Bilan du rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel

Dans cette tribune sur le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, nous laissons la parole à Mme Marie-Claude Manet, présidente d’honneur de l’Association des Amis du Site de Genêts, de ses environs et de la Baie du Mont-Saint-Michel (A.G.E.B).

Bilan du rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel : la mer tourne autour du Mont, un grand succès !
Côté baie, un bouleversement rapide très inquiétant, l’accélération de l’ensablement et de la progression des herbus.

mont saint michel en eauLa mer tourne autour du rocher. Lors de très grandes marées, pendant quelques heures, le Mont redevient une île. L’arrivée, dégagée de la marée de voitures, est magnifiée.
Par contre, l’état de la petite baie se modifie rapidement. L’ensablement de la petite baie comme le montre les relevés Lidar ci-dessous s’est considérablement accéléré dans la zone nord-est et est. Entre 2009 et 2017, les fonds se sont rehaussés de plus de 3 mètres, avec une accélération assez nette ces deux dernières années où l’élévation avoisinait le mètre. Auparavant l’ensablement se faisait au rythme d’environ 3 cm/an. L’herbu sur cette zone du littoral a « gagné » plus de 700 mètres sur les grèves. Tombelaine, rocher mythique de la baie, chargé d’histoire et refuge des oiseaux de mer, est maintenant isolé sur un tas de sable.

Topographie septembre 2009 Topographie 2017

Cette accélération de l’ensablement dans la zone est et nord-est de la petite baie est concomitante avec le fonctionnement du barrage sur le Couesnon depuis 2009. Sous l’effet des chasses pratiquées six heures après pleine mer, en totale opposition avec les rythmes naturels, la mer s’étant alors retirée au loin, un nouveau chenal a été creusé artificiellement, devenant le point le plus bas de la baie qui a attiré les rivières Sée et Sélune qui auparavant coulaient beaucoup au nord et à l’est de la petite baie, emportant au jusant une fraction des sédiment portés par le flot et nivelant les fonds par leurs divagations.

barrage de couesnonLa situation actuelle diffère de celle indiquée dans l’étude d’impact du projet du rétablissement du caractère maritime du Mont qui prévoyait qu’il n’y aurait aucun effet global sur la sédimentation au-delà des abords du Mont et que le cours des rivières Sée et Sélune serait séparé de celui du Couesnon par un grand banc partant du nord de Tombelaine. Dans leur sagesse, les auteurs du projet avaient recommandé qu’en cas de modification de l’environnement imprévue, il serait nécessaire de revoir le fonctionnement du barrage sur le Couesnon.

Les autorités que nous avons alertées à plusieurs reprises nous ont répondu que tout était normal, niant tout impact du fonctionnement du barrage sur l’évolution de la petite baie.

Si cette évolution se poursuit, le Mont se situera en bordure de rivière. Les herbus remplaceront les grèves tantôt miroitantes, tantôt sableuses. Le paysage dont la valeur universelle exceptionnelle est reconnue par son inscription sur la liste du Patrimoine mondial sera défiguré.

Actuellement, alors que se met en place une structure pour gérer le Mont et sa baie et présenter un plan de gestion à l’Unesco qui le réclame depuis 2012, l’évolution de la baie maritime est volontairement ignorée.

Il faut ne pas attendre comme le préconisent certaines autorités 2040. Il faut agir vite pour constater la réalité de l’évolution, étudier l’impact du fonctionnement du barrage sur le Couesnon et envisager des correctifs pour concilier le rétablissement du caractère maritime du Mont et la préservation de l’environnement de la petite baie.

 

Marie-Claude Manet