ÉDITO – « C’ÉTAIT MIEUX AVANT ! » : EST-CE BIEN CERTAIN ?

Château d’Assier, photographie par Eugène Trutat, 1902


Lorsque les temps sont incertains – et le moins que l’on puisse dire est qu’ils le sont – les mêmes qui critiquaient un passé proche se mettent presque à le regretter. La peur de l’avenir, associée au mythe d’un « âge d’or » révolu, n’est-elle pas l’un des « grands classiques » de l’esprit occidental ?

De tout temps, la pensée dominante n’a pas été de croire au progrès ; mais plutôt de croire en la fatalité d’un déclin que perpétue la formule  : « C’était mieux avant ! ».

Le XIXe siècle est une exception dans l’histoire des idées. À part quelques réactionnaires assumés, comme Joseph de Maistre, tous les penseurs du siècle croient fermement au progrès et ils professent l’optimisme, fût-ce en passant par des ruptures. Un exemple parmi d’autres de cet état d’esprit amorcé au « Siècle des Lumières » : Condorcet qui, à la veille d’être victime de la « Terreur », aura la force morale d’achever un « Tableau historique des progrès de l’esprit » !

Au XXe, les « 30 Glorieuses » ont célébré le « culte » de l’avenir, dont Albert Camus, dans « L’Homme révolté », écrivait qu’il était la seule transcendance des hommes sans Dieu.

Au siècle présent, tout est sombre. On ne parle que de problèmes, de crises, de pandémies, de « tsunami » migratoire, de catastrophes climatiques. Sur ce dernier point, les écologistes radicaux, qui sont nos « millénaristes »
[1] des temps modernes, prophétisent la fin du monde, sauf bien sûr à emprunter la voie douloureuse de la décroissance, et à revenir à l’état de nature, comme si la nature était douce ! Oui, il faut se battre avec force pour préserver notre planète. Nous le faisons, unis par les valeurs de notre Fédération. Mais, le faire ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas vivre avec notre temps et qu’il faudrait tomber dans une forme de naïveté qui voudrait, par exemple, que les loups puissent à leur tour devenir véganes ! Savoir qu’ils resteront carnivores n’interdit nullement d’agir avec conviction pour éviter leur extinction.

Quand on s’intéresse au Patrimoine, comme nous le faisons en conjugaison avec l’Environnement, on s’intéresse naturellement à l’Histoire. Or, si notre histoire est riche de belles choses, comme nos plus beaux monuments en témoignent, à bien la scruter dans son détail, elle ne donne pas vraiment envie de remonter le temps ! Rappelons que l’espérance moyenne de vie était de 35 ans au début du XIXe siècle. Rappelons aussi – puisque les pandémies sont de circonstance – qu’un tiers des Européens périrent de la peste au XIVe siècle, une épidémie dont les vagues successives ont fait disparaître jusqu’à 50 % de la population, à Marseille ou à Barcelone.

Oui, notre passé est souvent affreux. Non, ce n’était pas toujours mieux avant !

Alors, restons calmes et gardons espoir. Notre monde et notre pays en ont connu d’autres !

Quand chacun d’entre nous est à la recherche de repères dans une société aux liens par trop distendus, le Patrimoine – qu’il soit matériel ou immatériel, vernaculaire ou historique, paysager ou bâti – nous offre une réponse.

Parce que sa beauté appartient à tout le monde, le Patrimoine est créateur de liens.

Parce qu’il a traversé les temps, le Patrimoine est une leçon de patience et d’optimisme.

Parce qu’il porte partout la main de l’Homme, le Patrimoine nous rappelle à nos responsabilités : certes, envers les générations qui nous ont précédés, et bien sûr, envers celles qui nous suivront.

Sous l’inspiration de cette « belle leçon de vie », pourquoi ne pas croire en l’avenir d’abord, et pourquoi ne pas penser ensuite que cela pourrait être « mieux après » !

Ce « parti pris » de l’optimisme est le nôtre : sans jamais cesser de se mobiliser pour défendre le Patrimoine, notre Fédération restera une force de proposition pour œuvrer à un avenir meilleur.


[1] Ceux qui, forts de la croyance d’un retour du Christ sur Terre pour mille ans, prophétisaient la fin du monde au passage de l’an mil !