La Baie du Mont-Saint-Michel en danger Les autorités lancent enfin des études pour en rechercher les causes !


© Alain Manet

L’EPIC Mont-Saint-Michel (Etablissement Public et Industriel et Commercial), la nouvelle structure en charge de la gestion des ouvrages issus du Rétablissement du Caractère Maritime du Mont-Saint-Michel (RCM) après concertation avec les services des ministères de la Culture et de la Transition Écologique et Solidaire a décidé, en janvier 2021, à partir du suivi scientifique assuré par le Comité Scientifique Hydro- sédimentaire (CSH) permettant de mesurer d’éventuels écarts avec les résultats attendus du RCM :

« de porter une attention particulière à l’évolution de la dynamique hydro-sédimentaire de la baie en diligentant les études nécessaires à la compréhension des phénomènes observés au-delà du périmètre d’influence de chasses opérées depuis le barrage ».

Rappelons qu’un double objectif a été fixé au RCM : le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel et l’organisation d’une meilleure gestion de la fréquentation touristique. «  Cette restauration du caractère maritime devait s’opérer en limitant géographiquement les transformations du milieu aux abords du site, sans remettre en cause l’équilibre des écosystèmes à l‘échelle de la baie et sans altérer à long terme la dynamique d’évolution des écosystèmes et en valorisant les fonctions socio-économiques du site. »[1]

L’expérience prouve que tout aménagement dans la baie a des conséquences sur l’écosystème. Les travaux réalisés au XIXe siècle et poursuivis au XXe ont modifié le fond de la baie, réduisant l’espace accordé à la mer, entraînant les rivières Sée et Sélune à couler au Nord de Tombelaine, mettant en péril le caractère maritime du Mont. 

Et, depuis la réalisation de l’aménagement prévu dans le cadre du RCM, les relevés Lidar aéroportés, donnant l’altitude des sables, procédé de contrôle mis en place par le syndicat mixte, prédécesseur de l’EPIC Mont-Saint-Michel et les vues satellites montrent que la grande accélération de la montée des sables est concomitante du fonctionnement du nouveau barrage sur le Couesnon. D’après les calculs réalisés à partir du relevé Lidar 2016 et de celui de 2020, le volume des apports sédimentaires est multiplié par trois par rapport aux estimations faites avant 2009, année de la mise en route du barrage sur le Couesnon, volume réparti inégalement sur la baie.  Les rivières Sée et Sélune qui divaguaient depuis des décades dans les 3/4 Nord de Tombelaine coulent, depuis cet aménagement du RCM, au sud de la Baie à plus ou moins grande proximité du Mont-Saint-Michel.

L’état de la baie est bouleversé. Bientôt, toute une vaste superficie ne sera plus recouverte deux fois par jour par la mer ; Tombelaine sera dans les herbus, la magie de la baie altérée, l’écosystème modifié et le caractère maritime du Mont sera lui -même menacé. Récemment, les guides du Chemin de la Baie remarquaient dans un article paru dans la Manche Libre du 9/10/2021 que depuis la mise en route du barrage sur le Couesnon, les fleuves Sée et Sélune avaient migré vers le Mont-Saint-Michel créant dans la partie nord nord-est de la baie un envasement. «  Dans cinq ans, on ne pourra plus partir du Bec d’Andaine.» À cet endroit ont été réalisés en 2004, des travaux coûteux pour faciliter les traversées de la Baie à partir de ce point de départ.

 Aussi, nous réjouissons-nous que l’EPIC Mont-Saint-Michel se conforme au principe de précaution énoncé dans l’article 5 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 qui impose : « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état de connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

 Il est indispensable que soit bien défini le caractère et l’étendue des études lancées, les  modalités de financement ainsi que la date de présentation des résultats sinon le risque est une prolongation indéfinie de la période d’études et l’absence de mesures.

 Cette attention portée par l’EPIC Mont-Saint-Michel à l’évolution hydro-sédimentaire de la baie si nouvelle et si prometteuse qu’elle soit, ne peut faire oublier l’urgence d’évaluer les risques et d’adopter des mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage pour préserver le caractère maritime de la petite baie, le paysage et l’écosystème de ce patrimoine pourtant bénéficiaire de multiples protections tant au niveau national qu’international, protections aujourd’hui, non respectées.

Il est bien évident qu’existe un risque d’enlisement de ces études dont le financement posera déjà problème. Aussi, il nous appartient à tous de faire prendre conscience de l’urgence de ce grave péril. 

« Sur un îlot rocheux au milieu des grèves immenses soumises au va-et-vient de puissantes marées s’élève la merveille de l’Occident  ».
 

Marie-Claude Manet,
Présidente d’honneur de l’AGEB (Association des Amis du site de Genêts, de ses Environs et de la Baie du Mont-Saint-Michel)
Le 22 octobre 2021


[1]Mission Mont-Saint-Michel, BCEOM , juin 1997, page 12