A deux pas du Pont du Gard : Le projet Amazon, aventure humaine folle et navrante des temps modernes
La fédération Patrimoine-Environnement soutient les efforts de l’association adhérente ADERE dans sa lutte contre l’incohérence d’un projet Amazon mettant en danger un cadre de vie et un environnement déjà bien fragiles.
Fournès est un joli petit village médiéval perché, comme beaucoup d’autres dans ce pays gardois, sur un promontoire et blotti autour d’un château fantôme dépecé dont hélas, il ne reste que de bien maigres ruines. Les jolies ruelles qui en descendent aux noms évocateurs permettent encore à notre imaginaire de vagabonder dans l’histoire ancienne très riche, carrefour stratégique des civilisations et des routes commerciales obligées de l’Antiquité à la Renaissance.
A l’entrée du futur Parc Naturel Régional (PNR), il domine la vallée du Gardon qui s’offre à la vue de tous les randonneurs qui s’aventurent sur les chemins de Petites Randonnées (PR) communaux escarpés dans « les fosses de Fournès », magnifiques collines de marnes argileuses calcaires blanches d’intérêt sauvage faunistique et floristique reconnu (ZNIEFF). La vue à 360° du haut de ce site géologique, étrange au milieu des garrigues, permet d’en apprécier l’alternance harmonieuse des vergers et des vignes qui parent du printemps à l’automne, ces lieux de couleurs jaunes, blanches, vertes, dorées et rouges, diverses et chatoyantes. Tous les villages de caractères pittoresques de la région sont dans le champ de vision, paisibles dans leurs écrins de verdure, la plaine étant bornée par des collines.
C’est en 1970 que « la Languedocienne » autoroute vient troubler cette quiétude, balafrant les paysages et imposant brutalement à seulement 100 mètres des habitations nouvelles, ses nuisances sonores et atmosphériques, ses dangers pour la santé publique.
En janvier 2019, une nouvelle tentative de défiguration des lieux et du village s’annonce. Lors des vœux aux administrés la Maire apprend aux villageois, dans un bref et laconique communiqué, l’installation d’un centre de tri de colis Argan sur la zone de « La Pâle » à la sortie du péage et à seulement 200 mètres des premières habitations et 400 mètres du cœur du village.
Stupéfaits, les villageois découvrent qu’un gigantesque entrepôt logistique à vocation européenne sortira de terre dans les 6 mois seulement et qu’il est en préparation depuis 2017, voté en délibération dans la plus totale opacité au mépris de la concertation et de l’information légale du citoyen villageois : Artificialisation de 14 hectares en béton substituée à des vignes en AOC Côtes du Rhône Village. Un hideux et démesuré parallélépipède de stockage et vente de 400 mètres de long sur 100 mètres de large, 18 mètres de haut sur 6 étages. 2500 véhicules légers, 544 poids lourds par jour. 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Bâtiment éclairé jour et nuit, dominant la plaine et visible de tous les villages, du Pont du Gard lui-même et de ses belvédères, classés patrimoine mondial UNESCO et grand site de France.
Un collectif local, puis une association ADERE (Association pour le Développement de l’Emploi dans le Respect de l’Environnement) se constituent pour enquêter sur ce projet avancé en catimini et avec une précipitation suspecte. L’omerta des pouvoirs publics et des élus s’amplifient face à notre curiosité normale grandissante de supercitoyens responsables et soucieux du bien commun de leur commune…
Hélas, comme on pouvait s’y attendre en semblables circonstances, on y découvre une forte spéculation foncière des terrains et des conflits d’intérêts d’élus portant le projet, un laxisme des pouvoirs publics. Aujourd’hui, le dossier a donc fait l’objet d’une plainte au procureur général de la République qui, pleinement recevable aux vues des éléments à charge, a déclenché une procédure pénale auprès du Tribunal de grande instance de Nîmes pour soupçons de délits d’intérêts.
Par ailleurs, ce projet entaché de surcroît de très multiples irrégularités administratives, relevées par nos soins et nos avocats, nous ont conduit à engager de nombreux recours administratifs gracieux puis contentieux contre le Permis de construire délivré en septembre 2019 par la Maire et de nombreux recours gracieux contre l’Autorisation Environnementale (AE) de novembre 2019 du Préfet qui n’a pas daigné, comme la Maire, y répondre. De nombreuses associations et particuliers, qui nous ont rejoints, sont donc en préparation pour mettre un terme à cette aventure insensée, ubuesque et fondamentalement malsaine.
L’enquête publique (536 observations écrites contre) a démontré que 93 % des citoyens à l’évidence n’en voulaient pas. Mais les commissaires enquêteurs sans conscience n’ont pas eu d’état d’âme… Ils ont donné l’avis favorable au projet présenté comme « d’intérêt général ». Tout comme le préfet qui déclare le projet « d’intérêt public majeur » en s’appuyant sur des données d’emplois plus élevés et fantaisistes qui ne sont pas celles officielles, définitives du dossier de référence de l’enquête.
L’installation de cette verrue dans cet agréable paysage provoquera un déséquilibre écosystémique majeur, un réchauffement climatique, une très forte pollution et des engorgements de circulation, un effondrement des commerces de proximité de la région (pratique du E-commerce en concurrence déloyale avec cet entrepôt Amazon) et des problèmes de santé publique dans un cadre de vie altéré.
Il engendrera une dégradation considérable et irréversible de l’attrait touristique et économique du village sacrifié de Fournès, des villages environnants et du joyau deux fois millénaire de l’UNESCO, symbole de la longévité, de l’harmonie et de l’intelligence, de l’ingéniosité humaine antique mis au service de la collectivité (villes et villages desservis par la source de l’Eure). La zone de « La Pâle » est géographiquement la principale porte d’entrée naturelle du futur PNR, fréquentée déjà par 90% des visiteurs nationaux et étrangers du Pont du Gard qui longeront cette construction dans le sens aller mais aussi au retour. Terrible méprise et incohérence culturelle. Quelle image désastreuse pour le département et la France, la romanité et la valorisation de son passé éblouissant !
Aujourd’hui, grâce à une poignée de citoyens lucides et déterminés, actifs depuis février 2019, rejointe depuis avril 2020 par de nombreuses associations responsables et compétentes (Prima Vera, L’Uzège, la Sorève,…), nous continuons nos actions en justice et de communications auprès des décideurs locaux, régionaux et nationaux qui, de plus en plus nous rejoignent et amplifient notre opposition.
Nous avons une pétition nationale « Oui aux commerces de proximité ! Non aux nouveaux entrepôts Amazon ! » et internationale « Non à Amazon au Pont du Gard », des dossiers de presse à destination nationale et régionale.
Nous interpellons constamment les institutions, les chambres consulaires, les associations, les élus jusqu’au sommet de l’État par lettres ouvertes ou pas, réunions publiques, tractages publiques…
Nous avons enfin une plateforme de financement Helloasso qui permet de financer nos actions diverses.
Les premiers terrassements devaient démarrer en juin 2019. Rien n’est sorti de terre à ce jour et la friche sauvage reprend ses droits pour notre bonheur et celui de la pie grièche protégée ainsi que de nombreux autres espèces animales en danger… La barbarie humaine au XXIème siècle ne s’imposera pas en pays gardois.
Passéiste, ubuesque, aveugle, elle est en totale contradiction avec les aspirations populaires, les planifications institutionnelles et les concepts des paradigmes intellectuels émergents de ce siècle pour l’avènement d’un monde meilleur, possible dans le proche avenir.
Le jeudi 28 mai 2020,
Patrick Fertil,
Chargé de communication, Membre d’ADERE, association loi 1901
06.95.85.56.52
contact.adere@orange.fr
4 rue de la Tapie 30210 Fournès