ÉDITO – L’Europe du Patrimoine : place à une « subsidiarité » plus active !
À quelques semaines des élections européennes, on peut sans se tromper hasarder un pronostic : au cours de la campagne, il sera question de tout sauf du patrimoine culturel.
D’un côté, c’est normal.
L’Europe s’est bâtie sur l’économie : le charbon, l’acier, l’énergie atomique puis le marché intérieur et la monnaie unique. Alors que depuis le départ, le Conseil de l’Europe « légifère » dans le domaine culturel, à l’instar de l’UNESCO dont c’est la mission, l’Union européenne n’en a pas la compétence.
Il a fallu attendre la signature du Traité de Maastricht en 1992, pour qu’une « compétence d’appui » lui soit reconnue en ce domaine. S’agissant du patrimoine culturel, la Commission « communique », le Conseil « recommande », le Parlement émet des « résolutions » mais ce sont les États, voire les Régions, qui ont le premier et le dernier mot, sans oublier la Société civile au rôle reconnu comme essentiel en ce domaine. Au nom du « principe de subsidiarité », l’Europe doit accompagner les actions des États-Membres, les inciter à collaborer, diffuser leurs bonnes pratiques, financer quelques programmes spécifiques aux ressources d’ailleurs chichement budgétées.
Pour ceux qui trouvent, souvent à juste titre, que l’Europe est trop « normative » sur des sujets qu’elle ferait mieux de laisser aux États, la tentation serait de dire : « tant mieux ! ». Néanmoins, à bien y réfléchir, c’est bien dommage. S’il est un domaine en effet qui illustre la longue histoire de l’Europe, la force de ses valeurs, son unité dans sa diversité, la marque de sa singularité mondiale et son pouvoir intact d’ attractivité, c’est bien le patrimoine culturel.
À l’heure où les budgets d’intervention publics, critères de Maastricht obligent, sont voués au « laminoir », il est triste de ne pas pouvoir plus et mieux compter sur le budget européen et sur les différents instruments d’intervention de l’Union européenne.
Les États ne le demandent pas et les institutions européennes ne prennent guère d’initiative après les espoirs qu’avait fait naître, par exemple, le succès de l’Année européenne du patrimoine en 2018.
Cependant, pourquoi n’y aurait-il pas un patrimoine de l’Europe, comme il y a un patrimoine mondial de l’UNESCO par exemple ? Pourquoi les États-Membres ne seraient-il pas plus incités et mieux accompagnés pour préserver et promouvoir ce patrimoine culturel unique qui les distingue du reste du monde ? Pourquoi la protection indispensable de ce patrimoine culturel ne serait-elle pas affirmée encore plus fort dans les valeurs de l’Union et surtout présente beaucoup plus haut dans ses politiques et ses législations ?
En un mot, pourquoi la subsidiarité européenne ne serait-elle pas plus « active » quand il s’agit de préserver et de promouvoir notre patrimoine culturel ?
Christophe Blanchard-Dignac
Président de Patrimoine-Environnement