Bien souvent, de ses hauteurs, je contemple ma petite ville de Bougival, nichée au creux de la vallée, lovée autour de son clocher, joyau enserré par les bois. La Colline des Impressionnistes domine majestueusement la Seine. Spectacle toujours renouvelé au gré des saisons. Si proche de la capitale, et pourtant autre univers fait de calme et sérénité. Poètes, écrivains, peintres, ne s’y sont pas trompés, qui ont puisé leur inspiration dans la beauté de ces lieux.
De nos jours, simple lieu de promenade la colline se dresse, fragile rempart, face à une urbanisation galopante. Et c’est à nous, juste retour des choses, qu’il revient maintenant de la protéger contre les appétits insatiables des promoteurs.
Comme partout dans le monde, nos arbres ont besoin de nous autant que nous avons besoin d’eux.
Pour leur survie et pour la nôtre. Et pour le bonheur de toujours les contempler.
Veillons sur notre colline. Veillons sur nos arbres. »
Françoise Leroy Terquem
« Magnifique petit écrin de verdure si exceptionnel dans cette région parisienne tellement urbanisée, la Colline des Impressionnistes reste un véritable trésor à protéger : poumon de Bougival, cocon pour une faune devenue trop rare si près de Paris, et aussi lieu de promenades familiales,… et que dire de la beauté du paysage que forme cette colline vue des alentours ?
De nombreux artistes ont connu ce lieu d’inspiration, dont ils ont su voir toute la beauté … Alors maintenant notre rôle est de savoir regarder tant avec nos yeux qu’avec notre cœur, maintenant notre rôle est de préserver cet héritage naturel et culturel, maintenant notre rôle est de le léguer à l’avenir…
Aujourd’hui, la vie nous pousse à aller de plus en plus vite… et notre refuge reste Dame Nature ! Chaque petit coin de nature est généreux et nous offre toute son énergie… Maintenant à nous de lui offrir toute notre force pour la protéger ! »
Isabelle Godart
Un contentieux oppose depuis 2012 la commune de Bougival (Yvelines) à différentes associations de patrimoine et d’environnement, lesquelles sont : l’Association Patrimoine et Urbanisme, la Fédération Patrimoine-Environnement, le Collectif d’Associations pour la Défense de l’Environnement dans la Boucle de Montesson (CADEB), les associations Oxygène à Bougival, l’Association pour le Développement Raisonné et l’Environnement à Chatou (ADREC) et Seine Vivante.
Si contentieux il y a eu, c’est en premier lieu dû au manque de concertation entre la mairie et les associations. Les remarques des associations concernant les modifications importantes du PLU portant atteinte à l’environnement et au patrimoine de la commune n’ont pas été prises en compte, et c’est cela qui a mené au contentieux juridique.
Cette affaire s’étant terminée en juillet 2017, nous pouvons dès à présent revenir sur son déroulement et les conclusions à en tirer.
Motifs de la requête et objectifs des associations
La Seine à Bougival, Pissarro
Quel est donc l’origine de ce contentieux ? Il faut savoir que l’objectif principal des associations pré-citées est la défense de l’environnement et du patrimoine naturel, avec ses fonctions écologiques et paysagères. Le PLU de Bougival allait à l’encontre de ces principes, notamment sur trois points principaux :
- la classification du secteur de la Garenne en zone UP (zone d’habitat en site protégé), devenant ainsi constructible. Dans le POS (Plan d’Occupation des Sols) précédent de la commune, ce secteur était en zone Nd inconstructible. Le passage de zone UP à une zone Nd ouvre la voie à une véritable remise en cause du patrimoine naturel remarquable.
- la réduction des espaces boisés classés (EBC) sur l’ensemble du territoire de la commune (diminution de 28% de la surface). La commune a voulu compenser la disparition de ces EBC par la création d’espaces verts à créer (EVC) ; or ces deux espaces n’ont pas la même fonction écologique. Le dommage créé par la destruction d’EBC, espaces boisés à forte fonction écologique, est très important : destruction des habitats des espèces locales, perturbation des migrations des faunes… Il ne peut en aucun cas être compensé par la création d’EVC.
- la constructibilité en zone Na, dans le parc de la Chaussée sur la colline des Impressionnistes, et le parc Vieljeux dans l’île de la Chaussée (autorisation de constructions non-temporaires, ce qui dénature complètement la vocation paysagère et naturelle de ces sites).
Ces trois dispositions du PLU font l’objet de justifications parfaitement insuffisantes dans le rapport de présentation et ont été adoptées en vertu d’erreurs manifestes d’appréciation.
Elles autorisent des atteintes à l’environnement et au patrimoine, permettant des modifications importantes des protections de la colline des Impressionnistes, pourtant site classé, et immortalisée par de nombreux peintres tels que Pissarro, Sisley, Berthe Morisot, Monet ou Renoir. En particulier le secteur de la Garenne pouvait devenir constructible, alors qu’il est un élément constitutif du paysage de la commune puisque situé en arrière-plan du clocher de l’église du bourg, classée Monument Historique.
Conclusion
Danse à Bougival, Renoir
C’est le 20 juillet 2017 que le jugement de la Cour d’Appel de Versailles a tranché en faveur des associations, et contre la commune de Bougival. Le PLU a été annulé et la Colline des Impressionnistes, les EBC et le secteur de la Garenne ont été sauvegardés.
Il s’agit ici d’une condamnation à large portée, tant sur le fond que sur la forme. La condamnation confirme les erreurs manifestes d’appréciation de la commune relevées par les associations. Celle-ci a mis à mal la protection de ses zones naturelles et de son environnement : ce sont donc les associations qui se retrouvent garantes de la préservation du patrimoine.
Pour l’avenir, deux objectifs principaux : le premier étant celui de surveiller le nouveau PLU de la commune, en vérifiant sa compatibilité avec le jugement précédent. Il serait bon que la mairie et les associations s’entendent afin de penser un PLU respectueux de l’environnement.
Enfin, à terme, c’est tout le paysage de l’est yvelinois qu’il faut repenser : il faudrait englober les paysages de la boucle de la Seine et la plaine de Versailles, dont le circuit de l’eau (machineries, pompes, fontaines) justifie la globalité. Une sorte de « Grand Versailles » environnemental en somme !
Pour en savoir plus :
- Article des Nouvelles de Versailles, le 6 septembre 2017 : « Le PLU de la ville annulé cinq ans après avoir été voté »
- Historique du contentieux :
– Le 12 avril 2012 : délibération du conseil municipal de Bougival par laquelle la commune approuve son PLU.
– Le 12 juin 2012 : recours formé par les associations pré-citées contre la délibération du 12 avril 2012 en raison des atteintes à l’environnement et au patrimoine de la commune.
– Le 5 juin 2014 : le Tribunal Administratif de Versailles rejette la demande des associations d’annuler l’approbation du PLU.
– Le 1er août 2014 : une requête est déposée à la Cour administrative d’Appel de Versailles pour annuler le jugement du TA de Versailles, et donc annuler le PLU de la commune.
– Le 20 juillet 2017 : la Cour administrative d’Appel de Versailles accède à la requête des associations et annule le PLU de Bougival.