SAUVEGARDE DE LA CHAPELLE SAINT-JOSEPH DE SEGRE

En cette année spéciale dédiée à Saint-Joseph par le pape François, les amoureux et défenseurs du patrimoine pleurent la démolition de la chapelle Saint-Joseph de Lille. Le « vandalisme », jadis dénoncé avec emphase par Victor Hugo, continue de mutiler notre patrimoine religieux alors même que ce patrimoine devrait constituer un levier pour les municipalités .

Or, à Segré, capitale du Haut-Anjou, au Nord-Ouest du Maine-et-Loire et aux confins des marches de Bretagne, se trouve une charmante chapelle en péril, elle aussi vouée à Saint-Joseph.

Située place Falloux, sur l’éperon rocheux dominant la ville et ses environs, sur la rive droite de l’Oudon où se situait le château-fort primitif de Segré dont il reste la motte féodale, la chapelle Saint-Joseph fut bâtie de 1860 à 1862 dans le style néo-gothique prisé sous Napoléon III, à l’emplacement de l’ancienne église du château du XIème siècle, et appelée à l’origine Saint-Sauveur. Le parvis de cette chapelle offre un magnifique panorama sur la ville de Segré et sur l’église de la Madeleine en haut du versant opposé de la rivière. Elle est également accessible à pied par de pittoresques escaliers médiévaux taillés directement dans la roche.

La chapelle est construite selon un plan en croix grecque. Son clocher en bois peint de couleur bleue, coiffé par une flèche polygonale, est venu remplacer, en 1991, l’ancien clocher de pierre renversé par une tempête en 1990. Les quatre bras et la sacristie sont couverts par des toits à longs pans avec pignons découverts. L’abside est couverte par un toit polygonal.

Un jeune et prometteur historien local, Jean Luard, dans son livre Alfred de Falloux et le Haut-Anjou publié en 2018, nous précise qu’en mars 1859, c’est le comte de Falloux, « bienfaiteur du Segréen » – dont il fut député légitimiste avant de devenir ministre de l’Instruction publique et des Cultes sous la 2ème République en 1848, puis Académicien en 1856 -, qui « convoque et préside la commission chargée de l’édification de la chapelle Saint-Joseph en lieu et place des ruines de l’ancienne église paroissiale Saint-Sauveur du XIe siècle, incendiée par les chouanse ».Ce nouvel édifice en croix grecque, élevé par l’architecte angevin Bonnet, sera orné de vitraux réalisés par les ateliers Échappé de Nantes (les mêmes qu’au château de Bourg d’Iré) et l’autel sera réalisé par l’abbé Choyer à qui l’on doit entre-autres la grandiose chaire en bois sculpté de la cathédrale Saint-Maurice d’Angers. Le 9 juin 1862 durant une grande cérémonie, la chapelle est bénite par le vicaire général du diocèse en présence du duc de Fitz-James, de M. O’Madden, du Supérieur et des professeurs du Collège de Combrée ; (…). Désormais, on pourra de nouveau admirer deux élégants clochers se faisant face sur les deux promontoires de la capitale haut-angevine comme selon le vieil adage médiéval : « Segré, ville de renom, deux rivières et deux monts, deux églises et deux ponts, [de belles filles à foison] ».

Fermée au public depuis 1995, elle se retrouve, depuis 2016, ceinturée de câbles qui retiennent les contreforts et ce sont désormais ses abords qui sont interdits à la circulation par une repoussante clôture métallique.

Fermée au public depuis 1995, elle se retrouve, depuis 2016, ceinturée de câbles qui retiennent les contreforts et ce sont désormais ses abords qui sont interdits à la circulation par une repoussante clôture métallique.

Cette situation d’abandon persistante – et illégale au regard de la loi du 9 décembre 1905 dans le mesure où il appartient aux municipalités d’entretenir les bâtiments religieux dont elles ont la charge – faisait craindre sa future destruction, à l’instar de la malheureuse « déconstruction » en 2013 de l’église voisine de Saint-Aubin-du-Pavoil.

Compte tenu de son emplacement central et dominant sur la commune depuis plus d’un siècle et demi, il s’agirait non seulement d’une véritable hérésie esthétique, patrimoniale et touristique, mais également, au regard du contexte et du lieu de son édification, d’une perte historique, culturelle et cultuelle pour la paroisse Saint-René-en-Pays-Segréen, la ville de Segré et, plus généralement, le territoire du Haut-Anjou.

Un tel édifice, chargé d’âme et d’histoire, symboliquement sur son promontoire panoramique dédié au culte depuis un millénaire, méritait donc d’être sauvé et rapidement restauré avant que sa destruction, motivée par son état de délabrement pour défaut d’entretien, ne soit présentée aux Segréens comme inéluctable.

Heureusement, à l’initiative du curé de la paroisse, le père Emmanuel d’Andigné, une association de sauvegarde la chapelle est en cours de constitution avec pour objectif de tout faire pour lui redonner vie, 25 ans après sa fermeture, en concertation avec la municipalité de Segré-en-Anjou-Bleu qui semble aujourd’hui ouverte à la discussion.

Lorsque pouvoirs spirituel et temporel s’allient, la sauvegarde du patrimoine religieux reste donc possible dans l’intérêt du plus grand nombre.

Par Loïc Dusseau, avocat au Barreau de Paris, membre du bureau de Patrimoine-Environnement et du comité scientifique des Journées Juridiques du Patrimoine.