Annulation des protocoles de mesure des niveaux de bruits des éoliennes par le conseil d’état pour vice de forme

Eolienne Noirterre
© Moreau Jean François via Wikimedia Commons

Un arrêt du Conseil d’État du 8 mars 2024 a annulé tous les arrêtés ministériels (10 décembre 2021, 31 mars 2022 et 11 juillet 2023) précisant les protocoles successifs de mesure des niveaux de bruit des centrales éoliennes, au motif qu’ils n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation environnementale et que les décisions d’approbation de ces protocoles n’avaient pas été soumises à la participation du public. 

Les éoliennes, installations classées pour la protection de l’environnement, sont régies par un cadre juridique précis au titre de la rubrique 2980, notamment au niveau sonore. Ainsi pour faire vérifier la conformité acoustique des éoliennes, leur exploitant se referait à la norme NF 31-114 (datant de 2011). Puis un protocole de mesure acoustique, reconnu par le ministre de la Transition écologique, est paru pour la première fois en décembre 2021. Celui-ci a été revu en mars 2022 puis en juillet 2023.

Ce protocole a été constitué par un groupe de travail tripartite (filière, bureaux d’études acoustiques, représentants des riverains), et devait être testé sur des parcs en exploitation.

En 2021, l’État décida finalement, contre l’avis des riverains, de mettre en place le protocole, sans le tester, l’intégrant au titre de protocole reconnu dans trois arrêtés ministériels successifs.

Le protocole donne notamment des indications sur les points de mesure et le matériel de mesure à utiliser. Il précise également les informations devant être détaillées dans le rapport d’étude, qui synthétise les résultats de mesure. En fonction de ces résultats, l’administration statue sur la conformité réglementaire de l’installation ou impose à l’exploitant des actions correctives par arrêté préfectoral.

En 2022, 16 associations nationales et régionales ont attaqué ces 3 arrêtés devant le ministère de la Transition écologique. N’obtenant pas de réponse du ministre, elles ont porté leur réclamation devant le Conseil d’État.

Pour les associations requérantes, le protocole de mesure serait trop clément et ne permettrait pas une protection optimale de la santé des riverains. Selon elles, les arrêtés ministériels, comme les décisions approuvant le protocole doivent être considérés comme des plans et programmes soumis à évaluation environnementale, et donc à consultation du public.

Le 8 mars 2024, le Conseil d’État a donné raison aux associations et a annulé les arrêtés ministériels et les protocoles de mesure acoustique (en ses trois versions successives) au motif qu’ils n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation environnementale et que les décisions d’approbation de ces protocoles n’avaient pas été soumises à la participation du public. Dans sa décision, le Conseil d’État ne reconnait pas l’insuffisance du protocole (il ne rend pas une décision sur le fond), mais l’annule sur la forme, pour une procédure irrégulière.

Les projets en instruction ou autorisés mais pas encore construits devraient en principe refaire une évaluation environnementale complète. Si un nouveau protocole est élaboré par le ministère, il devra passer par une consultation du public.

En attendant, la réglementation antérieure à 2021 doit être appliquée.

Pour précision, une évaluation environnementale est définie commun processus. L. 122-1 du code de l’environnement précise que l’évaluation environnementale est un processus constitué par :

– La réalisation d’une étude d’impact par le maître d’ouvrage

– L’examen, par l’autorité compétente pour autoriser le projet, de l’ensemble des informations présentées dans l’étude d’impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d’ouvrage

– Les consultations de l’autorité environnementale, des collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que du public qui éclairent le maître d’ouvrage, le public et l’autorité compétente pour prendre la décision ;

– Les mesures d’évitement, de réduction et de compensation proposées par le maître d’ouvrage dans l’étude d’impact

– Une décision d’autorisation du projet répondant aux conditions définies à l’article L.122-1-1 du code de l’environnement

Extrait de la décision du Conseil d’État du 8 mars 2024 :

D’autre part, aux termes de l’article 2 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur […] Ces dispositions ont été transposées en droit interne par les dispositions du III de l’article L. 122-4 du code de l’environnement, aux termes desquelles :  » – Font l’objet d’une évaluation environnementale systématique ou après examen au cas par cas par l’autorité environnementale (…) 2° Les plans et programmes, autres que ceux mentionnés au II, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée si ces plans sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (…) « .

Les décisions des 10 décembre 2021, 31 mars 2022 et 11 juillet 2023 approuvant le protocole doivent dès lors être regardées comme constituant des plans et programmes devant être soumis à évaluation environnementale, conformément aux dispositions citées au point 6. Par suite, les requérantes sont fondées à soutenir que l’absence d’une telle évaluation préalable à l’édiction de ces actes les entache d’une irrégularité, laquelle a privé le public d’une garantie et a été susceptible d’exercer une influence sur le contenu des actes attaqués.

Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que les décisions approuvant le protocole de mesure de l’impact acoustique des éoliennes terrestres et protocoles attaqués ont été pris au terme d’une procédure irrégulière, dès lors que les protocoles n’ont pas fait l’objet d’une consultation du public préalablement à l’approbation par décisions du ministre. Cette irrégularité est de nature à avoir exercé une influence sur le sens des protocoles attaqués et a privé le public de la garantie de voir son avis pris en considération à l’égard d’un acte ayant une incidence directe et significative sur l’environnement. »


15 assos pour le recours devant le CE :
l’association Fédération Environnement Durable,
l’association Belle Normandie Environnement,
l’association « Vent de colère ! Fédération nationale »,
l’association « Fédération Anti-Eolienne de la Vienne »,
l’association « Collectif régional d’experts et de citoyens pour l’environnement et le patrimoine »,
l’association « Occitanie Pays catalan Energies Environnement »,
l’association « Alpes Provence Côte d’Azur Environnement »,
l’association « Collectif Allier Citoyens »,
l’association « SOS Danger éolien »,
l’association « MorVent en colère »,
l’association « Fédération Vent contraire en Touraine et Berry »,
l’association « Fédération Stop éoliennes Hauts-de-France »,
l’association « Vent de sottise »,
l’association pour la protection du Pays d’Ouche,
l’association « Echauffour environnement ».