Note sur le projet éolien d’Auzouer-en-Touraine

Château d’Amboise et Tour des Minimes
© Gzen92, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

La société PARC EOLIEN ORATORIO SAS a sollicité une Autorisation Environnementale d’exploitation sur la commune d’ Auzouer-en-Touraine en Indre-et-Loire.

Cette installation comprendrait 4 aérogénérateurs de 2 MW, d’une hauteur de 142m en bout de pale (hauteur de mât : 87 m, garde au sol : 32 m, diamètre du rotor : 110 m).

Elle serait visible depuis le Val de Loire, inscrit sur la liste du Patrimoine mondial par l’UNESCO au titre des paysages culturels et impacterait fortement le château d’Amboise, la Pagode de Chanteloup et le château de Chaumont.

Ce Patrimoine mondial est régi par un Plan de gestion proposé à la délibération des 197 collectivités concernées par la gestion du site UNESCO qui ont confirmé leur soutien et se sont engagées à prendre en compte la Valeur Universelle Exceptionnelle (V.U.E.) du Bien et les Orientations du Plan de Gestion dans leurs documents de planification et leurs projets. Ainsi le Plan de Gestion, bien qu’il ne soit pas un document opposable, est une véritable charte adoptée par le Préfet de la Région Centre dans son arrêté du 15 novembre 2012 et par tous les partenaires, l’État étant garant de la convention internationale signée avec l’UNESCO.

Plan de gestion, Orientation n°5 : « Réussir l’intégration des nouveaux équipements. Objectif 5.4 : «ne pas implanter d’éoliennes visibles depuis le Val, et notamment pas à moins de 15 km du rebord du Val». Le projet éolien est situé à 14,8 km du château d’Amboise et à 10,8 km du rebord du Val.

Au-delà de l’atteinte grave aux paysages de ces hauts lieux de la vallée de la Loire, il existe un risque de déclassement du Patrimoine mondial UNESCO. Le Directeur de la Mission Val de Loire souligne « qu’un motif de déclassement local peut entrainer le déclassement de la totalité de la vallée de la Loire (de Sully à Chalonnes sur Loire) ».
On comptabilise 12 Monuments historiques protégés à l’échelle de l’aire d’étude rapprochée. Il s’agit principalement d’églises et de châteaux. On relève 182 Monuments historiques, classés ou inscrits, entre les aires de 6 et 20 kilomètres autour de la zone d’implantation.

On doit aussi considérer que cela créerait un précédent fâcheux pour tout autre projet de même nature dans le périmètre de l’inscription du Val de Loire par I’Unesco.

On peut se référer aux avis rendus par le Conseil d’Etat dans des cas similaires à Saint Savin et Illiers-Combray.


Avis lors des consultations

  • Autorité environnementale dans ses recommandations : « L’autorité environnementale recommande de suivre la proposition d’action du plan de gestion du site Unesco ’Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes’ qui propose de « ne pas implanter d’éoliennes visibles depuis le Val, et notamment pas à moins de 15 km du rebord du Val ».»
  • Avis favorables : communes 1, consultation du public 1.
  • Avis défavorables : communes 7, conseil communautaire 1, consultation du public 107.
  • Avis neutres : communes 1.
  • CDNPS : défavorable

Total : 117 défavorables, 2 favorables

Plusieurs critères sont à prendre en considération : la distance et la Co visibilité.

1/ Distance :

Les quatre éoliennes hautes de 142 m se situent au Nord de la zone tampon, en bordure de la zone 10 du SRCAE, sur un plateau de 110/114m d’altitude, distantes 12,2 km à 16 km du Val de Loire et plus précisément à 10,8 km du rebord nord du Val et 14,8 km du château d’Amboise. Ces distances prouvent que les éoliennes auront un impact réel sur le grand paysage nord du Val de Loire et que les distances préconisées par le Plan de Gestion ne sont pas respectées (évaluation des distances du Val et des MH, cf. rapport enquête publique p.7), sans oublier les flash émis régulièrement, de jour comme de nuit, impactant notamment les évènements nocturnes réalisés en été sur l’esplanade du château, justement tournés vers ce grand paysage nord.

Les menaces possibles évoquées dans le Plan de Gestion (p. 100) seraient de nature à provoquer une rupture d’échelle dommageable à la préservation de l’identité du site. De même la co-visibilité avec les MH et sites remarquables doit être évitée. En effet la lecture du grand paysage du Val se fait de façon linéaire et non dans la verticalité.

2/ Cônes de vue :

  • La Co visibilité est d’autant plus avérée au château d’Amboise qu’il se situe sur un promontoire de 83,59m. Les éoliennes, dépassant de plus de la moitié de leur hauteur au-dessus des arbres du grand paysage nord impacteront les « vues sortantes » prises du château et de la terrasse du château. De plus, on distinguera le rotor complet de l’éolienne A02 située dans la partie méridionale du projet.
  • La pagode de Chanteloup est à une altitude de 109 m : les éoliennes seront donc tout aussi visibles, bien qu’à 17,2 km du projet ,et particulièrement de l’environnement proche de la pagode (face au Lycée Agricole, route de Bléré). Un tiers seulement de leur hauteur sera caché par les arbres. Assurément il existe là une vue sortante remarquable sur le château en premier plan entachée d’un arrière-plan muni d’éoliennes sur le grand paysage du rebord nord du Val.
  • De même le château de Chaumont positionné sur un promontoire à 89 m d’altitude, à une distance de 17,4 km, sera lui aussi impacté.

Malgré tous ces éléments défavorables, la Préfecture d’Indre-et-Loire a organisé une « Tierce expertise » le 12 janvier 2024 par la mise en ascension de deux ballons sondes captifs de faible diamètre, élevés à la hauteur des éoliennes depuis la commune d’Auzouer-en-Touraine. Le Prefet, monsieur Latron, accompagné du Président de la Fondation Saint Louis, propriétaire du château d’Amboise, ainsi que de nombreux journalistes et responsables d’associations dont le délégué régional Centre Val de Loire de la Fédération Patrimoine-Environnement, assistèrent à l’opération depuis l’une des terrasses du château d’Ambroise. Avec une météo peu favorable à ce genre d’exercice – brume et vent- il a été presque impossible d’observer à l’œil nu ces petits ballons sondes, non clignotants, sans commune mesure avec le gigantisme des 4 éoliennes prévues, et ceci à 14,8 km du château, et 10,8 km du rebord nord du Val de Loire, distances rentrant dans les zones proscrites par la Mission Val de Loire-Unesco.
Le Préfet a néanmoins autorisé le 19 février cette implantation si controversée. Les associations nationales (G7) et locales se concertent sur la possibilité d’un recours auprès de la Cour d’Appel d’Orléans.

Eric Duthoo,
Délégué Centre Val de Loire de la Fédération Patrimoine-Environnement.